Artiste engagé des années 60-80, militant de la seconde génération de l’indépendance, Hedi Guella vient de décéder, mercredi matin, après une longue maladie.


Hedi Guella, qui est l’un des représentants de la chanson engagée tunisienne, a commencé sa carrière dans les années 70, à Paris. Il s’est fait connaître et a mis en valeur ses talents de compositeur et d’interprète. Parmi ses chansons les plus célèbres : ‘‘Kaddach Min Arab’’ et ‘‘Babour Zammir’’. Le défunt a chanté aussi des textes de Sghair Ouled Hmed, Mohamed Bhar, Zemeken et Lotfi Jormana.

Dans l’une de ses dernières interviews, à nos confrères ‘‘Jet Set magazine’’, le défunt chanteur évoque sa vision, et celle de sa génération, de la révolution du 14 janvier 2011. Extrait...

«Je vais parler de ma génération d’abord. Je crois qu’il est important de rappeler que, depuis 1966, cette génération a joué un rôle décisif dans l’histoire des luttes du peuple tunisien. Le fondement idéologique du système bourguibien, et par là, ses choix stratégiques, ont commencé à se révéler au grand jour à cette époque, à savoir le déni de l’appartenance de la Tunisie au monde arabe, l’alliance avec l’Occident impérialiste, néo-colonialiste, et par voie de conséquence, l’écrasement et l’étouffement de toute voix discordante. Bourguiba, qui n’était que l’écho de la domination culturelle du ‘‘clan occidental’’, a porté deux coups destructeurs. Le premier, en frappant au cœur de notre religion (précisément au jeûne), et ce n’était pas un geste symbolique, car il s’agissait d’un élément constitutif de notre identité. Le second a été porté à la liberté d’expression sans laquelle nulle société ne peut poser un projet de progrès. Ce ‘‘grand homme d’Etat’’ a trouvé devant lui, en 1966 et jusqu’en 1985, peut-être même au-delà, l’avant-garde de nos camarades d’université qui ont dit démocratie, liberté d’expression, indépendance syndicale, qui ont dit non à la domination impérialiste et, bien sûr, la Palestine vaincra.

«Alors notre regard, je suppose, sur ce que j’appelle, moi, le soulèvement révolutionnaire de l’hiver 2011, que nous fassions partie ou non de groupes ou de mouvements politiques, est celui de la satisfaction d’une attente, ainsi que de l’avènement des masses populaires, loin devant nos visions, nos analyses et les éventuelles stratégies de luttes que nous avons pu imaginer. Un regard de confiance pour tout dire.

«Je suis bouleversé par la découverte de la haute conscience politique de notre peuple, et émerveillé par le patriotisme de notre jeunesse pour laquelle nous avons eu bien peur. Et puis, semble-t-il, les responsables actuels, veulent être à l’écoute de cette voix, alors continuons.»

I. B.