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Le projet de création d'une société de gestion d'actifs, défendu par le gouvernement, posera plus de problèmes qu'il n'en résoudra.

Par Aref Slama

Des articles au niveau de la Loi de finance complémentaire (LFC) pour l'année 2014 ont porté création d'une société de gestion d'actifs (SGA) dont l'objet est le rachat des créances impayées auprès des établissements financiers.

Ces articles, qui n'ont pas été approuvés, du moins pour le moment, ne spécifient ni la valeur des crédits ni leur âge. Ils indiquent que le mode de fonctionnement de la SGA ne rentre pas dans le cadre de la législation en vigueur.

La société de gestion d'actifs

La société est autorisée avant le rachat des créances d'accéder aux informations confidentielles se rapportant à l'entreprise dont le crédit ferait l'objet de transfert. De plus, la valeur de cession ne dépasse pas la moitié du nominal du principal de la dette et elle donne lieu à la dissolution des structures de gestion et la désignation d'un administrateur judiciaire.

Après la notification au débiteur de l'amorçage des procédures de cession et au bout d'un certain délai, il n'aura plus le droit à aucun recours judiciaire et sera privé de tout arrangement. Il s'agit d'une grande affaire de confiscation touchant tous les secteurs économiques.

D'après des spécialistes, ceci est une violation intense des droits fondamentaux vu qu'on créera un système judiciaire parallèle, sans parler de la transgression de plusieurs articles de la constitution notamment ceux protégeant le droit de propriété, l'égalité des citoyens et des données personnelles.

La création de la SGA aura donc certes, des effets dévastateurs sur le plan financier et social, particulièrement dans ce contexte que vit le pays.

Les principales répercussions concerneraient aussi le sort des lois de redressement amiable et judiciaire des sociétés surtout que celles-ci ont permis d'instaurer un cadre adéquat de régulation qui a contribué au potentiel économique en permettant le sauvetage de plusieurs entreprises.

Ce dispositif serait vidé de tout sens voire même abandonné ce qui posera des questions quant à l'avenir des investisseurs dont les projets ont subi durant ces dernières années les méfaits de la conjoncture économique et sociale.

Ceci causera des ravages concernant la progression de l'investissement et l'abandon d'un grand nombre d'entreprises en souffrance à leur propre destin pour provoquer l'essoufflement du système bancaire et financier.

D'après des sources bien informées, le projet est le fruit de recommandations du département de restructuration financière de la Banque mondiale depuis 2012, exhortant les autorités tunisiennes à instaurer une entité qui prendra en charge la question de l'accumulation des créances accrochées touristiques.

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Les méfaits de SGA

La SGA s'appropriera des biens des clients bancaires qui trouvent des difficultés même passagères à honorer leurs engagements. Au départ, le recouvrement ne porte que sur les crédits touristiques pour qu'il soit généralisé à tous les secteurs.

Cette pratique du type fonds vautours qui titrisent les créances et les transmettent à des sociétés supposées restructurer les systèmes financiers mais dont l'objectif est la spoliation, engendrera une réallocation inéquitable des ressources.

Sa mise en œuvre, qui a été préparée par les deux gouvernements de la Troïka 1 et 2 et que les responsables actuels tiennent becs et ongles à sa concrétisation, fait partie de l'application des diktats du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du programme de réformes structurelles.

Celles-ci portent sur la privatisation des banques et des grandes entreprises publiques, l'adoption de nouveaux accords internationaux de coopération, la refonte du dispositif de partenariat public-privé et la révision de la loi de concurrence.

Les données concernant l'ampleur des crédits douteux, estimés à 20% des concours bancaires, prêtent à interprétation surtout que le taux de garantie est de 171% pour des crédits de 49.118 millions de dinars (MD) et un ratio de solvabilité du secteur bancaire de 12,3%.

La réforme bancaire par l'assainissement des créances accrochées, dont les détails de la classification n'ont jamais été présentés, et la mise en place de la SGA ne répondent pas, ainsi, aux principes de bonne gouvernance et de gestion des risques stratégiques.

Le changement de vocation des entreprises dans ce nouveau dispositif, qui fait l'objet d'ajustements pour être présenté de nouveau à l'Assemblée, aura un grand impact au niveau de l'accès à la propriété et de la présence de spéculateurs dans le pays.

La menace est pesante sur le plan de la préservation de la paix sociale et de la sauvegarde de la souveraineté économique du pays.

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