Mobile BankingGrâce au mobile banking, les Tunisiens vivant dans des zones rurales enclavées pourraient avoir accès au système financier et, d’abord, à la micro-finance.

Les populations aux revenus modestes pourraient, en effet, bénéficier de micro-crédits et les payer via leurs téléphones mobiles, sans être obligées de dépenser de l’argent pour se déplacer vers les villes où sont concentrées les banques et les institutions financières conventionnelles.

L’Ong internationale Enda Interarabe a déjà fait bénéficier 4.500 de ses clients de ces services qui vont révolutionner à la fois le monde de la micro-finance et celui de la téléphonie mobile.

Désenclaver les zones rurales

L'institution de micro-finance, active en Tunisie depuis 25 ans, s’est fixé pour objectif de se rapprocher davantage des populations rurales, généralement privées des infrastructures de base et éloignées des dispositifs bancaire et financier. Le but étant de les inclure dans le système financier national et partant garantir une traçabilité financière d’une grande partie de la population tunisienne.

L'objectif visé par Enda à travers ce mariage entre les technologies de l'information et de la communication (TICs) et la micro-finance, c'est de permettre aux gens d'effectuer, à travers leur téléphone mobile, des opérations de remboursement à distance.

En s'inspirant des success-stories du «mobile payment», telle que la première expérience M-PESA amorcée au Kenya en 2007 et généralisée à de nombreux pays en développement (Philippines, Afrique de Sud), l'institution de micro-finance a opté pour une approche de proximité, selon le principe «Si vous ne pouvez pas aller vers la banque ou l'institution financière, celle-ci vient à vous».

Le projet de mobile banking qu'elle a lancé, initialement pour le remboursement des échéances des crédits d'Enda, via le téléphone, à Sidi Hassine (Borj Chakir, Birine) et à El-Hanya (à 50 km de la ville de Sidi Bouzid), et la région de Siliana (Sidi Ameur, El-Barrama), a permis de servir, de juin 2013 à ce jour, plus de 2.300 clients abonnés. Plus de 4.500 opérations de remboursement via le téléphone mobile ont déjà été effectuées.

L'étape suivante du projet consiste à étendre cette expérience au reste des zones prioritaires dans diverses régions.

Au service des micro-entrepreneurs

Les responsables de l’Ong sont convaincus que l’utilisation des nouvelles technologies en micro-finance a un impact indéniable sur les performances des institutions et sur la qualité des services proposés aux micro-entrepreneurs.

Enda compte actuellement 78 agences à travers la Tunisie, avec une solide présence dans les zones enclavées, au service des groupes sociaux vulnérables et des régions rurales reculées. Les populations de ces régions rencontrent des difficultés d’accès géographique à des services financiers de proximité parce que le réseau bancaire est concentré dans les grandes villes et les régions côtières. De plus, l’infrastructure des GAB et des TPE reste restreinte.

Techniquement, le service consiste à charger les comptes et à procéder, après, et avec l’assistance des agents de l’Ong, au remboursement via le téléphone portable. Il n'est pas besoin d’avoir un smartphone, il suffit juste d’un appareil à travers lequel l'intéressé peut envoyer des messages SMS.

Ce projet est financé à hauteur de 1.200.000 euros par la délégation de l’Union européenne dans le cadre de son programme «Inclusion financière des populations rurales enclavées à travers le branchless banking».

L’opération pilote a été entreprise en collaboration avec la société Viamobile, comme partenaire technologique, la banque Biat, comme institution financière, et Tunisie Telecom, et ce conformément à la réglementation en vigueur.

Techniquement, l’opération est effectuée à travers la solution de «mobile payment» de Viamobile («Mdinar»), un service innovant, simple, rapide, sécurisé et économique destiné au porteur et non porteur de compte bancaire permettent de faciliter les paiements à distance.

A travers cette solution, les clients peuvent régler leurs achats en ligne en quelques clics ou envoyer de l'argent immédiatement à une autre personne.

