Les patrons tunisiens déplorent 120.000 emplois non satisfaits dans l’industrieDans un pays qui compte plus de 800.000 chômeurs, quelques 120.000 offres d’emplois dans l’industrie et le Btp restent non satisfaites. C’est ce qui ressort d’une récente étude réalisée auprès des patrons.

Le secteur du textile peut augmenter ses capacités d’emploi  de 35%, celui du bâtiment et travaux publics (Btp) de 25% et les industries manufacturières de 16%.

Les besoins des entreprises selon les secteurs

C’est ce que révèle une enquête publiée le 5 octobre par le Centre tunisien de veille et intelligence économique, (Ctvie) relevant de l'Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace), sur «l’évaluation des besoins en main d’œuvre non satisfaits».

Ces besoins sont estimés dans ces trois secteurs à 55.000 emplois dans le textile, 13.000 dans les Btp et 7.000 dans les industries mécaniques et électriques (Ime).

Au final, ces besoins se chiffreraient, selon cette étude, à 120.000 emplois hors agriculture et administration.

Plus que la moitié des besoins recensés en main d’œuvre concerne les ouvriers qualifiés alors que 30% des besoins portent sur la main d’œuvre non qualifiée.

Le besoin en diplômés du supérieur est de 18%, ce qui correspond au taux d’encadrement national.

Les délais moyens d’attente pour trouver un employé

Selon la même étude, «le délai moyen d’attente pour trouver l’employé-cadre désiré est de 3 mois. Ce délai est d’environ 2 mois pour les ingénieurs, les ouvriers qualifiés et les commerciaux et d’un mois pour les ouvriers non qualifiés».

Le manque le plus important se manifeste dans le secteur de textile et concerne en majorité les ouvriers qualifiés.

Les délais d'attente y sont encore plus élevés: près de 7 mois d’attente pour recruter un cadre, plus de 4 mois pour les ouvriers qualifiés, et plus 3 mois pour les autres.

Néjiba Azzabi, directrice technique de la société Arco confection, a déclaré à la Tap que le problème réside «dans le déséquilibre entre l’offre et la demande, ainsi que la mauvaise formation des diplômés qui se trouvent dans l’incapacité de s’intégrer à la vie professionnelle». Pour résoudre ce problème, elle estime nécessaire que «l’Etat contribue aux salaires des apprentis dans le secteur du textile mais aussi, d’allonger l’âge de l’apprentissage, à 23 ans».

Dans le secteur des Btp, les 2/3 des besoins portent essentiellement, sur la main d’œuvre qualifiée: plombiers, électriciens, plâtriers, poseurs et conducteurs d’engins.

Ali Youssef, directeur général d’Essaada meubles et gérant de mobilier personnalisé, a confirmé que «le marché de l’emploi souffre, aujourd’hui de l’absence de main d’œuvre qualifiée, notamment dans le secteur de l’ameublement», ajoutant que «les gens préfèrent rester au chômage, plutôt que de travailler dans des conditions difficiles».

Revoir les conventions collectives

En vue de satisfaire ses besoins en main d’œuvre, il a déposé un dossier auprès du ministère de l’Emploi, en vue d’importer des ouvriers de l’Egypte. «Je préfère fermer mes deux usines en Tunisie et partir m’implanter en Libye, pays riche en main d’œuvre qualifiée étrangère, plutôt que perdre plus d’argent», a-t-il affirmé.

De son coté, Taieb Zekri, membre du bureau exécutif de la de la chambre des Btp, relevant de l’Utica, a relevé que «le problème de la main d’œuvre se pose en raison du refus des gens de travailler dans ce secteur, d’autant plus que les entreprises opérant dans les Btp souffrent de problèmes de financement».

Il a, à ce propos, souligné «le besoin de mettre à niveau tous les intervenants dans ce secteur, ainsi que de revoir les conventions collectives».

Le recours à la main d’œuvre étrangère

L’enquête de l’Iace présente deux propositions pour résoudre le besoin en main d’œuvre, à savoir la refonte complète du système éducatif et de la formation professionnelle et le recours à la main d’œuvre étrangère, pour certains secteurs comme l'agriculture ou les Btp.

La faisabilité de ces propositions nécessite, à long terme, «de migrer vers un nouveau modèle de croissance qui réalise la remontée en gamme du système productif, créatrice de valeur (plus de productivité)».

Toutefois, «la décision d’importation de la main d’œuvre, qui est irréversible, peut engendrer une pression vers le bas sur les salaires, d’ou le risque d’entretenir, l’exclusion et la pauvreté. Elle peut, aussi, avoir un impact sur l’infrastructure et les ressources naturelles et perpétuer le modèle actuel fondé sur l’usage intensif de la main d’œuvre non qualifiée et faiblement qualifiée».

I. B. (avec Tap).