chawki abid 12 3Dommage qu’à l’occasion du Dialogue national, la Tunisie renoue avec l'argent politique et les discussions de salon, et s’éloigne du débat rationnel et responsable, soucieux des menaces qui guettent le pays et des perspectives de sortie de crise.

Par Mohamed Chawki Abid*

Depuis le début du Dialogue national des voix se sont levées pour insister sur la priorisation des discussions:

1) actions gouvernementales à réaliser avant les élections;

2) composition optimale du gouvernement restreint;

3) conditions d’éligibilité au poste de chef de gouvernement;

4) choix de la personnalité adéquate et formation du gouvernement.

Le ballet des éphémères candidats

Malheureusement, c’est la démarche inverse qui fut adoptée par le Quartette et les divers protagonistes, en se précipitant sur l’examen d’une poignée de candidatures introduites sans ratisser large dans le vivier des compétences nationales.

En outre, n’ayant pas discuté du point 3, ils ont très rapidement procédé par élimination en se basant sur le critère subjectif d’«expérience gouvernementale».

Ce procédé inconsidéré les a conduits à écarter une pointure non-alignée et à la hauteur de la lourde responsabilité, mais qui semble déranger les partis alignés par son projet de plan de sortie de crise.

Quelques semaines après, et sous la pression du Congrès pour la république (CPR) pourtant non partenaire du Dialogue national, une seconde candidature de qualité, intègre et expérimentée, a été subtilement déclinée à deux reprises (l’ancien ministre de la Défense Abdelkerim Zbidi, NDLR).

Sans revenir sur les candidats n’ayant plus l’âge de gouverner un pays en pleine crise (les anciens ministres de Bourguiba Ahmed Mestiri et Mohamed Ennaceur), et dont certains continuent à être soutenus pour des calculs politiciens, nous nous sommes retrouvés face à deux candidats, l’un Tuniso-tunisien et ayant passé sa vie dans le pays tout en s’investissant contre le régime précédent (Me Chawki Tabib), et l’autre un off-shore ayant enregistré un court passage au département des Finances sans enregistrer de performances particulières, bien au contraire (Jalloul Ayed).

Il est évident que pour intégrer les instances financières internationales, il faudrait avoir un curriculum vitae riche dans le secteur bancaire mais surtout bien ornementé politiquement.

Le rêve d’un ancien banquier ayant eu un séjour aux finances publiques est de finir sa carrière dans l’une de ces instances (voire à la tête de la BAD en 2015).

Soucieux d’augmenter ses chances à cet effet, il est légitime qu’il s’évertue à embellir son CV par un séjour à la Kasbah quand bien même il serait de courte durée.

Naturellement, quand la procédure pragmatique n’a pas été respectée avec un minimum de rigueur, le quartette et certains participants au Dialogue national n’ont pu résister à la campagne de désinformation lancée par une mafia invisible (mais connue par les initiés) dans la perspective d’intronisation de leur candidat favori. En effet, depuis deux mois, nous avons constaté des actions de marketing bien chiadées, véhiculées sur plusieurs canaux: médias, facebook, meeting, salons…

L’agenda de propagande a été tellement bien réfléchi qu’il a réussi à séduire (voire à intéresser) certains partis connus auparavant pour leur impartialité et pour leur patriotisme.

Ennahdha s’ouvre un boulevard

Dommage qu'on ait retenu le candidat off-shore sans qu'on puisse dérouler ses éventuelles «performances» de 10 mois aux finances, pour tenter au moins de justifier objectivement un tel choix. Dommage que les raisons subjectives ou opportunistes (voire mafieuses) aient favorisé l’extension de ses limites d’éligibilité à ce poste et qu’elles aient occulté ses contreperformances.

Dommage que la Tunisie renoue avec l'argent politique et les discussions de salon, pour vaincre le débat rationnel et responsable, devant être préoccupé par les menaces (de tous genres) qui nous guettent et soucieux des perspectives de sortie de crise.

Décidément quand on est «en difficulté» financière, l’arrosage par des arroseurs est apprécié par les arrosés.

A présent, les points 1 et 2 ne risquent certainement pas d’être élucidés, les jeux étant bien faits. Plus tard, le raccourci s’avèrera périlleux.

Dans un an, quand Ennahdha se présentera aux prochaines élections, les lieutenants de Ghannouchi seront très à l’aise face à leur électorat pour commenter et défendre leurs prestations biannuelles, comparativement aux contreperformances vraisemblables d’un gouvernement sans âme ni trame. Miskina Tounes!

* Expert économique.

 

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