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Pourquoi autant d'acharnement du ministre de l'Agriculture sur la société des Vignerons de Carthage? Quelles sont les réelles motivations de Mohamed Ben Salem?

Par Ezzeddine Ben Hamida*

Les Vignerons de Carthage ont eu en mars 2013 un sérieux différent avec le ministre de l'Agriculture, Mohamed Ben Salem, qui a demandé, suite à une inspection inopinée d'une journée, réalisée par Makram Marzouki, la dissolution du conseil d'administration (CA) et le limogeage de son directeur général (DG). Ce différend qui est toujours d'actualité s'est transformé en bras-de-fer entre le ministre et le CA.

Aussi, le 5 avril dernier, monsieur le ministre avait déclaré lors d'une conférence de presse: «Nous avons constaté, suite à une inspection routinière réalisée par les services de l'inspection générale, la gestion subversive du DG qui a causé à son entreprise des pertes colossales. Il s'est octroyé des salaires et des primes d'une valeur de 54.000 dinars. Le président du CA, quant à lui, avait bénéficié d'un emprunt de 64.000 dinars sans intérêt et sans mobile légitime».

Qu'en est-il, au juste?

D'après les membres du CA, qui soutiennent leur DG, ces primes et ces avantages (emprunt sans intérêt, dans le cadre de la coopérative, pour l'implantation d'une nouvelle exploitation agricole) sont légaux dans la mesure où ils ont été avalisés par le CA. «Ils font suite aux excellents résultats obtenus grâce aux choix stratégiques du DG: un chiffre d'affaires de près de 64 millions de dinars (MD), des bénéfices nets d'impôts qui avoisinent les 7MD, plus de 23,5 MD ont été versés à l'Etat aux titres d'impôts, remboursement de tous les emprunts bancaires, etc.», déclarent-ils.

Ils rappellent, par ailleurs, qu'«en 2002, l'équipe de direction et le CA actuel avaient hérité d'une situation financière particulièrement préoccupante pour ne pas dire catastrophique: une dette globale de plus 40MD; une perte nette de 13 MD sans compter les investissements inopportuns et les décisions hasardeuses prisent par le précédent CA, telle que la création de nouvelles unités de production au moment même où le secteur du vin et de la viticulture passèrent par une crise».

Mieux encore, les ouvriers des Vignerons de Carthage soutiennent inlassablement leur CA et leur DG; ils soulignent avec insistance, d'une part, «l'amélioration, dans les dix dernières années, de leurs conditions de travail grâce à l'acquisition de nouvelles chaînes de production plus modernes et par conséquent plus performantes et moins pénibles». Et, d'autre part, «la progression durable et soutenue de leur niveau de rémunération (18 mois de salaire)».

Par ailleurs, il est utile de rappeler que les Vignerons de Carthage sont une coopérative dont le CA est composé de 9 sociétés. L'Etat ne détient aucune part du capital et ne verse guère de subvention. En revanche, il exerce une tutelle sur cette coopérative par le biais des ministères de l'Agriculture et des Finances.

En matière de fixation du salaire du directeur général, le conseil d'administration, comme le stipule les statuts, dispose d'une totale liberté. L'Etat n'a pas donc à intervenir en la matière!

Cacophonie?

En mars 2013, une inspection ordonnée par le ministère de l'Agriculture. L'inspecteur Makram Marzouki, après une journée de travail dans les locaux de la coopérative, avait demandé formellement un éclairage sur sept points. La direction s'est empressée pour répondre positivement à sa requête en moins de 24 heures avec toutes les annexes nécessaires.

Mieux encore, le 18 mars, une rencontre a eu lieu entre le ministre de l'Agriculture et l'ensemble des membres du CA, à l'exception du président de la Société mutuelle de services agricole de base (Bir Dressen) où il s'est avéré que Mohamed Ben Salem n'était pas suffisamment bien informé, pour ne pas dire mal informé, par ses conseillés !

Six mois après, le ministre revient à la charge et demande, à nouveau, la dissolution du CA et le limogeage du DG!

Par ailleurs, il est intéressant de souligner que, déjà, en 2009 et 2010, deux inspections avaient eu lieu.

La première par le ministère de l'Agriculture; une inspection qui a duré près de 3 mois. Le rapport final ne fait état d'aucune anomalie. Au contraire, il souligne la rigueur et le respect du cahier des charges.

La seconde par le ministère des Finances qui a dépêché 3 inspecteurs, qui ont épluché tous les comptes. Leurs conclusions mettent en exergue, également, la rigueur de la gestion et la clarté des comptes.

Pourquoi alors autant de tapage et de charivari? Pourquoi alors ne veut-il pas lâcher prise et ressasse sans cesse cet affaire depuis maintenant plus de 8 mois? Pourquoi autant d'acharnement? Quelles sont les réelles motivations du ministre de l'Agriculture? Cherche-t-il à mettre la main sur l'établissement pour assouvir ses convictions idéologiques et mettre ainsi en pratique le projet politique de son parti? Ou, au contraire, sachant l'excellente rentabilité des Vignerons de Carthage, il cherche à en tirer profit pour assurer une nouvelle source de financement pour son organisation politique qui est en quête de financement? Ou tout simplement, il s'agit d'une mauvaise appréciation d'un dossier sur le quel il est mal conseillé ?

* Professeur de sciences économiques et sociales.