Mehdi-Jomaa-Banniere-CP

Peut-on encore espérer du chef du gouvernement provisoire une meilleure réactivité pour assurer le rattrapage des retards et sauver la Tunisie d'un enlisement annoncé?

Par Mohamed Chawki Abid*

 J'ai parcouru et écouté ce matin certains médias exposer des analyses sur les raisons d'échec de Mehdi Jomâa, chef du gouvernement provisoire, dans la prise de mesures économiques urgentes, tendant à circonscrire les incendies et à stopper les hémorragies.

La plupart justifient sa tergiversation dans la prise de décisions urgentes par la soi-disant impopularité des mesures requises qui nécessiteraient le consensus au sein du Dialogue économique national programmé pour le 28 mai en cours.

Le feu dans la maison ''Tunisia Ltd''

A ce titre, je peux affirmer que les actions urgentes ne sont pas aussi impopulaires qu'on le pense, dans la mesure où les mesures douloureuses peuvent être prises ultérieurement.

Le plus grand défi à court terme pour la Tunisie consiste à restructurer ses finances publiques et à rééquilibrer ses flux financiers extérieurs. Il s'agit en priorité de maitriser à la fois le déficit du budget de l'Etat 2014 et celui de la balance de paiement.

Comme le Pdg de ''Tunisia Ltd'' est l'un des champions en management de multinationales, il serait instructif de dresser une similitude entre la gouvernance économique d'un pays et la gestion opérationnelle d'une entreprise.

Quand ses recettes sont englouties par les dépenses et son cash-flow s'érode par le fléchissement des revenus, toute entreprise pragmatique recourt à la chasse des surcoûts (cost killing) et à l'amélioration de sa productivité en vue de couvrir aisément ses dépenses et redresser sa capacité de remboursement. Par contre, si elle recourait à de nouveaux crédits ou à des cessions d'actifs productifs (solutions bestiales), elle aggraverait son endettement tout en endommageant sa capacité de remboursement.

Une politique d'austérité ciblée

Il en est de même pour la Tunisie en cette année 2014, qui gagnerait à décréter une politique d'austérité ciblée :

1) tailler dans les dépenses de fonctionnement et maitriser ses importations en biens de consommation ;

2) stimuler la croissance économique par les exportations et améliorer les recettes fiscales. Notons que l'amélioration des recettes fiscales sera possible suivant les 3 principaux axes suivants :

- effort de recouvrement des créances IRPP & IS dans les niches habituelles d'évasion et de fraude fiscales (BNC, industrie extractive, gros forfaitaires et secteur informel);

- mise en jeu des clauses de sauvegarde et rétablissement des barrières tarifaires sur les produits de la liste IV;

- tripolarisation de la TVA (10%, 20% et 30%), le taux de 30% s'appliquant à l'ancienne liste de 29%.

En revanche, le fait de considérer que le Plan FMI doit être appliqué, dans son contenu et son planning prescrits, serait une grave erreur.

En effet, à l'instar de l'Entreprise évoquée plus haut, la Tunisie ne doit pas céder au chantage de ses bailleurs de fonds (pays «ami» et IBW): «concours financiers contre cession d'actifs et libéralisme sauvage».

Le fait d'adopter une telle attitude reviendrait à accepter d'abîmer notre souveraineté nationale et d'asservir notre équilibre socioéconomique pour longtemps.

Sauver la Tunisie d'un enlisement fâcheux

Enfin, quant aux problèmes structurels de la finance publique, ils pourront être traités ultérieurement et ce, à la faveur de la mise en œuvres de réformes adaptées (plus ou moins impopulaires) alliant entre les contraintes techniques et les préoccupations sociales: la caisse de compensation, les caisses de sécurité sociale, la caisse de maladie, les entreprises publiques déficitaires, l'équité fiscale, etc.

En attendant le déroulement de la conférence de presse, j'ose espérer que le chef du gouvernement pourra être concis et précis, notamment en matière de réactivité et rattrapage des retards pour sauver la Tunisie d'un enlisement fâcheux.

* Ingénieur économiste.

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