Le congrès extraordinaire électif de l’Organisation tunisienne des mères (Otm), le 9 avril, au siège de l’organisation, a tourné à la foire d’empoigne. Difficile de nettoyer l’écurie de Saïda Agrebi…


L’atmosphère qu’a laissée derrière elle Saïda Agrebi, ancienne présidente de la défunte Association tunisienne des mères (Atm) au sein de l’Otm est tellement polluée qu’il est difficile de voir la paix s’installer de sitôt. C’est à l’image de la situation qu’a laissée Ben Ali après sa fuite du 14-Janvier. Pour preuve: entre les femmes, un dossier de plaintes épais comme une couette d’hiver et qui en dit long sur le désordre dans la maison réputée corrompue et qui a longtemps servi de boîte de propagande pour l’ancien régime.



D’après Rafika Khouini, présidente par Intérim de l’Otm, le juge a rendu vendredi son verdict en faveur du bureau exécutif provisoire. Il y aura donc, qu’on le veuille ou pas, un congrès et des élections pour sauver l’Otm et reprendre les activités sur des bases nouvelles. Sous la main, elle a un jugement du tribunal qui lui permet de travailler. Il n’est donc pas question pour elle de céder aux vraies collaboratrices de Mme Agrebi. Dans l’autre camp, on trouve une autre version des faits, présentée par une dame dont les nerfs sont à fleur de peau.

«Mme Agrebi n’est ni arrêtée ni en résidence surveillée»
Il s’agit de Faïza Karray, femme d’affaires. Cette membre de l’Atm sous Mme Agrebi est contre la tenue du congrès. Pourquoi? A cor et à cri, elle menace. Elle dit qu’elle a un dossier contre toutes ces femmes qui se présentent au prochain bureau et qu’elle vient d’en informer le ministère de la Femme. Elle est sur l’attaque parce qu’on lui a refusé de mettre les pieds dans la salle du congrès. Elle a dit que tant que Mme Agrebi n’a pas légué son pouvoir, il n’est pas question que ces femmes entrent en ligne et confisquent le bureau à leur profit.


Election du nouveau bureau de l'Otm

«Non Mme Agrebi n’est pas en prison. Elle n’est pas, non plus, en résidence surveillée, mais tout simplement chez elle. Elle est fatiguée et n’a pas pu encaisser le coup», a-t-elle affirmé à Kapitalis, comme si elle défendait l’ancienne présidente. Et franchement, elle la défendait. Elle a même ajouté sur un ton agressif: «Si ce bureau – qui était aux côtés de Mme Agrebi depuis toujours – a quelque chose contre elle ou à lui reprocher, qu’il porte plainte contre la dame, qu’il l’attaque devant les tribunaux et qu’on en finisse», dit-elle encore. Et d’ajouter que tout le monde s’arrache aujourd’hui la place parce qu’il s’agit de gros sous et que, dans le compte de l’Otm, il y a un peu plus d’un million de dinars. Montant aussitôt démentie par Mme Khouini.

A cor, à cri et à sang
Sous le pied de la bâtisse où se tient le congrès, des femmes agitées affichent des slogans de protestation. Elles crient, toutes en même temps et impossible de distinguer ce qu’elles racontent vraiment. Elles crient sur tous les toits: «Pas de place pour les collaboratrices du clan Ben Ali!». L’une d’entre elles nous a montré ses doigts en sang et prétend qu’elle a été agressée par les gens qui sont à l’intérieur. Une autre dit qu’on l’a frappée et qu’elle a même une dent presque déracinée. Cette dernière n’a pas gardé l’anonymat. Elle s’appelle Henda Dhib. Elle est secrétaire au service de la comptabilité. Elle raconte qu’elle travaille depuis 2.000 sans sécurité sociale, que son salaire n’a jamais dépassé les 300 dinars… et qu’elle vient d’être virée par le nouveau bureau.
A l’intérieur, c’est un autre clan. Des filles et des femmes sont en train d’élire les membres de leur nouveau bureau. Toutes emportées, elles disent ne plus vouloir des anciennes pratiques. Au bureau des urnes, c’est le calme absolu. Kapitalis a évoqué le cas de Henda qui vient d’être virée. Réponse de la comptable: «Nous avons des preuves contre elle et nous l’avons virée, pour cause».
Dans le hall, en attendant les résultats du vote, les femmes se racontent des choses. Ce sont les mêmes sujets qui reviennent: l’argent, l’abus du pouvoir, la corruption: Agrebi, Leïla, Ben Ali… Elles attendent… sous haute surveillance. De peur que les femmes qui sont dehors ne défoncent une nouvelle fois la porte et les agressent… physiquement. Comme elles l’ont fait avec Yusri, l’attaché de presse à qui on lui a laissé plein d’écorchures sur le bras, en guise de souvenir de l’après Ben Ali, Leïla et Agrebi… Affaire à suivre !

Zohra Abid