Monia Mouakhar Kallel* écrit – Et si Habib Kazdaghli, doyen de la Faculté des Lettres de Manouba, était la cause de tous les malheurs de l’université tunisienne voire de la Tunisie «nouvelle» ? Certains le pensent... sérieusement.


On dit que «le ridicule ne tue pas». Je n’en suis pas si sûre lorsqu’il s’agit de vie publique et de libertés fondamentales. Les spectateurs qui ont assisté au show de Wajdi Ghanim sont «morts de rire». Mais à l’extérieur ce n’était pas très rigolo : tension, violence verbale et attaques physiques.

Le propre du rire (sous toutes ses formes) est qu’il est universel, infini et voisine souvent avec le tragique. La dégradation de la situation sociale est affligeante, et les explications avancées par les politiques versent dans le tragi-comique à force de platitude et de répétitions.

Il est dit et redit que la «troïka» se porte bien, qu’il faut «laisser le gouvernement travailler», que les journalistes faussent la réalité, que les mauvais perdants sont à l’origine des perturbations actuelles…

L’ironie du sort (lui aussi s’amuse et amuse) a voulu que je rencontre un Nahdhaoui bien nourri de ce discours. Aux arguments qu’il débite mécaniquement, j’oppose un vécu amer et une réalité autrement compliquée : des étudiants divisés, une ambiance tendue, et un absentéisme record lié, nous dit-on, aux agressions quotidiennes dans les transports en commun, au manque de moyens pour se déplacer en taxi, à la peur des parents…

Mon interlocuteur me fixe du regard puis répond : «C’est la faute à Kazdaghli !!!» J’ai beau expliquer que je ne parle pas de la Manouba, que dans l’institution où j’exerce nous n’avons pas de problèmes particuliers avec les niqabées, il continue à croire que M. Kazdaghli est la cause de tous les malheurs de l’Université voire de la Tunisie «nouvelle».

Décidément l’histoire se répète et le comique n’a pas de limite. Me vient à l’esprit la chanson populaire que fredonne Gavroche dans ‘‘Les Misérables’’ :   
«On est laid à Nanterre,
C’est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C’est la faute à Rousseau.»

Et on peut continuer le «rire»...
«On est dans la misère,
C’est la faute à mes pairs,
On manque de moyens,
C’est la faute au Doyen.»

* Universitaire.