Le gouvernement a demandé un peu de temps pour faire ses preuves. Mais il doit se dépêcher de changer de politique, de se mettre au vrai travail de fond et de mettre fin aux exactions des agitateurs, car chaque minute compte et le peuple ne se sent pas en sécurité.

Par Prof. Ali Bakir*


 

Excellence,

J’ai longtemps hésité avant de publier cette lettre car je me disais que peut être, pour ne pas dire probablement, elle vous laisserait indifférent parce que dans une dictature le gouvernant réagit en essayant de «fermer la gueule» au contestataire, alors que dans une démocratie, dont vous vous targuez, le gouvernant ne réagit pas, du moins publiquement, et son silence revient à lui répondre : «cause toujours»…

Cependant, après mûre réflexion, je ne pouvais plus me taire et je pense que vous manifester publiquement ma désapprobation et mon indignation pourrait me soulager si tant est qu’on puisse l’être devant ce marasme où semble devoir sombrer le pays.

En fait, par votre intermédiaire en tant que membre du gouvernement et appartenant à la majorité, je m’adresse à ce gouvernement et aux représentants de cette majorité (la «troïka»). C’est votre dernière décision fort contestable qui a été la GROSSE goutte qui a fait déborder mon vase qui n’était jusque là qu’à moitié plein car je restais malgré tout optimiste. Mais cette décision me fait réagir car elle peut être source de dégâts. Nous y reviendrons.

En effet, jusque là je m’évertuais à calmer ceux qui m’entourent, en particulier les jeunes, qui s’inquiètent et dépriment de plus en plus au fil des jours au point que certains d’entre eux vont jusqu’à dire que notre peuple n’est pas mûr pour un régime démocratique, que l’on pourrait regretter d’avoir dégagé Zaba ou encore qu’il serait souhaitable que les militaires prennent le pouvoir et de ne le repasser aux civils qu’une fois l’ordre rétabli. C’est consternant !

Je n’arrête pas de leur dire : qu’il ne faut pas du tout désespérer car, quoiqu’il se passe, l’avenir ne pourra pas être pire que ce que nous avions subi ces 23 dernières années, à condition évidemment de rester vigilant.

Mes arguments se réfèrent à l’Histoire des révolutions en leur disant que le passage par une période de confusion, de dépassements et de dépression est somme toute «normal» et obligé vu les difficultés qu’entraîne tout bouleversement social de grande ampleur. Il faut savoir accepter la situation actuelle et rester optimiste car, à plus ou moins long terme, l’évolution ne peut être que positive et ce, à condition que la société soit responsable en étant raisonnable, disciplinée, en consentant quelques sacrifices et en se remettant rapidement au travail sans exiger dans l’immédiat la réalisation de ses rêves légitimes.

Mais, pour qu’une société puisse comprendre et assumer cette responsabilité, il faut des conditions majeures : un peuple éduqué par le savoir et la culture et doté d’un minimum de civisme d’une part, et un gouvernement crédible qui doit, dans la mesure du possible, tenir ses promesses électorales et assumer son discours politique.


Ali Bakir

L’Histoire nous a enseigné que ce passage douloureux est toujours secondaire à peu près aux mêmes facteurs pour toutes les révolutions et dont les plus importants sont les suivants :

1) Ceux qui prennent le pouvoir (souvent légitime qu’en apparence) ne sont pratiquement jamais ceux qui ont fait la révolution. Au meilleur des cas ils croient de bonne foi détenir la vérité (Danton, Allende) et au pire des cas sont de mauvaise foi et se réfèrent à une idéologie leur permettant d’avoir un pouvoir exclusif voire absolu dont les meilleurs exemples sont Robespierre et Saint Just (dictature du peuple), Staline (dictature du prolétariat) et Khomeiny (théocratie).

2) Ceux qui ont fait la révolution se sentent frustrés car ils se retrouvent exclus de la scène politique (combien de jeunes révolutionnaires des régions déshéritées avons-nous dans l’Assemblée ?) et sont déçus car au bout de quelques temps ils ne voient pas venir les jours meilleurs pour lesquels ils se sont battus et certains parmi eux ayant perdu un être cher s’insurgent, commettent parfois des actes de violence et on ne peut pas le leur reprocher surtout qu’ils estiment que leur révolution leur a été confisquée !

