Sous la pression de l’opinion, qui ne supportait plus de voir les anciens symboles de l’ancien régime bénéficier d’une confortable impunité, le parquet s’est enfin décidé à faire son boulot.


Depuis la chute de l’ancien régime, le 14 janvier, les Tunisiens attendaient l’arrestation des figures de proue de ce régime et ses faucons attitrés ou, au moins, leur audition par les juges. Mais la décision a beaucoup tardé ; ce qui n’a pas manqué de susciter quelques remous dans l’opinion. Que cherche-t-on à cacher? A-t-on peur des aveux des principaux collaborateurs de Ben Ali? Certains ont même craint des projets d’exfiltration de ces derniers afin de les soustraire à la justice. Mais voilà que les choses semblent rentrer dans l’ordre avec l’annonce, par une source auprès du parquet, de l’arrestation d’Abdelwaheb Abdallah, ministre conseiller politique de l’ex-président, Abdelaziz Ben Dhia, ministre conseiller spécial, porte-parole officiel de l’ex-président, et Abdallah Kallel, ex-président de la Chambre des Conseillers. Les trois hommes étaient assignés à résidence depuis le dimanche 23 janvier dernier.  Vont-ils être inculpés? Quelles accusations vont-être retenus contre eux? Wait and see…

Les trois A: Abdelaziz, Abdelwaheb et Abdallah  
Abdelaziz Ben Dhia était l’un des hommes clés du système «benalien». Il est l’artisan des tripatouillages de la Constitution pour permettre à l’ex-président de se succéder à lui-même jusqu’à mort s’en suive. Ancien professeur de droit constitutionnel, il a été ministre sous Bourguiba, avant de prendre la conduite du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd), sous Ben Ali, puis d’entrer au Palais de Carthage comme super-conseiller. Ses dernières missions : préparer les régences de Leïla Ben Ali, l’épouse de l’ex-président, ou celle de son gendre préféré Mohamed Sakher El Materi, qu’il avait pris sous son aile et s’est chargé de son éducation politique.
Abdelwaheb Abdallah, ancien ministre des Affaires étrangères, est l’architecte du système d’information (pardon de la propagande) de Ben Ali. Le Goebbels tunisien comme le surnomme ses détracteurs avait réussi à mettre sous sa coupe pratiquement tous les médias nationaux, et même certains médias internationaux qu’il a réussi à soudoyer moyennant les contrats de communication et les budgets de publicité des grandes entreprises publiques. Il était également le conseiller extraordinaire de la famille Trabelsi. Son épouse, Alya Abdallah, qui fut son étudiante à l’Institut de presse et des sciences de l’information (Ipsi), avait réussi, contre toute attente, une carrière fulgurante dans la banque. A la chute du régime, elle était Pdg de Banque de Tunisie, dont Belhassen Trabelsi, le frère mafieux de l’épouse du président déchu, possédait la majorité du capital.

La rupture qui se fait attendre
Le troisième larron, Abdallah Kallel, a été, tour-à-tour, conseiller de l’ex-président, ministre de l’Intérieur, ministre de la Défense, puis président de la Chambre des Conseillers. Il était aussi, à l’instar des deux premiers, l’un des membres inamovibles du Bureau politique du Rcd. La période durant laquelle il a dirigé le ministère de l’Intérieur fut l’une des plus terribles de l’histoire de la Tunisie contemporaine: répression tout azimut, torture, disparition…
L’inculpation de ces trois hommes, si elle venait à être décidée par le parquet, pourrait constituer un tournant important et donner le signe d’une volonté de rupture définitive avec le passé.
A défaut, les suspicions et les procès d’intention reprendraient de plus belle…

Ridha Kéfi