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Le 34ème Festival de Boukornine aura lieu comme prévu du 11 juillet au 6 août, mais avec un nouveau comité directeur, nommé par le gouverneur de Ben Arous et avec un changement dans le programme.

Par Zohra Abid

Après une pression ayant duré des mois par des membres des Ligues de la protection de la révolution (LPR) de Hammam-Lif, le comité directeur ayant dirigé le festival de Boukornine deux sessions de suite, a fini, contraint, par rendre le tablier et passer les clefs à qui de droit en laissant dans les caisses un solde de... 196 dinars.

Leila Toubel accuse...

En signe de solidarité, certains artistes ayant signé des contrats avec l'ancien comité directeur ont décidé de boycotter l'édition 2013 qui sera dirigée par le commissaire régional de la culture, nommé le 26 juin par le gouverneur de Ben Arous. C'est-à-dire au lendemain de la conférence de presse organisée par l'équipe partante à l'espace El Hamra à Tunis.

Lors de cette rencontre, Leila Toubel, ex-directrice de ce festival et son équipe ont raconté le calvaire qu'ils ont vécu avec «les provocations pendant des mois des membres des LPR, soutenus par la municipalité de Hammam Lif, qui voulaient imposer leurs choix et intervenir dans la programmation, jugée trop élitiste.» Ces Ligues, qui sont des milices au service du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir) «ont menacé de boycotter la session par tous les moyens et de menacer les festivaliers», explique la comédienne.

La municipalité, le gouvernorat, le commissariat régional de la culture ont tous été informés. Ils ont beau intervenir pour trouver un terrain d'entente entre Leila Toubel et son équipe d'un côté et les membres des LPR de l'autre. En vain. «C'est une question de principe», a-t-elle lancé.

Subvention insuffisante

Côté financement: la subvention du ministère de la Culture a tardé à venir. Quant à celle de la municipalité, elle a décidé la création d'un festival de la médina et le partage de la subvention de 15.000 dinars, réservée habituellement au festival de Boukornine, entre les deux manifestations qui auront lieu simultanément. Pour ne rien arranger, le ministère de la Culture a réduit sa subvention au festival à 20.000 dinars, or il en faut bien plus pour organiser la manifestation.

Face à toutes ces difficultés, Mme Toubel a déclaré qu'il lui est devenu impossible de diriger ce festival. Et elle a décidé, avec son équipe, d'abandonner la partie.

Cette «démission», annoncée à demi mot, n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Le gouverneur s'est empressé de nommer le commissaire régional pour diriger le festival, une manière d'en finir une fois pour toute avec Leila Toubel et son équipe.

Dans son communiqué de presse, le commissaire régional de la culture a voulu rassurer les festivaliers en déclarant que le programme concocté par ses prédécesseurs est «riche et varié et répond aux attentes du public», ajoutant qu' il sera maintenu.

Les artistes se retirent

Mais ce que le nouveau directeur ne sait pas encore, c'est que la plupart des artistes programmés ont annoncé leur retrait. «Nous avons vu le programme, c'est d'une haute facture. Pas moins de 4 têtes d'affiches internationales, sans oublier les grands artistes de chez nous. Là, tout a foiré et le festival va être médiocre», a raconté à Kapitalis, navré, un banquier de Hammam-Lif.

Par solidarité, la chanteuse Sonia M'Barek a décidé de ne pas participer à la 34e session du festival. «J'ai travaillé plusieurs années au ministère de la Culture et je comprends les difficultés que peut traverser le ministre. Mais là, il s'agit d'un festival de renom. C'est vraiment dommage. Car le comité directeur jouit d'une très bonne presse. Il est composé d'hommes et de femmes de culture, très attachés à leur ville et se crèvent pour proposer un festival digne de son nom», a regretté Sonia M'Barek, interrogée au téléphone par Kapitalis.

Comme Sonia M'Barek, le rappeur Mohamed Ali Ben Jemaâ s'est aussi retiré du festival. Idem pour la chanteuse Leila Hjaïej. On ignore encore si l'Algérienne Souad Massi a maintenu Hammam-Lif dans sa tournée tunisienne. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la pièce '' Monstranun's'' de Ezzeddine Gannoun ne sera pas présentée au théâtre de Boukornine.

«Le ministre de la Culture doit agir tant qu'il est encore temps, c'est lui le tuteur des artistes et il doit défendre le festival, car on ne badine pas avec la qualité», a conclu Sonia M'Barek, qui ne désespère pas encore de voir l'ancienne direction reconduite dans ses missions avec les moyens nécessaires.