3) Le pouvoir nouvellement installé se trouve confronté à de gros problèmes difficiles à résoudre :

a. Pour éviter de bloquer les rouages de l’administration le gouvernement se trouve tributaire des hauts fonctionnaires en place depuis l’ancien régime car même si le parti de la majorité compte dans ses rangs des éléments théoriquement compétents au vu de leurs diplômes, ces derniers manquent d’expérience. Or ces anciens hauts fonctionnaires, qui aspiraient un jour à de plus hautes fonctions, se trouvent coiffés par un ministre auquel ils peuvent créer des problèmes. Ajouter à cela que le peuple voit revenir au devant de la scène parmi ces hauts fonctionnaires certains personnages qui s’étaient compromis avec l’ancien régime et dont il croyait être débarrassé. La réaction ne peut être que la contestation et la colère.

b- Par défiance et fort de sa légitimité le parti majoritaire va bénéficier des pleins pouvoirs en s’octroyant les postes clés en y plaçant les gens les plus proches en qui il peut placer sa confiance, ce qui est de bonne guerre, mais il sera accusé de népotisme et peu importe que ce soit à tort ou à juste titre !

c. Lorsqu’un membre du gouvernement est obligé dans certains cas de prendre des positions et/ou des décisions qui déplaisent à l’une des ailes (souvent l’extrême) de son propre parti il est accusé d’ébranler l’unité de ce parti et de ce fait se trouve déstabilisé et peut réagir en prenant quelques temps après des décisions erronées et parfois même contre ses propres convictions pour se racheter aux yeux de son parti.

d. Les partis d’opposition et les syndicats ne sont pas tous ni toujours de bonne foi et de ce fait ils peuvent, pour leurs intérêts, manipuler la masse pour déstabiliser, voire saboter systématiquement le gouvernement. Ne parlons pas de ceux qui faisaient partie de l’ancien régime durant de longues années et qui ne pensent qu’à leur revanche !

e- La conjoncture socio économique et financière est mauvaise, voire catastrophique, et difficile à gérer. Or elle est la principale source de la contestation plus ou moins violente et de la multiplication des revendications qui ne cessent de s’accumuler. C’est donc le facteur le plus important et le plus dangereux de l’instabilité !!

f. Un peuple brimé, appauvri et spolié est difficile à contenter et, si en plus il a été déculturé et maintenu volontairement dans l’ignorance et l’indiscipline pour le manipuler, ne peut plus comprendre aucun discours et devient ingérable lorsqu’il ne voit pas le fruit de sa révolte et des promesses électorales !

Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que lorsqu’on prend la responsabilité d’exercer le pouvoir et particulièrement au lendemain d’une révolution, il faut un gouvernement fort par son courage, d’une grande habileté politique pour assurer l’équilibre entre les différentes tendances politiques et enfin d’une grande compétence pour assurer la gestion financière et socio-économique dont l’équilibre est fondamental pour stabiliser le pays.

Or souvent, suite à une révolution, la période d’instabilité perdure du fait que le pouvoir est exercé et l’administration gérée par des néophytes qui, quels que soient leurs diplômes et leur formation théorique, n’ont pas l’expérience pratique suffisante du pouvoir et de la gestion dans les hautes fonctions puisqu’ils en ont été systématiquement écartés par le régime précédent, que d’autres qui ont subi de longues années d’exil sont coupés en partie des réalités du pays, sans parler de ceux qui auront passé une grande partie de leur jeunesse dans les prisons et qui parfois n’ont jamais exercé une fonction quelconque. On ne gouverne pas en improvisant au jour le jour !!

Au total, j’ai toujours dit qu’il fallait donc être indulgent avec votre gouvernement néophyte, qu’il fallait vous donner le temps nécessaire avant toute évaluation et tout jugement car vous ne pouvez pas adopter les positions et prendre les décisions appropriées rapidement devant différents évènements et situations, et que enfin c’était à nous, les intellectuels d’un certain âge et en principes sages et expérimentés, de jouer notre rôle modérateur auprès de la population dans le cadre des associations de la société civile.

