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La guerre déclarée de certaines associations tunisiennes contre les opérateurs pétroliers en Tunisie, largement relayée et gonflée par les médias, est excessive et, surtout, injustifiée.

Par Wided Ben Driss*

Depuis la révolution, plusieurs voix se sont élevées pour accuser les opérateurs du secteur pétrolier de corruption et de pillage des richesses nationales. Le rapport annuel des finances de l'Etat tunisien de 2011 a consacré à ce sujet une section assez détaillée qui a mis le doigt sur les déviations de quelques opérateurs, ainsi que des institutions de l'Etat.

Logiquement, les déviations devraient être corrigées et incriminées selon leur niveau de gravité, et ce conformément aux procédures et lois d'un Etat de droit et des institutions, et dans le respect des données privées des personnes et des sociétés.

Or, on assiste, aujourd'hui, à la présentation de documents sous signature à l'Assemblée nationale constituante (ANC)et à des accusations de fraude fiscale, de corruption et de pillage des richesses nationales lancées à l'encontre de personnes physiques et morales, sans aucun fondement, et avec des histoires montées de toutes pièces.

Dans la presse tunisienne, des vagues d'attaques ciblent, ces derniers mois, tel ou tel opérateur. Il s'agit souvent de grands producteurs, qui ont investi des centaines de millions de dollars dans les travaux d'exploration avant de faire des découvertes, de produire des hydrocarbures et d'en partager le bénéfice avec l'Etat tunisien conformément aux contrats signés.

Dernièrement des partis politiques (voir ''Echourouk'' du 4 janvier) ont cru devoir lancer un appel pour la nationalisation du pétrole tunisien. Ils auraient bien d'autres choses plus utiles à proposer...

Qui se cache derrière ces manœuvres?

Les auteurs des déclarations, articles et documents sont souvent des partis politiques, des associations, des journalistes et des experts indépendants. Les partis politiques sont connus et assumeront leurs opinions auprès de l'électorat, mais ils seraient bien inspirés de prendre conseil auprès d'experts intègres avant d'avancer des accusations et de lancer des appels qui auront des effets néfastes sur le pays à court et à long termes.

Les associations se sont multipliées et il est difficile d'identifier qui les finance et quels sont réellement ses objectifs? Nous citerons, à titre d'exemple, l'Association tunisienne de la transparence dans l'énergie et les mines (Attem) et les associations Al-Walaa Lil-Watan (Allégeance à la Nation) et Twensa Dhid El-Fasad (Tunisiens contre la corruption), qui sont très active, et pas toujours à bon escient, dans le domaine de la lutte contre la corruption dans le domaine de l'énergie et des mines.

La réaction des journalistes reste compréhensible dans un environnement de liberté d'expression sans précédent et avec la volonté de créer un «buzz», qui plus est, dans un contexte d'abondance médiatique et de rude concurrence.

Néanmoins, il n'est pas difficile de comprendre que les documents et les informations, souvent pointues, publiés par les médias sont livrés par certaines «sources» dont on ignore les intérêts et les motivations.

S'ils veulent vraiment veiller à la préservation des richesses du pays et lutter contre la corruption, comme ils le disent, les associations et les médias devraient se montrer plus circonspects, plus objectifs et plus responsables en étudiant, avant toute accusation, les termes des conventions et des contrats liant chaque opérateur à l'Etat tunisien. Car, à moins d'avoir des informations précises et vérifiables, il serait inutile et même nuisible de monter des histoires de toutes pièces et d'échafauder des scénarios de corruption sans aucun fondement. D'autant que d'accès à l'information publique est devenu un droit dans notre deuxième république.

La polémique sur le gaz de schiste

La polémique autour de l'exploration des ressources non conventionnelles, notamment le gaz de schiste, a commencé en septembre 2012 et continue de susciter les réactions les plus passionnées.

Les autorités ont expliqué à maintes reprises, mais en vain, qu'aucune activité de ce genre n'existe actuellement en Tunisie, puisque la loi des hydrocarbures ne le permet pas.

On notera, cependant, au passage, que l'Algérie, pays grand producteur de pétrole et de gaz et qui dispose d'importantes réserves d'hydrocarbures conventionnels, a amendé et publié, en février 2013, sa nouvelle loi des hydrocarbures réglementant l'exploration et le développement des hydrocarbures non conventionnels. La Sonatrach a signé, dans ce contexte, un accord de coopération avec ENI, Talisman, Shell et Anadarko pour développer les ressources non conventionnelles en utilisant les nouvelles technologies.

En Tunisie, des associations et des partis politiques continuent encore d'affirmer, sans preuves tangibles, que des opérateurs sont en train d'explorer des ressources non conventionnelles en Tunisie. L'opérateur du permis Bouhajla a même été sévèrement harcelé par des soi-disant «experts» qui ont cru pouvoir expliquer les récentes secousses telluriques à Monastir (centre-est) par le forage du puits de Bouhajla: un trou ne dépassant pas 25 cm de diamètre et qui se trouve à plus de 70 km du lieu de la secousse, dont les géologues peuvent indiquer précisément le centre.

Il n'est pas inutile de rappeler ici que la Tunisie est encore à un stade préliminaire en matière d'exploration des ressources non conventionnelles.

Dissiper les soupçons et les rumeurs

En fait, on n'est même pas sûr que nos argiles sont capables de débiter des hydrocarbures. La subsurface de la Tunisie contient, en effet, plusieurs roches mères argileuses (riches en matière organique) et des études sont nécessaires pour prouver que ces argiles peuvent fluer de l'huile ou du gaz. Aussi l'Etat doit-il, en accord avec les opérateurs, préparer une stratégie pour l'exploration de ces ressources, mais il doit d'abord prouver leur potentiel réel.

On rappellera, ici, que l'exploration des ressources conventionnelle se focalise sur la recherche des roches réservoirs (magasins poreux où migrent les hydrocarbures préalablement expulsés des roches mères matures), et dans la majorité des cas, les roches mères suscitent peu d'intérêt et sont tubées afin d'être isolées.

Les études, recherches scientifiques et explorations relatives au potentiel des ressources non conventionnelles, si tant est qu'elles sont menées légalement, ne peuvent qu'être bénéfiques pour notre pays et pour les générations futures. Elles indiqueront la faisabilité des projets de développement du gaz ou du pétrole à partir de nos argiles dans les différentes zones potentielles du pays.

Les associations, experts et opérateurs peuvent se réunir sous l'égide du ministère de l'Industrie pour discuter, ouvertement et à visage découvert, des problèmes du secteur de l'énergie et des solutions à y apporter. C'est le seul moyen pour réconcilier tous les intervenants et, surtout, dissiper rumeurs, les suspicions, les malentendus fondés sur une mauvaise information.

La deuxième république ne saurait être construite que sur le débat ouvert et la transparence.

* Exploration Manager.

 

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