Un gouvernement, qui s’attaque politiquement à tous les symboles de la démocratie et du progrès et tolère la violence des extrémistes, est-il légitime?

Par Rachid Barnat


Toutes les raisons sont réunies pour délégitimer le gouvernement Hamadi Jebali: depuis sa prise de pouvoir le 24 octobre 2011, la constituante a désigné, parmi ses membres, le gouvernement actuel. Or ce pourquoi les constituants ont été élus n’est toujours pas fait plus de 6 mois après:

- la rédaction d’une nouvelle constitution.

- le gouvernement provisoire de transition n’a, à l’évidence, aucun programme politique ni économique, clair et cohérent, pour le pays;

- les violences contre les personnes et les biens sont quasi quotidiennes;

- ces violences sont, parfois, le fait d’éléments qui se proclament, directement ou indirectement, du parti majoritaire de la «troïka», Ennahdha, et qui agissent ouvertement sans être inquiétés par une police, pourtant présente, et toujours dans l’impunité la plus totale;

- le gouvernement, devant toutes les difficultés quotidiennes du peuple, n’a d’autres propositions pour détourner son attention que de palabrer sur des thèmes hors objectifs de la révolution: chariâ, polygamie, mariage coutumier, caisse de solidarité pour marier les nécessiteux, excision des fillettes, mères célibataires… et depuis peu, on parle de la privatisation de la télévision nationale, parce que ses journalistes refusent de redevenir «la voix de son maître» comme ils furent contraints à l’être sous Zaba.

Toujours les mêmes cibles…

A l’évidence, ce gouvernement s’attaque politiquement à tous les symboles de la démocratie et du progrès:

- aux universités (Mannouba, Kairouan, Sousse…);

- au syndicats, en s’attaquant au premier d’entre eux, c’est-à-dire à l’Ugtt;

- aux médias, en s’en prenant aux journalistes, aux rédacteurs en chef, aux directeurs;

- aux partis de l’opposition, en perturbant leurs réunions et en intimidant leurs chefs jusqu’à les agresser physiquement…

Et toujours les mêmes auteurs…

Pour cela, Ennahdha utilise ce que les Tunisiens nomment les «salafistes extrémistes», qui ne sont autres que les barbouzes du régime, un ramassis de voyous désœuvrés mais instrumentalisés, avec des méthodes d’attaque et d’agression rodées; puisqu’au cri de guerre «takbir», répond la meute par l’agression verbale et physique contre les personnes qui déplaisent au pouvoir, c’est-à-dire à tous ceux qui refusent le diktat d’un seul parti et ne pensent pas comme son guide suprême Ghannouchi.

Pour cela, les salafistes nahdhaouis ou pro-Ennahdha utilisent les vocables et les gestes du parfait voyou sans foi ni loi (doigt et bras d’honneur, insultes les plus grossières…), ce qui prouve parfaitement leur comédie du «religieux fanatique» dont ils n’ont que le déguisement!

L’âge des agitateurs: souvent des gamins de 12 à 20 ans désœuvrés, mais sûrement payés pour leur «services». Généralement menés par quelques adultes partisans qui assurent la logistique! Certains pensent que c’est l’ancienne milice de Zaba que les Nahdhaouis ont recyclée en «fous d’Allah»!

Or, après les appels au meurtre des barbouzes «pseudo fous d’Allah», ceux-ci passent à l’acte: à trois reprises ils ont tenté d’attenter à la vie de Jawher Ben Mbarek, du réseau Doustourna.

Les deux poids deux mesures de la «troïka»

Et que fait le gouvernement à chaque fois que les Tunisiens crient fort leur ras-le-bol de la violence? Il demande que l’on soit tolérant, patient et pédagogue avec une jeunesse qui apprend la démocratie. C’est se moquer du monde. Et ce discours nous est tenu aussi bien par les ministres nahdhaouis que par ceux appartenant aux deux partis de la coalition. Dont les chefs, Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaâfar, nous assuraient pourtant de veiller à ce que M. Ghannouchi et ses hommes ne dépasseraient jamais la lignes jaune! Or toutes les lignes rouges ont été à plusieurs reprises franchies sans que ces deux-là n’aient élevé la voix ni bougé le petit doigt! Ou si peu et trop tardivement et trop mllement. Connivence?

Et comme par hasard, après chaque discours politique ou une décision gouvernementale impopulaire et contraire aux objectifs de la révolution, les barbouzes du gouvernement reprennent du service: terroriser les Tunisiens par l’intimidation, l’agression verbale et physique… avec un recours à la violence sous toutes ses formes: menace de mort, saccages des biens d’autrui… Des faits relevant du droit commun mais jamais punis!

Le coup des pyromanes pompiers

M. Ghannouchi et ses hommes allument le feu et s’étonnent de voir la fumée… Car la responsabilité du chef d’Ennahdha est grande: c’est lui qui, en ne les condamnant pas, a donné le signal pour toutes les actions violentes auxquelles assistent les Tunisiens depuis l’arrivée au pouvoir de son parti! Montrant par là la voie théocratique qu’il veut donner au gouvernement. Ce qui implicitement annonce l’abandon de la démocratie… si toutefois M. Ghannouchi était sincère de s’en prévaloir! Alors que pour des faits d’une totale banalité, la promptitude du gouvernement de mettre à l’indexe et d’emprisonner les «fauteurs», ont étonné plus d’un! Et comme par hasard, il s’agissait de journalistes et de directeurs d’un journal et d’une chaine de télévision privé!

Les Tunisiens ont fait leur révolution pour se débarrasser de Zaba et de son système. Et voilà que Ghannouchi et ses hommes veulent à l’évidence le perpétuer avec des méthodes autoritaires au nom d’Allah, puisque toutes les actions sont ritualisées par le fameux «takbir»!

Et ces constituants osent encore parler de légitimité? Que leur faut-il pour prendre leur responsabilité, que leurs barbouzes tuent et assassinent les intellectuels comme en Algérie, parce qu’ils dérangent ces messieurs au pouvoir provisoire? Sont-ce là la démocratie et les libertés dont se gargarisent les constituants et les hommes du gouvernement provisoire de transition, sortis de leur rang?

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