Ainsi, pour ma part, je peux comprendre et expliquer que vous tergiversiez et réagissiez tardivement devant les troubles dans l’université de La Manouba car il se peut que vous vouliez éviter de vous faire accuser de violer l’indépendance de ce territoire, mais normalement, à partir du moment où les responsables de l’université vous demandent d’intervenir parce que l’université est envahie par des éléments qui lui sont étrangers et qui vont jusqu’à occuper l’administration en séquestrant un doyen, je pense que vous devez intervenir. Mais qu’en est-il pour Sejnène où là les faits sont plus graves et qu’il aurait été de votre devoir d’intervenir dans l’urgence pour protéger des citoyens qui se font agresser gratuitement ? Il vous a fallu peut-être discuter avec l’aile extrémiste comme il en existe dans tous les partis et prendre le temps de la convaincre.

Je veux bien aussi comprendre que vous réagissiez fébrilement à certaines déclarations dans les médias bien que ce soit maladroit en cette délicate période où la liberté d’expression ne peut que connaître des débordements après avoir été trop longtemps bâillonnée.

Il est compréhensible aussi que vous réagissiez devant des faits que vous considérez comme provocateurs telle la publication d’une photo qui n’a pas manqué de provoquer la colère d’une frange de la population au puritanisme excessif, quoique je juge la décision d’arrêter les accusés exagérée car ce n’était vraiment pas un crime après tout !

Par contre, devant d’autres faits et situations, vos prises de positions (partisanes ou neutres ?) et vos décisions (d’action ou de laisser faire) m’ont laissé perplexe et intrigué, d’autres m’ont irrité, voire mis en colère et ont provoqué mon indignation et c’est là que je m’adresse à vous particulièrement monsieur le ministre.

1) Le détournement des mosquées de leur rôle premier est intolérable. Il est de votre devoir d’attirer l’attention de votre collègue du ministère du culte et d’exiger de lui qu’elles ne doivent être que des lieux d’activités religieuses APOLITIQUES et que la désignation des imams est sous sa responsabilité et n’incombe pas à une poignée d’énergumènes qui déposent et nomment qui ils veulent. La Loi doit être respectée et les décisions du ministère doivent êtres appliquées sans discussion car il y va de la DIGNITE de l’ETAT !! Votre non-intervention a provoqué des débordements et je connais beaucoup de «bons» musulmans qui préfèrent ne plus aller y prier.

2) Que des prédicateurs étrangers viennent exposer leurs connaissances, leurs théories et leur philosophie religieuses ne me dérange pas car il faut respecter les différences et la liberté des opinions et, bien au contraire, cela permet d’enrichir les débats qui peuvent aboutir à des consensus qui pourraient unir ENFIN entre eux les peuples arabo-musulmans. Mais qu’un prédicateur (qui a été renvoyé dans d’autres pays) raconte des bêtises qui risquent de troubler nos enfants et une frange crédule de la population est dangereux !!

Bien plus, on ne doit en aucun cas lui permettre de s’arroger le droit de s’ingérer dans la politique intérieure de la Nation en haranguant la foule et en martelant «la Tunisie sera islamique et ceux qui le refusent sont des apostats», alors que nous sommes en train de débattre pour la rédaction de notre Constitution !! Cela aurait pu provoquer des réactions brutales mettant ainsi en danger l’ordre public !! Il est donc de votre devoir et de celui du ministre du culte de prévenir ces «invités» en leur définissant les limites de l’aire de leurs discours et interventions.

3) Enfin, la cerise sur le gâteau : votre décision d’octroyer le visa à l’association «Al-Amr b’il Maarouf wa Al-Nahyou aan Al-Mounkir» déguisée sous la nouvelle appellation «Al-Jamïa Al-Wassatya li Ettawïa w’Al-Islah» et dont le chef n’est autre que l’intouchable Adel Almi, celui-là même qui s’est permis en toute impunité de prendre de force la direction de Radio Zitouna sans que jamais le gouvernement ne lui ait demandé des comptes. Autrement dit cette association aura pour but de jouer le rôle d’une police des mœurs moralisatrice, parallèle et indépendante à l’instar de celle qui existe en Arabie Saoudite et qui est un véritable Etat dans l’Etat.

