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Le projet de budget de l'Etat 2014 prévoit une augmentation des budgets des présidences de la république, du gouvernement et de l'Assemblée constituante. En période de crise, est-il raisonnable d'exiger de telles revalorisations?

Par Pr. Ezzeddine Ben Hamida*

Le budget 2014 prévoit une augmentation du budget de l'Assemblée nationale constituante (ANC) de un million de dinars (MD), passant ainsi de 25 MD à plus de 26 MD, tout en prévoyant en même temps une baisse draconienne de l'enveloppe allouée à la Caisse générale de compensation. Cette baisse s'inscrit d'ailleurs dans le cadre d'une politique économique d'austérité, plus globale.

Le budget de 2014 est en effet un budget de rigueur. En somme, une rigueur qui ne concerne que les plus démunis! Puisque les budgets respectifs alloués à la présidence de la république et à la présidence du gouvernement ont augmenté respectivement de 1 MD et 11 MD. Il est aussi intéressant de relever, au passage, que le budget de la présidence tunisienne est déjà de 80 MD, contre seulement 55,6 MD pour la présidence allemande.

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Non content de percevoir uns salaire mensuel net de 30.000 dinars, Moncef Marzouki a cru devoirv augmenter le budget de la présidence en 2014, alors que le pays est au bord de la banqueroute.

Dois-je rappeler que jusqu'à présent nos chers élus nous ont déjà coûté plus de 1 milliard de dinars? En tant que citoyen qui pleure sa patrie je ne peux rester inexpressif face à une telle dérive. Ça suffit!

La «productivité» des élus ou le salaire d'efficience

Une des théories économiques en matière d'analyse du marché du travail et plus précisément de l'analyse de la complexe relation salaire/travail: nous citerons la théorie du salaire d'efficience.

Pour aller vite, je dirai que le fondement de cette analyse repose sur l'hypothèse que la productivité de chaque salarié dépend de son effort: un effort qui croît, jusqu'à une certaine limite (capacité), avec le salaire versé. Le salaire optimum, dit «d'efficience», est alors tel que l'élasticité de l'effort par rapport au salaire est unitaire.

Deux ans après les élections du 23 octobre 2011, le projet de constitution est repoussé et balayé pour tous les constitutionnalistes; aucune date pour les prochaines élections n'est fixée; l'insécurité s'est installée et la dette galopante est devenue un fardeau à la fois pour la génération présente et future. Pour couronner le tout, des demandes récurrentes, en dépit de toute moralité, émanent de nos élus pour revaloriser leurs rémunération et indemnités.

Le salaire net de 3.200 dinars que gagne un élu serait-il insuffisant? Ce salaire ne représente-il pas déjà près de 11 fois le salaire minimum en Tunisie? N'est-il pas déjà un salaire optimum, un salaire donc d'efficience? Mais en fait quels sont les critères d'évaluation, de mesure, de la «productivité» de nos élus? Et où réside, dans ce cas, leur efficience?

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Mustapha Ben Jaâfar va augmenter en 2014 le budget d'une Assemblée qui a montré l'immensité de son incompétence et de son inutilité. Des fonds qui auraient été mieux utilisés pour soulager les populations qui en ont vraiment besoin. 

La révolution: un butin à partager

En période de crise, de vache maigre, est-il raisonnable d'exiger de telles revalorisations du budget? De tels agissements ne pourraient-ils pas être interprétés comme étant une trahison de l'esprit même de notre révolution? Notre révolte n'était-elle pas menée justement contre ces flagrantes inégalités qui gangrenaient notre paix sociale?

Bref, ne s'agit-il pas ici d'une provocation supplémentaire à l'égard de nos jeunes qui sont frappés de plein fouet par un chômage de masse et une précarisation qui frôle la marginalisation?

Nos élus et nos gouvernants ne devraient-ils pas en avoir honte? Ne devraient-ils pas penser à nos martyrs, au chagrin de leurs mères et de leurs parents? Ne devraient-ils pas penser à la misère qui frappe une frange de la population, particulièrement dans les régions déshéritées? Ne devraient-ils pas penser à ces écoliers dans certaines régions qui portent, encore aujourd'hui, leurs affaires scolaires dans des sacs en plastique, par manque de moyen? Ne devraient-ils pas penser à ces enfants qui vont à l'école en plein hiver en ayant les pieds dans des sandales d'été?

Hélas, trois fois hélas, notre révolution s'est transformée en BUTIN!

* Professeur de sciences économiques et sociales.

Blog de l'auteur.