Trois journaux belges ont trouvé, à Monastir et à Bizerte, des investisseurs belges heureux et confiants en l’avenir de leur business en Tunisie. Très instructif…


Le reportage Jean-Michel Lalieu, l’envoyé spécial du journal ‘‘L’Echo’’, intitulé ‘‘La Tunisie de l’après Ben Ali: les mêmes attraits, la transparence en plus’’, indique que la Tunisie abrite environ 160 entreprises belges, ce qui fait de la Belgique le quatrième partenaire de notre pays en termes d’investissement direct étranger, après la France, l’Italie et l’Allemagne.

Un petit royaume fondé sur le «made in Tunisia»
Le confrère, qui va à la rencontre des investisseurs belges en Tunisie, rencontre John De Mersman, patron de la société Demco. Installé depuis vingt ans dans la banlieue de Monastir, M. De Mersman s’est lancé dans la fabrication de jeans pour de grandes marques occidentales (Pepe Jeans, Tommy Hilfiger, Wrangler, etc.). Il a investi 75 millions d’euros dans l’affaire et emploie désormais 4.000 personnes dans ses différents sites de production textile. Parti de rien il y 20 ans, De Meirsman a bâti un petit royaume fondé sur le «made in Tunisia».
«Avec ses yeux d’occidental, il a pu analyser l’évolution de l’économie tunisienne depuis deux décennies. ‘‘C’est fini le temps où les entreprises basées ici ne faisaient que de la sous-traitance pour les sociétés européennes», observe-t-il. Nous développons nos propres produits et, aujourd’hui, on attend de nous que nous puissions fournir rapidement des petites séries quand les Chinois ne veulent travailler que sur la masse’’», écrit ‘‘L’Echo’’
Pourquoi M. De Mersman a-t-il opté pour la Tunisie? A cette question posée par un autre journal bruxellois ‘‘La Libre Belgique’’, le Ceo de Demco répond: «Pour la proximité du marché européen, sa population très travailleuse et, surtout, le coût très raisonnable de la main-d’œuvre avec un rapport de 1 à 6 par rapport à l’Union européenne. Suite à la révolution, Demco n’a pas vraiment senti de ralentissement de l’activité. Mais il n’y a pas eu d’augmentation non plus. Nous réalisons beaucoup d’efforts pour améliorer le service au client. A l’égard de la ‘‘nouvelle Tunisie’’, j’espère que l’on va vers plus de liberté mais de manière raisonnable. La dictature a été très favorable aux entreprises étrangères. On ne m’a jamais embêté, bien au contraire. Je souhaite que ce climat très favorable aux affaires soit maintenu. D’ailleurs, le futur gouvernement n’aura pas le choix: l’emploi doit être son objectif numéro 1.»
Le patron de Demco reste donc très confiant, car, dit-il «la société tunisienne est suffisamment mature pour relever ce défi.»

Un vivier de gens qualifiés
Durant les premières semaines suivant la fuite de Ben Ali, beaucoup d’entreprises, notamment étrangères, ont été affectées par les fermetures des ports et des aéroports, «mais ça a duré au maximum une dizaine de jours», note ‘‘L’Echo’’. Un sentiment confirmé par Jean-Pol Simon, administrateur-délégué de la Pme montoise Detandt-Simon, appelé en Tunisie D.S. International. «En Tunisie depuis un an, il y a installé, dans la ville côtière de Sousse, une société de commercialisation de panneaux photovoltaïques et une cellule de marketing et vente liée à ses activités belges», écrit ‘‘L’Echo’’, citant M. Simon qui dit: «Nous avons à peine connu une journée d’absence du personnel». Le patron belge dit aussi se réjouir de son choix d’avoir investi sur les rives sud de la Méditerranée. «Il n’est pas exclu que nous installions une unité de production. Nous ne sommes qu’à deux heures trente de Bruxelles et il y a un vivier de gens qualifiés», assure-t-il.  
Interviewé par un autre journal bruxellois, ‘‘Sud-Presse’’, le promoteur belge, dont l’entreprise a été épargnée par des affrontements entre manifestants et la police au plus fort de la révolution, affiche la même sérénité: «Une de nos employés a tout de même perdu son père, tué d’une balle, Jean-Pol Simon. Il y a un mois encore, on ressentait un certain stress parmi la population, mais aujourd’hui c’est redevenu nettement plus calme dans la région où nous nous sommes implantés.»
Chaque mois, le patron belge se rend sur place pour 10 à 15 jours afin de motiver son personnel composé d’une quinzaine de personnes. «Nous en sommes encore aux balbutiements, il faut que la société trouve ses marques, ajoute M. Simon tout en insistant: «Cette nouvelle société n’est pas une délocalisation de notre activité en Belgique. Non, D.S. International nous permet d’exporter des produits de la Belgique vers le Maghreb.»
Selon ‘‘La Libre Belgique’’, le «printemps arabe» version tunisienne est plutôt bien vécu par les businessmen belges déjà présents dans notre pays. Dans un article intitulé ‘‘Les bons plans belges en Tunisie’’, le journal évoque, pour sa part, l’exemple du groupe belge Cfe, partenaire dans le mégaprojet de construction d’une marina et d’un complexe immobilier et commercial de luxe à Bizerte (coût: 115 millions d’euros). Cet investissement belgo-tunisien vise à créer (pour 2012) 800 emplacements pour les yachts, étrangers essentiellement. «Le projet a débuté en 2009 mais il a connu des ralentissements en raison de la situation politique actuelle», note Pascal Bauwens, chef des travaux pour Cfe, cité par ‘‘La Libre Belgique’’. Il ajoute: «On espère que les choses vont se débloquer: on attend une clarification. Mais par rapport au dossier lui-même, l’ancien régime de Ben Ali ne s’en était pas mêlé. Nous avons pu mener le projet indépendamment des familles proches du pouvoir. Aujourd’hui, nous nous posons des questions. Après les révoltes de janvier, le chantier a été arrêté pendant 2 à 3 semaines pour des raisons de sécurité des ouvriers. Mais nous pensons que le pays va bien évoluer. C’est pour cela que nous sommes restés dans le projet de création de la marina de Bizerte.»

Le pays va bien évoluer
Si l’investisseur belge garde son intérêt pour le projet, c’est parce que ses perspectives commerciales sont très bonnes, «étant donné la forte pénurie d’emplacements pour bateaux de plaisance en Méditerranée. Rien qu’en France, il manque environ 25.000 places...», écrit le journal.
En ces temps de ralentissement économique et de raréfaction de l’investissement, notamment étranger, ces témoignages positifs de businessmen belges installés en Tunisie viennent rassurer sur l’attractivité du site Tunisie, qui va sans doute profiter de la liberté retrouvée et de la transparence qui va désormais marquer le monde des affaires.
Cela méritait d’être souligné, pour dire que, finalement, tout ne va pas si mal en Tunisie, malgré les grèves, les sit-in et les… dérapages sécuritaires.

I. B.