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Le «simulacre» de réélection de Bachar Al-Assad traduit l'échec de toutes les parties impliquées dans l'affaire syrienne et prolonge le drame du peuple syrien.

Par Michel Roche

Les élections qui ont vu la reconduction Bachar Al-Assad avec 88,7% des voix, le 3 juin, confirment le blocage de la situation en Syrie. Les Européens peuvent dénoncer avec raison un «simulacre», ces élections n'en comportent pas moins des messages politiques qu'il est impossible d'ignorer: les électeurs syriens considèrent M. Al-Assad comme un moindre mal, face à la poursuite de la guerre; l'opposition syrienne ne constitue pas une alternative; enfin, les Sunnites ont eux aussi majoritairement apporté leur soutien au pouvoir en place.

Damas et ses alliés ont marqué un point

Durant les derniers mois, les forces loyales à Damas ont enregistré des succès sur le terrain et ceci a joué en faveur de la reconduction du président syrien. Elles ont repris l'avantage grâce au soutien des combattants du Hezbollah et d'éléments iraniens; leur influence est confirmée.

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Beaucoup de Sunnites ont voté pour Bachar et contre les groupes extrémistes sunnites.

Cela étant, si Damas et ses alliés ont marqué un point, leur victoire a aussi ses limites. Les forces de Bachar Al-Assad ne semblent pas en mesure de regagner le contrôle sur l'ensemble du pays; de plus, il faudra reconstruire un pays ravagé ce qui est impossible sans une aide internationale. L'Iran ne peut transformer son statut d'allié militaire en celui de partenaire dans la perspective d'une solution politique, tant que le dossier nucléaire n'est pas réglé. La Russie a conforté sa présence en Méditerranée occidentale, et il semble illusoire d'imaginer l'en déloger; mais, en s'engageant unilatéralement aux côtés de Damas elle a fait un choix critiqué dans le monde arabe et il lui faudra trouver le moyen de corriger une image qui ne lui est pas favorable.

De leur côté, les Occidentaux assistent à l'échec de leurs options diplomatiques. Leurs alliés de l'opposition politique et militaire sont laminés. Les tentatives de recours au Conseil de Sécurité ont été vaines et les essais de diabolisation de la Russie de Poutine ont eu pour seul résultat de souligner leur impuissance à New York.

L'absence d'une analyse claire du rapport de force souligne de manière crue leur incapacité à dégager une approche crédible du problème syrien.

Les Arabes du Golfe sont eux aussi confrontés à un désaveu. Le mythe de la défense des Sunnites contre les Chiites est remis en cause. Ils sont désormais dépassés par une violence qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer, les groupes extrémistes qu'ils ont armés semblent échapper à tout contrôle; et l'avenir dira si ces combattants qui sont des Sunnites peuvent aussi constituer une menace directe pour les pays du Golfe.

Le cri d'alarme de M. Brahimi

Au lendemain de l'élection, M. Brahimi, l'ancien médiateur des Nations Unies, a jeté un cri d'alarme estimant que la Syrie est en passe de devenir un état failli; en proie à une surenchère de violence entre groupes radicaux rivaux, elle risque de devenir une menace pour tous ses voisins. Les combats qui se déroulent actuellement dans une partie de la Syrie et en Irak, avec la prise de Mossoul, semblent confirmer l'analyse de M. Brahimi.

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En soutenant les groupes extrémistes barbares en Irak et en Syrie, les monarchies du Golfe ont créé un monstre qui pourrait se retourner contre eux.

Pourtant, si le pourrissement constitue une possibilité crédible, la voie diplomatie n'a pas disparu, en dépit du silence assez général de la communauté internationale. On put même se demander si elle n'est pas en train d'être relancée par le seul pays qui n'a pas perdu son crédit dans cette crise: la Chine. En marge du Forum de coopération sino-arabe à Pékin, le 5 juin, le représentant spécial chinois pour le Moyen-Orient, M. Wu Sikes, s'est exprimé clairement dans une interview donnée à El Monitor. Pour lui, la priorité doit aller à un cessez-le-feu; l'option politique est celle d'une transition; priorité à l'action de la Ligue Arabe et refus des ingérences à New York. La Chine parle tout autant avec le pouvoir à Damas qu'avec l'opposition et, si elle a utilisé son droit de veto, c'est pour défendre les principes des Nations Unies; sa position n'est donc pas alignée sur celle de Moscou.

Il ne faut pas voir dans ces propos plus que l'esquisse d'une position et certainement pas une initiative en bonne et due forme. La Chine annonce qu'elle appuiera la Ligue Arabe si elle s'engageait dans le sens qu'elle propose.

Alors que la communauté internationale a perdu ses points de repère, ce n'est pas si mal, même si le drame syrien n'est pas près de s'arrêter.

* Consultant indépendant, associé au groupe d'analyse de JFC Conseil.

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