Alors on est en droit de se poser quelques questions car cela est vraiment dangereux : qui fait partie de cette association ? De quelle formation ses membres ont-ils bénéficié ? Quels sont les formateurs qui leur ont octroyé un «diplôme» de moralisateur ? Quels sont leurs moyens et leurs limites d’intervention ? Dans quels espaces vont-ils intervenir : la rue ? les espaces artistiques et culturels ? dans les stades ? au bord des plages ? dans les hôtels, les cafés et les bars (comme à Sejnène) ?

Monsieur le ministre vous savez bien que déjà une bande de salafistes, formés en Arabie et/ou en Afghanistan, est déjà intervenue dans une librairie de La Marsa pour faire retirer de la vitrine un livre sur la peinture orientaliste et dont la couverture présentait la photo d’un tableau du genre nu. On risque donc demain de nous voir interdire d’apprendre à nos enfants l’histoire de Carthage en interdisant aux Tunisiens la visite des sites archéologiques et des musées où se trouvent des statues et des mosaïques représentant des nus, ou alors laisser cette «Jamïa» détruire notre patrimoine comme il en a été en Afghanistan !! Il faudra aussi recommander au ministre de l’Enseignement supérieur, qui a déjà prôné la suppression des programmes les œuvres de Douagi, de continuer sur sa lancée et d’envisager la suppression dans les programmes des instituts des beaux arts tout ce qui a trait avec l’art du nu…

A mon humble avis, le comportement folklorique de votre gouvernement auquel on ajoutera celui farfelu du président de la République hyperactif (hyperactivité ne rime pas avec efficacité !) et celui hypoactif du président de l’Assemblée constituante sont totalement CONTRE-PRODUCTIFS et relèvent des mauvaises plaisanteries dignes d’une farce dans le genre burlesque du théâtre. A moins que cette politique n’ait été délibérément adoptée à des fins stratégiques et vise à détourner l’attention du peuple des vrais problèmes que vous n’arrivez pas à résoudre en vous inspirant de la théorie de Noam Chomsky : «Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser…, laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté…». Or ceci ne relève pas de la sagesse mais de la petite politique car il vaut mieux essayer de résoudre les gros problèmes qui se posent au pays et, pour cela, il faudrait probablement faire appel aux compétences des «technocrates» que vous avez écartés surtout que ceux qui les ont remplacés ne semblent pas avoir l’expérience requise et nécessaire, sinon toutes les aides que vous offrent des pays prétendus «amis», la Banque mondiale ou le Fmi ne serviront à rien.

Les deux principales ressources du pays, l’exploitation des mines de phosphate et le tourisme sont dans un état misérable et on y ajoutera la défection des investisseurs étrangers et même de certains tunisiens dont bon nombre ont déjà perdu ou délocalisé leurs entreprises ce qui aggrave le taux de chômage.

Vous accusez nos médias de faire fuir les touristes en donnant une mauvaise image du pays ? Mais enfin comment voulez-vous que les touristes prennent le risque de venir lorsque les reporters de leurs médias diffusent des vidéos montrant des salafistes s’agiter et vociférer des menaces en incitant à la haine à tue-tête et que vous regardez faire d’un œil bienveillant ? Quel investisseur débile viendrait créer une entreprise, en particulier dans les régions déshéritées, sans aucune garantie contre les agissements des bandits, vandales, pillards et pyromanes qui le condamneraient à la faillite ?

Alors mettez-vous au travail sérieusement et faites vite pour vous attaquer aux vrais problèmes en trouvant leur solution et par la même stabiliser progressivement le pays au lieu de vous occuper des affaires de la Syrie ou du Sahara occidental qui représentent de trop «gros morceaux» pour notre petit poids.

