Ali Gana * écrit - On parle de représentativité et on a enterré un mode de scrutin qui aurait permis à chaque délégation de choisir parmi les siens son représentant qui est tenu de rendre compte de son action à ses électeurs.


Ainsi donc, la Haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution a présenté le projet de loi électorale pour la Constituante à un gouvernement provisoire qui n’a eu d’autre choix que de l’adopter, avec quelques amendements, plus pour faire valoir l’autorité décisionnelle de l’exécutif que de réorienter le fond du texte. Et dire que cette instance n’a qu’un rôle consultatif…

La représentativité en question
C’est le scrutin proportionnel par liste avec les plus forts restes qui servira à élire l’assemblée constituante. Les experts défilent sur les plateaux de télé pour nous expliquer la technique du scrutin et nous vanter les mérites de cette approche. Avec des bonifications pour les circonscriptions les moins peuplés et une parité qui risque de ne pas se traduire dans la composition de la future assemblée, on nous dit que ce mode de scrutin sera très représentatif de toutes les régions et permettra même aux petites formations de se racheter avec les restes de voix limitant ainsi toute tentation hégémonique d’un parti puisqu’il sera difficile pour une seule formation de rafler le jackpot.
Ayant pris connaissance de ces aspects techniques, je me suis amusé à prévoir quelques scénarios possibles, du moins théoriquement, dans notre circonscription.
Médenine, avec quelques 450.000 habitants, ce sont probablement 9 sièges que les partis politiques vont se disputer avec des listes conduites par les dirigeants régionaux, le plus souvent du chef lieu du gouvernorat, là où siègent les structures régionales de la plupart des partis.
Si chaque liste, au terme d’une compétition serrée, n’arrive à remporter qu’un seul siège qui revient de facto à la tête de liste, une île comme Djerba avec ses trois délégations et ses quelques 150.000 habitants n’aura aucun représentant direct. Leurs représentants, qui parleront en leur nom, seront issus de presque une même ville à 100 km de distance. Pour plaisanter, quelques langues acerbes diront même que nos représentants sont sur le continent, au-delà des mers, au propre comme au figuré. Alors, proximité des élus avec la population, disent-ils?
Soyons sérieux, même notre représentant actuel à la Haute Commission est un parfait inconnu de ce côté du territoire.

Une circonscription pour Djerba
On parle de représentativité et on a enterré un mode de scrutin qui aurait permis à chaque délégation de choisir parmi les siens son représentant qui est tenu de rendre compte de son action à ses électeurs, sa famille élargie en quelque sorte. Mais l’heure n’est pas à la polémique, la Haute instance a tranché – ou disons-le tout court a décidé – et il ne reste plus, malgré les réserves émises de part et d’autres, que de fédérer nos efforts pour que l’échéance électorale du 24 juillet soit vraiment historique marquant une nouvelle ère de la Tunisie moderne.
Mais même dans cette logique consensuelle, il est permis d’émettre quelques remarques qui auraient permis de renforcer la représentativité avec ce mode de scrutin par liste. On sait que réviser le découpage électoral de fond en comble risque de compromettre le processus de transition et nous entraîner dans un labyrinthe à ne plus s’en sortir. L’idéal serait donc, comme l’a proposé la Haute commission, d’adopter le découpage administratif sur la base des gouvernorats avec quelques révisons au niveau de quelques régions pour tenir compte de la densité démographique. Tunis, Sfax et probablement Nabeul sont concernés. Mais pourquoi pas une révision qui tienne compte des caractéristiques géographiques en repensant le découpage électoral de Médenine avec à la clé une circonscription pour Djerba. Rêvons toujours….

* Enseignant à l’Iset de Djerba.