Un petit bout de femme a pris le risque d’escalader les murs de la faculté de la Manouba et tenté d’empêcher la profanation du drapeau national par un extrémiste religieux. C’était la veille de la Fête internationale de la Femme.

Par Zohra Abid


C’était hier, le 7 mars 2012, un moment qui restera gravé dans la mémoire des Tunisiens et Tunisiennes. Le drapeau sacré de la Tunisie a été remplacé par une bannière noire sous des «Takbir et Allahou akbar» (Dieu est grand) de salafistes extrémistes. Dont une grande partie, pour une affaire de niqab, squatte la faculté depuis le 28 novembre dernier et veut imposer leurs lois de «Taliban» et empêche les étudiants et les enseignants d'entrer en cours.

Serait-ce un cauchemar ?

Il fallait voir la gravité de l’acte commis. «C’était odieux, nous étions tous comme tétanisés. Pourtant c’était vrai et il fallait bien nous pincer la peau pour dire qu’on n’était pas dans un cauchemar, mais dans la réalité», raconte à Kapitalis un étudiant sur place.

Comme cet étudiant, plusieurs ont été tétanisés (voire impuissants) et cloués sur place. A ce moment-là, il a fallu qu’une femme se fraye un petit chemin dans la foule en ire et offre le meilleur spectacle de l’année.

Animée par une bonne dose de colère (et de courage), une étudiante qui s'appelle, selon les uns Amal et selon d'autres Khaoula, grimpe le mur et affronte l’homme barbu et en qamis afghan qui a osé remplacer le drapeau national par sa bannière noire, couleur de deuil. Résultat : l’homme tout en muscles s'est permis de mettre la fille par terre (c’était sur le toit). A ce moment-là, ses camarades ont rejoint, sur le toit, l’extrémiste, renfort obligé. A voir ce qui se passait, des étudiants sont montés, à leur tour (sur le toit sic !), pour secourir la courageuse étudiante. Une rixe entre les deux camps s’est déclenchée.

Réveillez-vous !

Ceci n’est pas un film. Ceci s’est bien passé en Tunisie. Et nous sommes bel et bien la veille du 8 mars, Journée de la fête de la Femme. Journée de la liberté, des libertés. Personne n’est resté insensible.

Aussitôt, sur les réseaux sociaux, les Tunisiens et Tunisiennes se sont déchaînés. Ils ont tiré des archives tant d’articles datant des années 1900 à propos de l’histoire du drapeau tunisien. Et ce n’est pas tout. Ils ont fait de petites recherches, en guise de rappel, à propos des symboles du croissant (symbole de l’islam) et de l’étoile (autre symbole des 5 piliers de la religion du prophète Mohamed) qui estampillent notre drapeau. Et ce n’est pas fini !

Les couleurs de notre drapeau national en rouge et blanc, rappellent aussi la paix et le sang, celui des martyrs… A ces extrémistes, les internautes ont fait passer leur message : ceux qui portent atteinte à ces symboles n’ont qu’à aller s’instruire. Car, ils ont touché au sacré : le croissant et l’étoile, deux symboles de l’islam. Et pour appartenir au pays, il y a eu des martyrs qui sont tombés pour que la Tunisie soit indépendante. Un autre rappel : s’il n’y avait pas eu ces martyrs pendant la révolution du 14 janvier (plus de 300 tombés sans compter les 1000 blessés, aujourd’hui handicapés), ces extrémistes n’auraient eu aucune chance de sortir dans la rue manifester librement dans toutes les régions du pays.

«Kolna Amal, Khaoula et toutes les autres»

C’est grâce aux hommes et aux femmes morts pour le drapeau, que les Tunisiens peuvent aujourd’hui manifester librement. Dans un autre temps, ce n’était pas possible, même pas dans nos rêves. Les Tunisiens, sont vous et nous, la majorité et les minorités de toutes les idéologies et les confessions. En ce jour du 8 mars, celui des droits de la Femme, les internautes ont dit leur mot, d’une seule voix : «Kolna Amal, kolna Khaoula» (Nous sommes tous Amal, Khaoula). En signe d’hommage à la femme, à toutes les femmes d’ici et d’ailleurs.