Il faudrait, à côté des mesures d’aide pour améliorer la situation des travailleurs et des chômeurs, tenir un discours clair et surtout sincère en leur disant la vérité et en leur expliquant pourquoi on ne peut pas résoudre les problèmes de tout le monde en même temps. Pour cela il vous faudrait trouver un vrai leader charismatique et bon tribun et ce n’est point facile…

Pensez aussi au proche avenir car pour arriver à construire une vraie démocratie stable il faut comme le disait LE PRESIDENT BOURGUIBA «éduquer le peuple et le sortir de l’ignorance» et, pour cela, commencez à bien réfléchir aux réformes scolaires et universitaires tant sur le plan de leur gestion, du contenu des programmes que de celui des méthodes pédagogiques afin de construire une société fondée sur un minimum de savoir et de civisme et qui nous fera oublier ces temps-ci où la saleté de nos espaces ne semblent plus déranger personne, où les conducteurs ne respectent ni priorité, ni feu rouge, ni stop, où l’agressivité verbale et physique devient un comportement normal jusqu’à arriver à entendre vociférer en Tunisie : «Tuer un juif est un devoir» ! Qui l’eut cru dans ce pays réputé douce terre d’accueil et dont le peuple a toujours été qualifié de sympathique, intelligent, alphabétisé et surtout tolérant ?

Evidemment cette idiotie ne pouvait venir que d’une bande d’ignorants, me rétorquerez-vous. Oui mais alors pourquoi n’avez-vous pas fait intervenir pour qu’on les fasse taire et dégager ? Mais combien de musulmans connaissent l’Histoire et savent que les califes ont accueillis à bras ouverts les savants juifs tout en respectant leurs croyances car ils contribuaient au développement du savoir et que ces juifs ont contribué ainsi indirectement à l’expansion de l’islam certainement bien plus que bon nombre de musulmans incultes ?

Combien savent que jamais les Juifs n’ont subi des violences et encore moins de génocide en terre arabo-musulmane et comprennent que le comportement des salafistes apporte de l’eau au moulin des chrétiens occidentaux qui n’attendent que cela pour diaboliser l’islam et faire oublier l’holocauste qui reste leur honte ? Qui leur expliquera qu’il ne faut pas confondre juif et sioniste comme nous demandons de ne pas faire l’amalgame entre musulman et terroriste ? Ce n’est sans doute pas les conférences d’un Wajdi Ghoneim qui le leur apprendront !

Mettons nous au travail comme les Juifs ! Si ces derniers sont aujourd’hui considérés comme les maîtres du monde (au point que les Usa sont considérés comme leurs vassaux !!) ce n’est que grâce à leur travail et à leur savoir. Consultez la liste des noms des Prix Nobel dans quel que domaine que ce soit et vous comprendrez. Ce n’est pas avec votre collègue de l’Enseignement supérieur que nous risquons d’avoir des réformes judicieuses vu les bêtises qu’il profère à chacune de ses sorties.

Il y a parmi les militants d’Ennahdha des personnes brillantes, à l’esprit ouvert et de grandes compétences à l’image de l’admirable Maherzia Labidi («‘mra fadhla») comme on dit chez nous, et il en est de même au Cpr et au Ettakattol. Je suis très curieux de savoir ce qu’elles en pensent ?

Je comprends maintenant pourquoi certaines d’entre elles, parmi les meilleures et sur qui on pouvait compter, ont refusé de faire partie du gouvernement. A mon avis, elles ont peut-être réalisé qu’il y aurait un fossé entre vos discours et vos actions.

Il doit bien y avoir parmi les membres du gouvernement des personnes qui se disent progressistes et modernistes et qui ne peuvent que désapprouver cette politique. Je pense qu’ils devraient avoir l’honnêteté de la contester voire de démissionner et non se comporter comme ceux qui ont été complices de Zaba ne serait-ce que par leur soumission et leur silence. J’en connais même qui déclaraient depuis des années qu’il ne pouvait y avoir d’islamiste modéré, qu’on ne pouvait jamais composer avec Ennahdha et qui justifiaient le refus de Zaba de reconnaître ce parti et de le faire participer à la vie politique, tout en dénonçant publiquement, en tant que défenseurs des droits de l’Homme et des libertés, l’emprisonnement et les mauvais traitements subis par ses membres.

