Les confessions (presque) vraies de Rached Ghannouchi au peuple Tunisie

Troisième pastiche de la série : «Dans la peau de...»: «Dans les bottes du cheikh» ou « le cheikh droit dans ses bottes»...

Par Houcine Bardi*

 

Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, et prière et paix sur Mûhammad l'Élu, le plus Noble d'entre tous les Envoyés, Sceau de la Prophétie. Prière également sur ses gens et compagnons (au rang desquels j'ai été élevé) jusqu'à la fin des temps, etc.;

Musulmans, Musulmanes (n'oublions pas que les mâles sont préférables – parce que supérieurs – aux femelles);

Mes chers enfants, vous qui aviez souffert le martyr sous la dictature laïque qui n'a eu de cesse de défigurer nos pieuses contrées depuis plus d'un demi-siècle.

J'ai décidé de m'ouvrir à vous, en ce vendredi saint de l'an de grâce 1433 de l'Hégire, pour guider vos pas sur la bonne voie, la seule qui puisse vous épargner les flammes de l'enfer; celle d'Ennahdha, hors de laquelle point de salut; celle d'Allah notre Seigneur, que son nom soit sanctifié. N'oubliez jamais que nous sommes «Le Parti d'Allah»... et «le parti d'Allah (qui) sera victorieux» [Al-Mâ'idah (la table servie), verset 56].

Mon exil forcé chez les «koffâr», ennemis d'Allah...

Gardez-vous d'être confondus avec le parti libanais du même nom, car entre eux (chiites) et nous (sunnites) la haine et la détestation remontent à la «Grande Discorde»... dont je vous parlerai une autre fois, non sans vous déconseiller, d'ores et déjà, la lecture maléfique de Hicham Djaït, et avant lui le grand mécréant Taha Husseïn, que le bon Dieu, notre seigneur dans son infinie sagesse, a privé de la vue... sinon, que n'aurait-on pas lu sous sa plume (ou plutôt sa dictée)?!

Je commencerai par vous rappeler, mes chers enfants, que mon exil forcé chez les «koffâr», ennemis d'Allah, n'était qu'un simple repli tactique, semblable en tout point à l'émigration du prophète et ses compagnons, de la Mecque vers Médine.

Souvenez-vous ce qu'a pu endurer l'envoyé de Dieu (prière et paix de Dieu sur lui) sur la main des Infidèles et autres Associateurs, à la tête desquels l'abject Abû-Lahāb qui se délectait (avec le concours de son infâme épouse «la porteuse de bois») d'infliger les pires souffrances au Bien-aimé de Dieu. Ce fût le sort qui m'ait été réservé, ainsi que mes compagnons, par le «dictateur suprême» et son succédané Bac-moins-cinq. Que l'on ne vous abuse point en exhibant la phrase malencontreuse que j'ai prononcée à l'endroit de ce dernier: «Après Dieu, je n'ai confiance qu'en Ben Ali». J'ai été abusé par le Malin (maudit soit-il), comme l'a été avant moi le Bien-Heureux à l'occasion des versets sataniques, lorsque le Sheitan (mille damnations sur sa gueule), prenant l'allure de Gaby, l'avait induit en erreur en lui inspirant : «Al-Lât, Al-'Uzza et Manât, ce sont les sublimes déesses dont l'intercession est certes souhaitée».

Par Allah! Si ce n'était mon statut d'«Emir des Croyants», je n'aurais pas hésité une seule seconde à reprendre à mon compte la phrase, désormais célèbre, du grand prédicateur égyptien Wajdi Ghoneïm : «Ragez à en mourir, hordes laïques!».

Laissons les incrédules patauger dans les marécages nauséabonds de leur médisance, et poursuivons notre bonhomme de chemin... qui nous a conduit –avec la rapidité du «Bourak» (notre Pégase à nous) – droit au pouvoir... tant convoité par nos ennemis (et ceux d'Allah, il va sans dire), mais jamais, au grand jamais, atteint. Nous y veillerons.

La Grande Ûmma Islamique, et la Refondation du Califat

Ce n'est là qu'un début, dont vous pouvez, certes, vous en réjouir (tout comme moi), sans, cependant (prenez-en garde !), perdre de vue notre objectif ultime : la Grande Ûmma Islamique, et la Refondation du Califat. L'imbécile, au sourire niais, a cru bien faire en annonçant précipitamment l'avènement inéluctable du 6e Califat ! Quelle grossière erreur ! Heureusement qu'Allah, dans son incommensurable miséricorde, a rapidement fait disparaître cette gaucherie de la mémoire courte et furtive de nos détracteurs.

