Nizar Chabbi écrit – A quoi est due la déculottée de la gauche tunisienne et d’une manière plus générale des partis s’auto-déclarant «progressistes» durant ces 1ères élections libre de Tunisie ?


Un mot me vient à l’esprit : confusion.

Une phrase prononcée par Maya Jribi, dans un moment de déception ironique, est je crois très révélatrice : «La Tunisie est le seul pays au monde où la gauche est bourgeoise et la droite prolétaire» (à peu de choses près).

Retour sur le clivage gauche-droite

Que cette phrase sorte de la bouche d’une dirigeante d’un des partis les plus en vue en Tunisie (du moins pendant la campagne électorale) est symptomatique de l’incompréhension et de la profondeur du fossé séparant les partis et les élites dits «de gauche», et la masse. Mais pas uniquement, ceci est aussi révélateur de la confusion dans la tête de nos dirigeants entre les concepts de «gauche» et de «droite».

Il faut à mon avis distinguer les clivages G/D en matière économique et G/D en matière de mœurs. Il se trouve qu’en Europe, en Occident, en Amérique latine, etc., le concept de gauche englobe à la fois l’orientation économique de l’Etat ou des mouvements s’en prévalant (aspects plus ou moins socialisants selon les endroits) et l’aspect idéologique des choses, à savoir l’opposition aux concepts de tradition, de poids de la société dans la vie de l’individu, et de religion.

L’histoire dans ces pays a fait que ce sont les prolétaires, ouvriers, paysans qui sont venus remplir les rangs des partis communistes, anarchistes et socialistes pour une raison simple : la religion était du côté de l’ancien régime.

Lors des révolutions française et bolchévique, évènements fondateurs du clivage idéologique G/D, les alliés du roi et du tsar étaient les nobles et le clergé. La religion, en tant qu’institution était du côté de l’oppresseur, et elle paya cher cette position une fois les révolutions réussies. Elle fut extirpée, parfois violemment, et les cicatrices qu’elle laissa ont été cautérisées avec la laïcité.

«Faisons-nous peur avec les barbus»

En revanche, chez nous, et sous nos deux présidents en 58 ans, la religion et par conséquent l’attachement aux traditions, le conservatisme, étaient du côté de l’opposition au régime. Mme Jribi n’ignorant pas ces B-A-BA historiques, la question que je me pose est : comment les dirigeants de la gauche (ou centre) progressiste (Pdp, Pdm), en faisant une campagne quasi uniquement basée sur les attaques contre le parti Ennahdha, historiquement opprimé pour cause de religion et trop content de se draper de la religion pour aller à la pêche aux voix, pouvaient-ils penser un seul instant qu’ils feraient mouche auprès d’un électorat populaire attaché à la religion et dont les dizaines de milliers de prisonniers provient ? En effet les campagnes de certains partis pouvaient aisément se résumer au jeu du «faisons-nous peur avec les barbus».

La seule tendance de la gauche, si ce terme est réellement approprié à notre pays et à son histoire, qui a (bien) tiré son épingle du jeu en démentant tous les pronostics est celle qui a ménagé l’électeur tunisien dans son attachement légitime à la religion et à tous les concepts traditionnellement rattachés à la religion, et en laissant la fausse problématique laïcité/religion à ceux qui se la disputaient… et qui leur fut finalement presque fatale.

Tout ceci pour souligner encore une fois le simplisme et la caducité des raisonnements de certains de ceux qui aspirent à nous gouverner. Pas tous heureusement.

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Tunisie, ta gauche est-elle à ta droite?

Nizar Chabbi écrit – A quoi est due la déculottée de la gauche tunisienne et d’une manière plus générale des partis s’auto-déclarant «progressistes» durant ces 1ères élections libre de Tunisie?

Un mot me vient à l’esprit: confusion.

Une phrase prononcée par Maya Jribi, dans un moment de déception ironique, est je crois très révélatrice: «La Tunisie est le seul pays au monde où la gauche est bourgeoise et la droite prolétaire» (à peu de choses près).

Retour sur le clivage gauche-droite

Que cette phrase sorte de la bouche d’une dirigeante d’un des partis les plus en vue en Tunisie (du moins pendant la campagne électorale) est symptomatique de l’incompréhension et de la profondeur du fossé séparant les partis et les élites dits «de gauche», et la masse. Mais pas uniquement, ceci est aussi révélateur de la confusion dans la tête de nos dirigeants entre les concepts de «gauche» et de «droite».

Il faut à mon avis distinguer les clivages G/D en matière économique et G/D en matière de mœurs. Il se trouve qu’en Europe, en Occident, en Amérique latine, etc., le concept de gauche englobe à la fois l’orientation économique de l’Etat ou des mouvements s’en prévalant (aspects plus ou moins socialisants selon les endroits) et l’aspect idéologique des choses, à savoir l’opposition aux concepts de tradition, de poids de la société dans la vie de l’individu, et religion.

L’histoire dans ces pays a fait que ce sont les prolétaires, ouvriers, paysans qui sont venus remplir les rangs des partis communistes, anarchistes et socialistes pour une raison simple: la religion était du côté de l’ancien régime.

Lors des révolutions française et bolchévique, évènements fondateurs du clivage idéologique G/D, les alliés du roi et du tsar étaient les nobles et le clergé. La religion, en tant qu’instituions était du côté de l’oppresseur, et elle paya cher cette position une fois les révolutions réussies. Elle fut extirpée, parfois violemment, et les cicatrices qu’elle laissa ont été cautérisées avec la laïcité.

«Faisons-nous peur avec les barbus»

En revanche, chez nous, et sous nos deux présidents en 58 ans, la religion et par conséquent l’attachement aux traditions, le conservatisme, étaient du côté de l’opposition au régime. Mme Jribi n’ignorant pas ces B-A-BA historiques, la question que je me pose est: comment les dirigeants de la gauche (ou centre) progressiste (Pdp, Pdm), en faisant une campagne quasi uniquement basée sur les attaques contre le parti Ennahdha, historiquement opprimé pour cause de religion et trop content de se draper de la religion pour aller à la pêche aux voix, pouvaient-ils penser un seul instant qu’ils feraient mouche auprès d’un électorat populaire attaché à la religion et dont les dizaines de milliers de prisonniers provient? En effet les campagnes de certains partis pouvaient aisément se résumer au jeu du «faisons-nous peur avec les barbus».

La seule tendance de la gauche, si ce terme est réellement approprié à notre pays et à son histoire, qui a (bien) tiré son épingle du jeu en démentant tous les  pronostics est celle qui a ménagé l’électeur tunisien dans son attachement légitime à la religion et à tous les concepts traditionnellement rattachés à la religion, et en laissant la fausse problématique laïcité/religion à ceux qui se la disputaient… et qui leur fut finalement presque fatale.

Tout ceci pour souligner encore une fois le simplisme et la caducité des raisonnements de certains de ceux qui aspirent à nous gouverner. Pas tous heureusement.