Ceux qui ont «vomi» ‘‘Eddaouaha’’, le film de Raja Amari, pour avoir osé montrer des seins et des fesses nus, auront sans doute beaucoup de mal à digérer celui de Mehdi Ben Attia, ‘‘Le Fil’’, qui raconte l’histoire d’un amour gay à la tunisienne. Ce film, qui sortira en France le 21 avril, regorge de sensualité masculine, entre baisers non simulés et rapports physiques explicites. On ne le verra pas en Tunisie…

D’une durée d’1h 33mn, ‘‘Le fil’’ réunit dans les principaux rôles Claudia Cardinale, Antonin Stahly-Vish Wanadan, Salim Kechiouche, Ramla Ayari, Abir Bannani, Anissa Bdiri, Mohamed Graïaa et autres Lotfi Dziri.
Le canevas : de retour en Tunisie, après la mort de son père, Malik, la trentaine,  brillant architecte, doit à nouveau vivre chez sa mère. Il voudrait lui dire qu’il aime les hommes, mais il n’y arrive pas. Isolé au sein d’une famille dominée par  une mère omniprésente (le père est décédé et la proche famille se résume  à quelques tantes), Malik doit vivre dans une atmosphère étouffante de silences pesants et de non-dits qui l’empêche de se s’épanouir. Lorsqu’il rencontre un  jeune homme dont il tombe amoureux, Bilal, tout devient possible. D’attirance en amour, de révélations en disputes, d’hypocrisie sociale en aveux déchirants, il se résout à faire son «coming out». Sa psy, qui lui conseille de partager son secret avec sa mère – rôle joué admirablement par une Claudia Cardinale, plus «tunisienne» que jamais, qui, pour l’occasion, a retrouvé ses racines – le sauve finalement de la névrose et l’aide à retrouver le bonheur sans se renier.
Contre toute attente, l’amant et la mère finissent par s’affranchir des interdits pour embrasser pleinement la vie. Dans la chaleur de l’été tunisien, chacun va vivre le bonheur auquel il a longtemps aspiré. Un happy end qui pose plus de questions qu’il n’en résout sur la place de l’homosexualité dans les sociétés islamiques d’aujourd’hui (celles d’hier, on le sait, n’y opposaient pas la même aversion).
Comme pour éviter de dresser un pamphlet contre une société tunisienne, à la fois ouverte sur la modernité sociale et intolérante à l’égard de l’homosexualité, souvent confinée dans le secret et le mensonge, le réalisateur Mehdi Ben Attia a préféré s’attacher aux délicats rapports mère-fils. Plus précisément à ceux qui relient (via une sorte de «cordon ombilical» sentimental) le fils prodige et sa mère, véritable symbole d’une bourgeoisie tunisoise conservatrice, mais non dénué d’humanisme.
Mehdi Ben Attia est né en 1968 à Tunis. Après un DEA de sociologie politique à l’Université de la Sorbonne à Paris en 1993, il a été coscénariste de certains épisodes des sitcoms ‘‘H’’ et ‘‘Eva Mag’’ diffusés sur Canal Plus, puis il a écrit un scénario de long métrage, ‘‘La Fêlure’’, en 1999, en collaboration avec Zina Modiano. Il a, par ailleurs, collaboré au scénario de ‘‘Terminus des Anges’’, d’André Téchiné, tourné au Maroc. Il a également été acteur sur un court métrage de Zina Modiano, ‘‘Grogne’’.  ‘‘Le Fil’’, son premier long-métrage de fiction, qui contient des scènes pour le moins osées, ne sera peut-être jamais projeté dans son pays. C’est, en tout cas, ce qu’affirme Abir Bannani, qui y campe l’un des rôles féminins, dans une interview au site ‘‘www.cinematunisien.com’’. «Avant le tournage en Tunisie, le ministère de la Culture a mis une condition de ne pas projeter le film en Tunisie», explique-t-elle. Avant d’ajouter: «Même si on a été colonisé pendant des dizaines d’années, et même si on est européanisé, on est quand même une société qui a des racines orientales. On ne peut pas démarrer à la cinquième vitesse».
‘‘Le Fil’’ serait donc en quelque sorte le premier film tunisien réalisé sous le régime off shore, c’est-à-dire destiné exclusivement à… l’exportation.

 

Rania B.