Vous, enfants d'Ôkbā Ibnou Nāfâa! Il vous incombe la tâche titanesque de restituer à ce pays – de grès d'abord... de force ensuite, si besoin est – son âme et son identité dont il a été dépuillé de longues décennies durant (je pleure toutes mes larmes. Je dois pourtant me ressaisir). Autrement dit, il vous appartient, avec l'aide de Dieu, de réislamiser ce territoire indivisible de la Ûmma qu'on appelle Tunisie, en le transformant en un immense camp de rééducation islamique (espérons qu'ils vont piger, cela nous éviterait le recours aux Versets de l'épée!). Le but étant d'y réintroduire La religion du Tout-Puissant. Car Allah ne reconnait qu'une seule et unique religion, celle de Mûhammad (prière et paix de Dieu sur lui).

Nos frères salafistes se plantent (mais ils seront, quand même, rétribués pour moitié) en pressant exagérément le pas vers la réalisation, d'un coup, tout de suite et maintenant, de ce projet grandiose auquel nous aspirons tous. Tout en leur étant gré de cette fougue admirable dont ils font preuve, et qui n'est pas sans me rappeler ma propre jeunesse (non pas celle que j'ai passée en Orient, où il m'est arrivé, quelques rares fois, de m'égarer, mais celle qui date de la création du Mouvement de la tendance islamique - Mti), nous devons nous montrer... compréhensifs, patients et tolérants, à leur égard. Car «à force de se planter... Ils finiront bien par pousser!». Je leur pardonne même l'attaque de l'ambassade américaine, quoique cela m'ait causé les plus grands ennuis avec nos amis de la Maison-Blanche.

L'Ayatollah Ghannouchi par le peintre Hanafi.

L'Ayatollah Ghannouchi par le peintre Hanafi.

Mes chers coreligionnaires, avez-vous remarqué l'habileté providentielle avec laquelle nous avons déjoué tous leurs plans démoniaques? Ils nous ont défiés avec leurs concepts intrus, venant d'Occident, tels que la démocratie, les droits de l'homme, l'égalité entre hommes et femmes, la citoyenneté... j'en passe et des plus aberrantes inventions d'un Occident décadent qui essaye, vainement, de nous maintenir en état de servitude. Ils nous ont crus lorsqu'on leur a fait miroiter notre acquiescement à toutes ces sornettes! Il faut dire que je m'y suis employé, nuit et jour, durant ma «retraite» londonienne (vous pouvez lire médinoise). Que de pages j'ai noircies, et de livres j'ai conçus, pour leur faire accroire à notre (vraie-fausse) mue!

Il faut, ici, que je dise quand même un mot de remerciement (je ne peux, à vrai dire, m'empêcher de rire à pleines dents à l'évocation de ce savoureux souvenir...) à tous ceux qui nous ont, consciemment ou inconsciemment, aidé à faire gober cet astucieux subterfuge.

Le mouvement du 18 octobre (Ah ! qu'elle est belle cette appellation!) a été, en effet, le tremplin qui nous a permis in fine de prendre le pouvoir. Veux-tu des élections libres, démocratiques et transparentes (sic)? En voici! Le résultat est on ne peut plus probant, convenez-en.

Une chose, cependant, m'intrigue. Ils en redemandent, les c... imbéciles (j'allais dire une grossièreté, mais Allah m'en a préservé)! Le minimum de sagesse, cette chose la mieux partagée entre les hommes, à en croire Descartes (n'oubliez pas que j'ai enseigné la philosophie), aurait dû les inciter à éviter de s'exposer à une nouvelle culbute. Mais non, les mécréants, même quand ils se font hypocritement appeler «musulmans laïcs» reproduisent toujours leurs âneries passées. Pour notre grand bonheur, il est vrai. Rendez hommage à Dieu, mes frères ! : «Sourds, muets, aveugles, ils ne peuvent donc pas revenir (de leur égarement)» (Al-Baqarah, la vache, 2, 17).

Tant qu'on n'a pas tout l'appareil d'État...

J'en veux encore pour preuve de cet heureux aveuglement qui les accable, la fameuse vidéo fuitée de ma rencontre avec un groupe salafiste infiltré par qui vous savez (car, c'est bien comme cela qu'ils appellent les plus «pressés» d'entre nous. Sauf que moi j'ai toujours revendiqué ma «Salaf Attitude» dans tous mes écrits et cela leur est passé sous le nez!).

J'admets qu'à prime abord ça m'a foutu une sacrée pétoche. Je me suis dis «Ç'en est fini de nous...». N'ai-je pas déclaré sans la moindre ambiguïté que nous devons être patients aussi longtemps qu'on n'a pas, en notre possession, tout l'appareil d'État: administration, justice, police, armée, etc. Peut-on être on ne peut plus direct et clair?

