Bilal-Berreni-Banniere

Bilal Berreni, artiste de rue français d'origine tunisienne, a été tué par une balle à la tête à Detroit. Les raisons du crime sont inexpliquées.

Par Marwan Chahla

Il y a trois ans, au plus fort de notre 14 janvier, l'artiste de rue Bilal Berreni, peintre français d'origine tunisienne, débarque en Tunisie pour toucher du doigt notre Révolution et «pour voir de ses propres yeux ce à quoi le chaos peut donner naissance lorsqu'une révolution survient». Il prolongera son déplacement tunisien par un séjour d'un mois au camp de réfugiés de Choucha, sur la frontière avec la Libye. Il ira, ensuite, peindre dans le nord de la Suède. Puis, sans le savoir, il choisira sa destination finale, Détroit, aux Etats-Unis...

Un cadavre sans nom

Bilal Berreni a choisi de finir sa courte vie dans la capitale du Michigan, ville américaine qui, en 2013, détenait le triste record de 47,5 homicides pour 100.000 habitants.

Bilal-Berreni

Le chemin de Bilal Berreni a croisé la Faucheuse à 7.600 kilomètres de Tunis, à 6.500 kilomètres de Paris.

La vie en a voulu ainsi. La mort en a voulu ainsi: le chemin de Bilal Berreni a croisé la Faucheuse à 7.600 kilomètres de Tunis, à 6.500 kilomètres de Paris.... Loin des siens en France. Loin de la Tunisie du 14 janvier, qui était très probablement la sienne, aussi...

Le corps de l'artiste franco-tunisien, 23 ans, a été retrouvé, le 29 juillet dernier dans le quartier délabré de Brewster, à l'est de Détroit – sans portefeuille, ni passeport ou autre document pouvant aider à l'identifier. Il a été tué d'une balle à la tête et abandonné dans la rue.

Pendant de très longs mois, le médecin légiste du Comté de Wayne n'est jamais parvenu à identifier la dépouille de Bilal Berreni, alors que ses proches en France sont restés sans nouvelles de lui.

Le corps de Bilal Berreni restera anonyme pendant plus de huit mois, ne révélant aux enquêteurs qu'un très mince indice: la détective Sarah Krebs de la police d'Etat du Michigan, qui a été chargée de cette affaire, n'avait comme indice que ses «bottes de style européen», selon ''Detroit Free Press'' (DFP). Il a fallu compulser, pendant d'interminables mois, les bases de données fédérales pour que les empreintes digitales de Bilal Berreni donnent enfin le nom de la victime.

Cependant, le mobile du crime, l'identité de l'assassin du street-artist franco-tunisien et les raisons qui ont poussé Bilal Berreni à faire le voyage à Détroit resteront un mystère entier.

Contacté par téléphone par le DFP, son père, Mourad Berreni, a livré quelques petits secrets sur le projet qui animait son fils artiste-peintre, connu le plus souvent sous le pseudonyme de Zoo Project: «D'après ce que j'ai cru comprendre, mon fils Bilal était intéressé par ce qui pouvait naître du chaos. Pour lui, cela représentait l'échec du capitalisme et il était convaincu que quelque chose pouvait naître de ce chaos».

Pour voir une révolution

Cet engagement de Zoo Project, originaire du 20e arrondissement de Paris, s'est exprimé dès l'âge de 15 ans, lorsque cet intellectuel non-conformiste a réalisé ses premières œuvres sur les murs de son quartier. En mars 2011, alors âgé de 20 ans, il atterrit en Tunisie «pour voir une révolution», selon le quotidien français ''Le Monde'', et, «pendant des semaines, il a peint sur les murs le portrait en pied et grandeur nature des martyrs de la révolution tunisienne, avant de partir immortaliser à la frontière libyenne le visage des milliers de réfugiés arrivés en Tunisie depuis la Libye».

Bilal-Berrini-Martyrs

Les "martyrs", le long de l'avenue Bourguiba à Tunis. | Zoo Project.

Ce séjour tunisien de Bilal Berreni, cette volonté de voir la révolution tunisienne, était quelque part (peut-être même essentiellement!) l'expression d'une «tunisianité» à fleur de peau à laquelle nos colonnes rendent ici un modeste hommage, pour qu'elle ne soit une peine perdue, une cause perdue.

La Tunisie digne de cette «tunisianité» et de notre 14 janvier, peut faire plus pour Bilal Berreni. Notre ministre de la Culture Mourad Sakli et notre ministre du Tourisme Amel Karboul pourront, sans avoir à sortir le grand jeu des «Dunes électroniques», faire preuve d'inventivité et honorer la mémoire de Zoo Project.