Tunisie violenceNous devons rester solidaires, combattre la violence, encourager la décision responsable du chef du gouvernement et travailler pour rester sur la voie qui nous mènera au salut et à la prospérité.

Par Wided Ben Driss

Les balles qui ont fait couler le sang du leader démocrate Chokri Belaid et qui lui ont retiré cruellement la vie ont eu un effet de choc sur le peuple tunisien déjà traumatisé et déboussolé par la conjoncture économique et politique chaotique de la Tunisie.

Le chef du gouvernement nous a promis depuis des mois un remaniement qui créera un choc positif. Ledit remaniement a tardé mais, le 6 février, la Tunisie a reçu l'assassinat du militant démocrate Chokri Belaid comme un électrochoc qui la profondément ébranlé, l'a éveillé et l'a mis en face d'un vrai danger qui la VIOLENCE.

Les Tunisiens se battent tous les jours contre le chômage, la précarité, la cherté de la vie et supportent sans trop de conviction les discours du gouvernement qui leur demande de patienter.

La réaction grandiose et spontanée du peuple face à cet assassinat est un message solennel clair que les Tunisiens peuvent tolérer la pauvreté et la faim mais ils n'accepteront jamais que leur sécurité soit de plus en plus affectée par la violence !

Mettre fin à la violence

Plusieurs alertes ont été lancées depuis la multiplication des actes de violence organisés et planifiés. En fait, des dizaines de manifestations et réunions de l'opposition ont été perturbés par l'intrusion des soi-disant Ligues de la protection de la révolution (LPR).

Les partis de l'opposition, l'Ugtt et les associations civiles ont demandé la dissolution de ces ligues. En vain, leur requête est rejetée par Ennahdha et le Congrès pour la république (CpR), deux partis de la troïka au pouvoir, affirmant que ces ligues représentent l'âme et la conscience de la révolution.

Ces violences ont fait un mort à Tataouine en octobre, Lotfi Ngdh, représentant de Nida Tounes dans cette ville, plusieurs blessés en décembre cérémonie lors de la commémoration du 60e anniversaire du leader syndicaliste Farhat Hached, puis le 14 janvier à Tunis et les semaines dernières à Gabes, au Kef et à Kairouan, face au un mutisme du gouvernement.

La violence tant réfutée a atteint son comble, le 6 février, par l'assassinat du leader de l'opposition Chokri Belaid. La majorité des Tunisiens se sont réveillés avec le choc de cet assassinat cruel et lâche et leurs vives réactions sont à l'échelle de leur douleur.

Les accusations hâtives adressées à Ennahdha soulignent la responsabilité politique de ce parti qui a toléré la violence des salafistes et des LPR.

En plus, les Tunisiens ne sont pas amnésiques et se rappellent encore de l'implication de ce parti dans les attentats violents de Bab Souika (1991) et des hôtels de Monastir (1987) et attendent toujours des explications officielles de ces événements.

En revanche, aucun acte de violence n'a été reproché à l'opposition démocrate présente dans le pays depuis des décennies. Suite à un crime, les premières suspicions se dirigent automatiquement vers les ennemis et les adversaires, et c'est ce qui explique les réactions populaires à l'égard des bureaux d'Ennahdha qui doivent être considérés dans un contexte spécial de douleur et de choc.

Situation chaotique

L'assassinat politique du leader démocrate Chokri Belaid arrive à un moment où la Tunisie connait des problèmes économiques, sociaux, sécuritaires et politiques, qui ont poussé le chef du gouvernement à admettre la nécessité d'un remaniement ministériel. En fait, les discussions entre la «troïka» et quelques partis politiques piétinent depuis des mois sans résultats.

Le soir du 6 février, le chef du gouvernement a annoncé à la surprise des Tunisiens sa décision de former un nouveau gouvernement de salut, restreint et composé de technocrates n'appartenant à aucun parti politique afin de garantir sa neutralité.

Cette décision courageuse semble conforme à ce qu'ont demandé d'autres partis de l'opposition.

La question qui se pose aujourd'hui est la capacité du chef du gouvernement à convaincre son parti jusque là contre la cession des ministères de souveraineté?

Tout en encourageant le chef du gouvernement, qui fait preuve d'un sens des responsabilités digne d'un homme d'Etat en cherchant à agir dans l'intérêt de son pays, il est impératif de prendre acte de son initiative de constituer un gouvernement de technocrates dans les plus brefs délais afin de mettre fin à cette phase de flou.

Les déceptions liées à l'égoïsme de certains partis, la situation économique difficile du pays et la recrudescence de la violence ayant abouti à l'assassinat politique ne doivent pas nous faire perdre la boussole.

Restons solidaires, combattons la violence, encourageons la décision responsable du chef du gouvernement et travaillons pour rester sur la voie qui nous mènera au salut et à la prospérité.

Feuille de route

- la reconnaissance de l'échec du gouvernement actuel doit se solder d'un bilan et d'un diagnostic qui sera la base du plan de travail du prochain gouvernement;

- un accord doit se faire avec l'Assemblée nationale constituante (Anc) pour fixer un agenda détaillé de la finalisation de la constitution et de la date des élections. L'apport des experts tunisiens en droit constitutionnel pourra aider à finaliser rapidement un texte de constitution acceptable par tous les Tunisiens;

- la dissolution de toutes les Ligues de protection de la révolution car seul le ministère de l'Intérieur est responsable de la sécurité du pays et des citoyens;

- le renforcement du système sécuritaire du pays car c'est la base du développement économique;

- une attention spéciale aux attentes urgentes des plus démunies des Tunisiens.