Je ne le pense pas! Surtout si l'on rapprochait mes propos de ceux de mon fils spirituel Abdelkérim Harouni qui, une semaine plus tôt, avait déclaré à tue-tête que l'Etat de la Tunisie, depuis les élections du 23 octobre 2011, correspond à la victoire «civile/pacifique» remportée par les musulmans (Mûhammad et les Mouhājirîne) à Médine, et que ce n'est là que le prélude de la prochaine vraie victoire?!

Mettez le Verset ci-dessus reproduit de La Vache en facteur, et poursuivez sans relâche votre travail de fourmi: de la crèche à l'université, des campagnes aux villes, etc. Car, Dieu tout-puissant a apposé un épais voile d'ignorance sur leur entendement. Profitons-en... enfonçons le clou. Toute hésitation doit être bannie.

Je tiens, par ailleurs, à vous rassurer. On ne se laissera pas faire (Ôh que non !) et on rendra coup pour coup dans cette guerre sainte – quoique larvée – qu'on mène sans répit contre les infidèles. L'affaire kamel Letaïef est ma «propre» riposte (cinglante, n'est-ce pas !) à cette histoire abracadabrantesque de la vidéo. D'une seule pierre j'ai fait pas moins de trois coups (Allahou Akbar !) : d'abord, le soi-disant chef d'orchestre de feu le gouvernement de l'ombre qui, non content de me refuser obstinément son allégeance, continue de comploter sans vergogne contre le Parti de Dieu; ensuite, «El Boj» (bizarre tout de même que son nom en verlan soit «Job»... le bon Dieu donne parfois des fèves aux édentés !); enfin, our prime minister (pas celui de ma reine, bien sûr) puisque le nom du flic-avocat plaignant n'est autre que l'homonyme du «premier». Cela lui apprendra à vouloir éjecter mon gendre de la diplomatie.

Allez ! Encore deux ou trois petites choses avant de prendre congé de vous... même si votre compagnie m'est des plus agréables.

Et l'on nous reproche de vouloir ressembler à nos frères wahhabites?!

Nos Koffâr locaux nous tiennent, impudents qu'ils sont, pour responsables des calamités nombreuses et variées qui ont subitement frappé la Tunisie depuis notre accession au pouvoir. Ils oublient qu'ils en sont les vrais coupables! Je me contenterai ici de répéter ce que j'ai déjà dit à propos du tsunami, dans mon article «Adresse aux enfants de l'éveil» [Kālimā Îla Abnāā Assahwā]: «ajoutez à cela les catastrophes dites, dans le langage laïc, naturelles, telles que les inondations dont on n'a pas vu de pareilles depuis plusieurs siècles... Mais qui doivent être regardées, d'un point de vue cosmique – celui des croyants – comme étant la juste sanction des méfaits commis par ceux qui ont tourné le dos à Allah: «La corruption est apparue sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains; afin qu'[Allah] leur fasse goûter une partie de ce qu'ils ont œuvré; peut-être reviendront-ils (vers Allah), Ar-Rūm (Les Romains), sourate 30, verset 41.». À l'époque j'avais indiqué, par inadvertance, le verset 39. Que Dieu, dans son infinie clémence, me le pardonne.

Dites-vous bien, mes chers coreligionnaires (qu'ils la mettent où je pense leur «citoyenneté», je n'en ai cure) que tant qu'elles ne «reviendront» pas, ces brebis galeuses, nous ne serons pas à l'abri de la colère d'Allah (d'où il ne faut jamais écarter notre plan B... qui résonne comme l'épée!). Observez ce qui arrive aux Koffâr outre-Atlantique, et comparez le sort qui leur est réservé par le seigneur des cieux et de la terre, avec la paisible et Sainte Arabie. Et l'on nous reproche après tout cela de vouloir ressembler à nos frères wahhabites?! Soyez tous maudits, jusqu'au jour de la résurrection, laïcs d'ici et d'ailleurs. Amen!

J'avais l'intention de vous parler de bien d'autres choses encore, mais je sens la colère monter en moi, et je ne voudrais point donner libre cours à ma bile... Il est encore trop tôt pour ça. Aussi, pour ne pas plagier S'dîg (qui est, je vous le confesse, toujours dans le vrai, comme son nom l'indique), je finirai cette première missive, par ses paroles du Tout Clairvoyant:

Après la damnation du Sheitan; Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux: «La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et son Messager, et qui s'efforcent de semer la corruption sur la terre, c'est qu'ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupés leurs main et leurs jambe opposées, ou qu'ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l'ignominie ici-bas; et dans l'au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment» (Al-Mā'idah (la table servie), sourate 5, verset 33).
À bon entendeur... le menu sera tout autre!

* Docteur en Droit, avocat au Barreau de Paris.

Article de la série :

Dans la peau de Mustapha Ben Jaâfar, prochain président de la République Tunisienne

Dans la peau d'un salafiste tunisien