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Dans cette analyse, notre confrère Fathi B'Chir revient sur les conditions et les conséquences de la décision de Bruxelles de retirer à la Tunisie le bénéfice de la «déclaration de crise».

Par Fathi B'Chir

La Commission européenne retire à la Tunisie le bénéfice de la «déclaration de crise». Cette décision, prise en septembre, demeure entourée d'une zone d'ombre et ne fait l'objet d'aucun commentaire ni précision sur ses détails, encore moins sur les motifs de ce retrait.

L'information est simplement confirmée de source officielle à Bruxelles, sans plus. Au-delà, son retrait pourrait témoigner, ou confirmer, un état d'esprit qui mérite attention et examen.

De la poudre aux yeux

La mesure a été accordée en 2011 et elle vise à assouplir les procédures d'octroi d'aides financières à des pays en crise pour en accélérer la mise en œuvre. Elle n'a bénéficié jusqu'à présent qu'à des pays africains (ACP) en situation post-conflit et dans un contexte de reconstruction de ces pays.

Ce n'était pas alors tout à fait le cas de la Tunisie et le premier mystère, sans doute, serait de savoir pourquoi la mesure a été appliquée à la Tunisie, sauf peut-être pour calmer des sollicitations pressantes du gouvernement alors en exercice: la course aux «résultats visibles», sans doute, comme c'est le cas actuellement par cette course insensée au «statut avancé» alors que la Tunisie devrait s'en tenir à un «statut de rattrapage».

On se souvient de l'épisode de l'annonce fanfaronnée, au son du clairon, le 19 novembre 2012, d'un accord final sur le «statut avancé» repris par tous les médias du pays. Ce n'était en réalité qu'un «accord politique» qui a été obtenue, en clair, la simple annonce d'une invitation à négocier. Si les conditions sont remplies. Et elles ne l'étaient manifestement pas.

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La mesure de la "déclaration de crise" a été accordée à la Tunisie en 2011, sous le gouvernement Caïd Essebsi.

En soi, le retrait du bénéfice de la «Déclaration de crise» sera sans grande conséquences sur l'économie nationale, dans la mesure où les aides sont elles-mêmes en peine d'être décidées, en raison de la situation instable dans le pays. En raison aussi d'une relative incompétence ou inexpérience des autorités nouvelles du pays manifestement peu aptes à gérer leurs projets éligibles au financement.

Une diplomatie à l'emporte-pièce

La volonté européenne vis-à-vis de la Tunisie est certes affaiblie à cause des incertitudes actuelles et il serait difficile de tenir gré à ce partenaire essentiel mais qui est en manque d'interlocuteurs efficaces au niveau ministériel et notamment à la tête d'une diplomatie qui ne bénéficie pas d'orientations politiques cohérentes. Plutôt brouillonnes et à l'emporte-pièce. L'UE ne sait réellement plus quoi faire dans de telles conditions, sauf à multiplier les déclarations d'intention sans lendemain parfois.

Un budget indicatif de 240 millions € était initialement accordé pour la période 2011-2013 et il a été revu sitôt après la révolution. Il a été augmenté de 150 millions € soit un total de 390 millions €. 400 millions annoncent les «visiteurs» européens à Tunis comme pour arrondir la somme et jeter un peu plus la poudre aux yeux.

Depuis, une aide significative de 110 millions € a été consentie (en 2011) en soutien à la relance de l'économie dont on ne sait pas quels en sont les résultats. Plus, des projets sans portée déterminante et quelques saupoudrages dont quelques projets dont le résultat a été la multiplication d'envoi d'experts étrangers en surnombre.

Si les aides ont été ralenties, la «capacité d'absorption» des ressources financières s'est également réduite. En gros, même si l'Europe donnait à notre gouvernement de l'argent, il ne saurait pas trop quoi en faire et Bruxelles ne lâche généralement un sou que si elle en connait la destination précise. Ils ne peuvent, en tout cas, pas servir à acheter des moutons de l'Aïd.

* Journaliste tunisien basé à Bruxelles, en Belgique.

 

** Titre original de l'article : UE-Tunisie : retrait du bénéfice de la «déclaration de crise»

*** Les titres et intertitres sont de la rédaction.