Hichem Chebil* écrit – Avec l’agression du journaliste Zied Krichene et de l’universitaire Hamadi Redissi, une autre ligne rouge a été dépassée. C’est la goutte de trop, le vase a débordé.


J’ai été, lundi matin, devant le tribunal de première instance de Tunis pour soutenir la chaîne Nessma et la liberté d’expression.
Devant le portail du tribunal, j’ai pu voir et reconnaître plusieurs jeunes leaders salafistes  brandir les drapeaux noirs et chanter et crier des slogans du type «Mort à Nessma», «Echaab yourid eskat Nessma», etc. J’ai reconnu les mêmes têtes qui étaient présentes et actives devant le siège de l’Assemblée nationale constituante, le 3 décembre 2011, lorsque des jeunes ont pour la première fois traité les manifestants de minorité infime «les 0,00001» et j’ai pu reconnaître une ou deux personnes que la télévision a montrées dans ses reportages sur le sit-in à la faculté de Manouba.

Ce qui m’a interpelé, c’était l’absence totale de policiers devant le tribunal. Il y en avait un ou deux à l’intérieur pour empêcher que les gens n’entrent en masse. Il y avait 2 policiers pour réguler la circulation du côté de Bab Bnat juste en face de l’entrée réservée au personnel (avocats et juges, etc.) et c’est à peu près tout !

Avons-nous l’habitude en Tunisie de ne pas voir de policiers du tout dans les endroits sensibles et en prime lorsqu’il y a 100 personnes qui manifestent et bloquent presque la circulation ?

Est-ce que ce quartier de Tunis où il y a la plus grande concentration de tribunaux et de ministères manque d’effectif policier ?

Il y avait forcément des consignes pour laisser-faire et ne pas intervenir. Le ministère de l’Intérieur est resté jusqu’à aujourd’hui «spectateur» et a choisi tout comme le ministère de l’Enseignement supérieur de laisser pourrir la situation et de laisser la rue faire sa loi. Quelle conclusion tirer ? Où ceci peut-il nous mener ?

Il est clair qu’il y a un clan qui est plus fort physiquement puisque les «Salafistes» sont robustes, violents et en général jeunes, alors que ceux qui sont agressés sont des penseurs, professeurs, avocats, journalistes d’un certain âge et non habitués à la violence physique.

Est-ce que le gouvernement veut pousser le pays à avoir plusieurs milices de couleurs différentes ? Auquel cas le gouvernement chercherait la guerre civile. Ou est-ce que le gouvernement est à ce point désemparé et indécis ? Dans ce cas, il doit céder la place.

Au vu de l’accumulation des agressions des journalistes, de l’étudiante de la faculté de Sousse, des menaces de mort envers certains universitaires, etc., il s’avère parfaitement clair aujourd’hui que nous sommes face à un Etat sécuritaire démissionnaire, n’importe qui peut faire n’importe quoi et c’est la loi de la rue, du plus fort, du plus baraqué et du plus violent qui règne.

Le gouvernement doit rapidement prendre les mesures qui s’imposent. Il y a un an, les Tunisiens se sont réveillés après 23 ans de silence et ils ne veulent plus fermer les yeux… Ils ont assez dormi pour rester éveillés encore un siècle. A bon entendeur.

* Gérant de société informatique.