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Clients particuliers et chefs d'entreprises se plaignent d'un assèchement financier, qui risque de les asphyxier et de compromettre la pérennité de leurs activités.

Par Aref Slama

Toutes les grandes crises financières trouvent leur origine dans un resserrement du crédit. La situation est imputable, en règle générale, à la dégradation de la liquidité. Pour éviter les risques de détérioration des assises du système bancaire, les autorités monétaires s'efforcent de développer, en pareil cas, des politiques adéquates.

Resserrement du crédit

Le resserrement du crédit correspond à un ralentissement brusque des prêts offerts aux entreprises et aux particuliers. Ce phénomène est du à une pénurie de liquidité en raison de la volatilité des dépôts bancaires qui ne couvrent plus les encours des crédits octroyés. La situation est souvent concomitante à une hausse des taux d'emprunt et à des exigences de fortes garanties pour obtenir un prêt.
En Tunisie, les banques sont au cœur du financement de l'économie en assurant 90% des besoins, à ce titre, et lorsque leur situation financière ne leur permet plus d'assurer cette mission, la distribution du crédit est compromise.

Rappelons que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a annoncé certaines mesures fin 2012 pour rationner les crédits à la consommation et réviser les taux de réserves obligatoires ce qui a obligé les banques à détenir une fraction plus conséquente de leurs dépôts sous forme de provisions bloquées auprès de l'institut d'émission.

La BCT a utilisé un deuxième outil de la politique monétaire via l'influence indirecte qu'exerce le taux d'intérêt directeur sur les taux auxquels les banques elles-mêmes octroient des crédits. Ce taux se situe actuellement à 4,75%.

Du coup, plusieurs clients particuliers et des gérants d'entreprises se sont exprimés pour déclarer qu'ils commencent à faire face à un véritable assèchement financier, qui, s'il se poursuit, risque de les asphyxier et de compromettre la pérennité de leurs activités d'exploitation.

La situation comporte d'autres facteurs aggravants de risque en raison de la montée des pressions inflationnistes suite à l'écart qui se creuse au niveau de la cotation du dinar particulièrement par rapport à l'euro et au dollar U.S.

De ce fait, certains analystes financiers estiment que la situation devient menaçante vu qu'ils évoquent que l'obtention d'un prêt actuellement auprès de son banquier relève du parcours du combattant et ce, parallèlement à l'augmentation du nombre des demandes de financement qui se heurtent à une fin de non-recevoir. Ils jugent aussi que l'exigence de gages de paiement s'est renforcée ce qui fait que le taux de garantie s'élève à 171% et que les autorisations de découvert connaissent une diminution remarquable.

L'annonce par les banques tunisiennes de la réalisation d'un chiffre d'affaires de 3.930 millions de dinars (MD) au 31 décembre 2013 en hausse de 16,5% par rapport à fin 2012 et d'une marge globale en progression de 15,5% cache en réalité plusieurs fragilités notamment sur le plan du rendement des actifs qui ne dépasse pas 1%, du manque accrue de liquidité et de l'inadéquation du niveau des fonds propres par rapport au volume transactionnel du secteur.

Un secteur bancaire à la traîne

En se référant à un échantillon de pays de la zone du Moyen Orient et de l'Afrique du Nord (Mena), les données du Fonds monétaire international (FMI) ont montré qu'au terme de l'année 2012, le secteur bancaire tunisien vient à la traîne au niveau de la région avec un taux de créances accrochées assez élevée, un effort de provisionnement des prêts non performants jugé comme limité, un retour sur investissements s'affichant en détérioration et une solvabilité peu rassurante dans l'ensemble.

Le FMI juge qu'une injection de 2,7 milliards de dollars U.S soit l'équivalent de 4.650 (MD) est nécessaire pour permettre au système bancaire tunisien d'assurer efficacement son rôle au niveau de la dynamisation de l'économie nationale.

La restauration d'un système bancaire en bonne santé, c'est-à-dire avec des fonds propres et une rentabilité d'un niveau suffisant est un préalable à toute reprise efficace de l'activité économique par les mesures de politique financière et monétaire habituelles comme les divers types de relance budgétaire ou la baisse des taux d'intérêt.

Le développement économique passe par la réalisation d'investissements productifs et la couverture d'un besoin en fonds de roulement lié à la constitution de stocks et à la longueur du processus de production. Le financement des activités productives, via les crédits aux entreprises ou à la consommation, est donc crucial.

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