La banque à distance s'appuiera sur des agences commerciales de proximité et les technologies pour fournir des services financiers à une clientèle à faibles revenus résidant dans les zones éloignées.

Le projet a été déjà testé dans deux antennes implantées dans les régions de Tunis (Sidi Hassine-Borj Chakir) et Sidi Bouzid, pour s'étendre ensuite aux antennes se situant dans le reste des gouvernorats prioritaires.

Autonomisation et encadrement

L'objectif de l'organisation est, d'après Mohamed Zmander, directeur d'exploitation, et Tahar Moulahi, chef de projet Mobile Banking, de servir et rapprocher les services financiers de 50% des clients dans les zones rurales au lieu de 30% actuellement durant les 5 prochaines années.

Ces zones sont généralement privées de toutes infrastructures bancaire et technologique et caractérisées par une population dispersée. Ceci se fera à travers le concept de l'agence virtuelle, un dispositif et des agents d'Enda qui se déplacent dans les zones rurales à la rencontre des clients avec une approche de sensibilisation et d'encadrement pour le remplissage de formulaires de crédits et l'utilisation des supports technologiques (téléphones) pour le paiement, ont expliqué les deux responsables.

Les population ciblées sont, essentiellement, les femmes rurales et les jeunes sans emplois dans ces zones. L'indépendance financière des femmes ne suffit pas, d'après M. Zmander, il faut aussi, leur garantir une autonomisation et un encadrement pour qu'elles puissent comprendre et entreprendre des projets pérennes.

Actuellement, seulement 25,3% des femmes accèdent aux services de la finance conventionnelle contre 39,2% des hommes. De plus, la bancarisation des personnes à faibles revenus reste très restreinte: seulement 15,6% des bas revenus ont accès à la finance contre 41,3% pour les personnes qui se placent en haut de la pyramide des revenus.

L'exclusion financière touche les femmes, les moins instruits et les agents à faible revenu. Elle contribue, ainsi, à aggraver leurs difficultés sociales et économiques.

Les démarches inclusives impliquent l'engagement de toute partie prenante : Etat, institutions financières, organisations non gouvernementales et universitaires. Elles appellent aussi à la finance novatrice: innover dans les produits et dans les institutions.

«Initialement, nous avons utilisé ce service pour le paiement des crédits d'Enda, mais notre objectif à long terme est d'intégrer des populations vivant presque à la marge et dans l'informel au circuit formel à travers la généralisation du service mobile banking pour qu'il soit utilisé dans le paiement des factures d'électricité et de l'eau, le transfert d'argent et même l'épargne. C'est en quelque sorte une intégration dans le système financier, via les TIC», explique M. Zmander.

Le client est assisté au départ pour s'initier à l'utilisation des supports technologiques dans le paiement. Après cette assistance et un effort de sensibilisation «un capital confiance s'installe» et le processus est lancé. Car, d'après les deux responsables, la population ciblée a avant tout besoin de faire confiance aux services financiers qui lui sont offerts et aux parties qui les offrent.

En Tunisie, le système bancaire est parvenu à mettre en place un réseau important de représentations et d'agences. Le pays compte actuellement, plus de 1.430 agences bancaires, soit approximativement une agence pour 7.700 habitants.

Toutefois, selon le Global Findex 2011, 68% des Tunisiens âgés de plus de 15 ans sont exclus de toute activité financière formelle. En dépit des développements apparents du système financier tunisien, peu de ménages en profitent au moment où les besoins de la vie moderne sont en constante croissance.

Selon Tahar Moulahi, chef du projet Mobile Banking d'Enda, des enquêtes ont été réalisées pour évaluer le degré de satisfaction des clients et des vidéos ont été enregistrées pour parler de leur expérience. Il en ressort «une transformation radicale dans la vie de nos clients. En plus, on les implique dans la démarche suivie pour ce projet», a-t-il lancé.

Source : Tap.

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