Pour conclure, il serait judicieux de cesser ce jeu puéril car il favorise la gangrène socio-économique, ce qui creusera encore plus le fossé entre pauvres et nantis, et contribuera à diviser les Tunisiens en croyants et mécréants alors qu’ils ont toujours fait preuve de solidarité. Or ces facteurs sont les meilleurs ingrédients pour une guerre civile ! Si cela devait arriver, «Allah la ikaddir» (Que Dieu nous en préserve), l’Histoire retiendra que ce gouvernement aura trahi la Tunisie, son peuple et surtout sa jeunesse qui s’est rebellée pour recouvrir sa dignité et à qui vous aurez confisqué SA révolution pacifique, exemplaire et unique dans l’Histoire, pour en faire une source de malheurs et de terreur ! Ceci en connivence et avec l’aide de pays que vous considérez comme «amis» et qui ont démontré tout au long de leurs histoires qu’ils sont les pires ennemis du monde arabo-musulman et qui veulent nous maintenir dans la division pour que nous restions éternellement sous leur dépendance.

Vous avez demandé que l’on vous accorde un peu de temps pour faire vos preuves. C’est d’accord mais dépêchez-vous de changer de politique, de vous mettre au vrai travail de fond et de mettre fin aux exactions des agitateurs d’où qu’ils viennent, car chaque minute compte et le peuple quand il a faim, qu’il ne se sent pas en sécurité et se sent bafoué ne se taira plus et vous fera dégager à votre tour !

Vite car il y a péril en la demeure !!!

P.S. Pour le  peuple : Ne vous focalisez pas sur la constitution. Peu importe celle qu’on va nous «pondre» car nous pouvons la rejeter, s’il le faut. Pour citer encore le Père de la Nation : «une constitution n'est jamais parfaite et elle ne vaut que ce que valent les hommes qui la mettent en œuvre. Ceux-ci lui assurent le succès ou la condamnent à l'échec. Il n'existe pas de constitution idéale.» !

Le plus important, Tunisiennes et Tunisiens, est de ne point nous laisser berner. Résistons pour dépasser ces moments difficiles. Mais pour sauver notre révolution il est primordial que nous restions unis et solidaires, que les nantis consentent quelques sacrifices en réduisant leur consommation du superflu pour venir en aide aux démunis. Dénonçons les abus et exigeons la diminution des dépenses de l’Etat (trop hauts salaires, voitures, bons d’essence, logement de fonction, missions inutiles, avion présidentiel... et j’en passe).

Essayons de dialoguer en restant tolérants comme nous l’avons toujours été au lieu de nous traiter les uns les autres de «laïcs-occidentalisés-mécréants» et de «islamistes-obscurantistes -terroristes» car d’abord c’est honteux et puis nous faisons le jeu de ceux qui veulent nous détourner des vrais problèmes et de celui des états «soi-disant amis» dominateurs et qui veulent que nous restions à leur botte en nous déstabilisant («Chez les peuples animés d’un même esprit de corps, le commandement ne saurait appartenir à un étranger.» – Ibn Khaldoun ).

Acceptons notre diversité enrichissante en nous respectant les uns les autres dans nos croyances et nos convictions en toute liberté. Mettons-nous au travail pour réduire autant que faire se peut les inégalités régionales et sociales. Cultivons-nous, revisitons notre Histoire pour connaître nos vraies valeurs et préserver le meilleur de nos traditions millénaires. En un mot, réacquérons le maximum de savoir, arme absolue pour recouvrir note civisme qui nous a caractérisés tout au long des siècles et soyons responsables. C’est à ce prix que nous forcerons nos gouvernements, actuel et à venir, à accomplir leur devoir sachant qu’ils auront affaire avec un peuple conscient de ses droits, qui ne se laissera plus abuser et qui sera vigilant et prêt à les dégager à leur tour si nécessaire et plus que jamais pacifiquement et civiquement.

«L’Homme est fils de ses habitudes et de son milieu (acquis, Ndla)*, et non fils de sa nature et de son mélange d’humeurs (inné, Ndla)». Ibn Khaldoun

Wa Rabby Maana !

* Professeur en médecine.