Les investissements touristiques ont chuté de 50% en 2012. Les porteurs de projets attendent des jours meilleurs alors que les banques sont devenues très frileuses en matière d'octroi de crédits à un secteur mis à mal par le chaos sécuritaire.

Par Wahid Chedly

Sale temps pour l'industrie touristique tunisienne. Les investissements dans ce secteur qui représente habituellement, bon an mal an, 7% du Pib du pays, ont enregistré une baisse drastique de 50% durant les 11 premiers de 2012.

Dette faramineuse et dégradation de la sécurité

C'est ce qu'a annoncé le ministre du Tourisme, Elyès Fakhfakh, lors d'une conférence de presse tenue vendredi à Tunis. Selon lui, cette chute spectaculaire s'explique non seulement par la réticence des banques à financer des projets touristiques mais aussi par l'arrivée à terme du programme de mise à niveau des unités hôtelières et la situation générale dans le pays, un euphémisme servant à décrire le climat sécuritaire marquée par des violences et des tensions sociales dans plusieurs régions du pays.

M. Fakhfakh a également fait savoir que les hôteliers trainent comme un boulet des dettes faramineuses. L'endettement global des hôteliers est, selon lui, de l'ordre de 3,5 milliards de dinars. Pire encore, entre 600 et 800 millions de dinars sont des créances litigieuses qui seront prises en charge par une société de gestion d'actifs.

Côté performances du secteur en 2012, le tableau est, pour le moins, très mitigé. D'autant plus que le secteur peine à retrouver ses niveaux de 2010 qui n'était pourtant pas un bon millésime.

Durant les 11 premiers mois de l'année, la Tunisie a, en effet, reçu 5,554 millions de touristes au 30 novembre 2012, contre 4,456 millions en 2011 et 6,487 millions en 2010.
Les recettes de l'industrie touristique se sont, quant à elles, élevées à 2,9 milliards de dinars durant les 11 premiers mois de 2012 contre 2,2 milliards en 2011 et 3,2 milliards en 2010.

Satisfaction et optimisme béat!

Elyes Fakhfakh.

Elyes Fakhfakh.

Le ministre du Tourisme, qui met l'accent sur les comparaisons de ces chiffres avec ceux de l'année 2011, marquée par une gabegie sans précédent dans le sillage de la révolution, fait, toutefois, preuve d'une satisfaction béate! «Nous avons presque atteint, durant les seuls 11 premiers mois de l'année, l'objectif de 6 millions de touristes que nous nous sommes fixé pour toute l'année 2012», commente -t-il. Et d'ajouter: «On aurait pu mieux faire s'il n'y avait pas eu des annulations consécutives à l'attaque salafiste contre l'ambassade américaine, qui a porté un coup fatal à l'arrière-saison et une récession économique en Europe», admet cependant le ministre.

La répartition des entrées par marché, entre le 1er janvier et le 30 novembre 2012, fait également ressortir une nette amélioration sur la quasi-totalité des pays émetteurs de touristes vers la Tunisie par rapport à 2011, mais une régression généralisé par rapport à 2010.

Ainsi, les entrées des touristes européens (2,87 millions) ont augmenté de 40,6% par rapport à 2010 et régressé de - 22,1% en comparaison avec 2010. Les entrées des touristes maghrébins (2,552 millions) ont évolué de 18,4% en comparaison avec 2011 et baissé de -3,7% par rapport à 2010. De leur côté, les entrées des nord-américains (20.723) ont enregistré une hausse 29,5% par rapport à l'année dernière et une baisse de -20,9% en comparaison avec 2010.

S'agissant des perspectives 2013, l'optimisme est aussi de mise. La destination Tunisie table en effet, selon M. Fakhfakh, sur au moins 6,8 millions de touristes en 2013. «L'état de booking pour l'été 2013 est satisfaisant si l'on prend en considération le fait que l'early booking est en régression partout dans le monde», indique le ministre.

56 dossiers de corruption déterrés

Pour tenter de relancer les investissement dans le secteur touristique, le ministère de tutelle compte lancer un nouveau programme de mise à niveau des unités hôtelières durant le deuxième semestre 2013 et un appel d'offres pour le choix d'un Bureau d'étude chargé d'accompagner la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement du tourisme à l'horizon 2016. Il aussi lancé des réformes visant à simplifier les procédures d'investissement dans le secteur.

Sur un autre plan, M. Fakhfakh a fait état d'une «opération mains propres» au sein du ministère du Tourisme qui a abouti à l'ouverture de 56 dossiers de corruption financière et administrative. 25 dossiers de corruption ont été déjà transmis à la justice. Ils concernent essentiellement le non-paiement de taxes et de redevances par des membres ou des proches de l'ancien clan au pouvoir, la réalisation de projets touristiques sans autorisations préalables et des appels d'offres publics lancés en violation des dispositions légales. 31 autres dossiers de corruption financière et administrative se rapportant notamment à l'octroi des terrains touristiques à des proches de l'ancien régime des malversations dans la gestion des représentations de l'Office national du tourisme tunisien (Ontt) à l'étranger font également l'objet d'un suivi de la part de commission de contrôle financier relevant du Premier ministère.

Concernant l'affaire relative aux procédures d'acquisition par l'actuel ministre du Sport et de la Jeunesse, Tarek Dhiab, d'un terrain sur les hauteurs de Gammarth à 33 dinars le mètre carré pour la construction d'un complexe sportif et touristique, le ministre du Tourisme a indiqué que l'Agence foncière touristique (Aft) a refusé d'accorder ce terrain à l'intéressé à ce prix. «L'Aft a évalué le prix du mètre carré du terrain à 120 dinars, un prix jugé très élevé par le ministre qui n'a pas respecté les délais légaux de présentation du dossier, en l'occurrence trois mois. Ainsi l'option sur le terrain qui lui avait été accordée en 2011 a été levée», précise le ministre, en indiquant que M. Dhiab a saisi récemment la justice pour contester le prix fixé par l'Aft.

Tarek Dhiab.

Tarek Dhiab.

Dans ce même chapitre, le ministre du Tourisme a rappelé que Tarek Dhiab a obtenu un accord de principe pour l'achat de ce même terrain, tombé par la suite dans l'escarcelle d'un gendre de Ben Ali.