Imprimer

Ces premières élections démocratiques peuvent faire de la Tunisie un pionnier du changement en Méditerranée. Et la démocratisation imminente du Maghreb fera tomber le mur séparant le Nord et Sud de la Méditerranée.

Par Riccardo Migliori*


 

Ce dimanche, le peuple de Tunisie élira 218 de ses concitoyens afin de rédiger sa nouvelle Constitution. L’élaboration d’une nouvelle Constitution par un corps démocratiquement élu marquera la prochaine étape dans l’institutionnalisation de la révolution tunisienne déclenchée en décembre dernier.

Lorsque le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu pour protester contre le harcèlement policier dont il était victime, il a fait jaillir l’étincelle qui a transformé la vie de millions de personnes en Méditerranée, une région où les peuples se battent depuis si longtemps pour leurs droits fondamentaux et pour la démocratie.

Mettre la démocratie en pratique

Ces mêmes peuples ont aujourd’hui l’opportunité de réaliser leur rêve d’une aire de liberté, de sécurité et de justice en Méditerranée. Cette même liberté, sécurité et justice que le jeune Mohamed Bouazizi ne pouvait qu’imaginer.

De même que la Tunisie fut le pays où débuta le Printemps arabe, c’est aussi le pays dont le peuple aura l’opportunité de mettre la démocratie en pratique en premier. Dans certains pays de la région, la révolution est toujours en cours, alors que dans d’autres, des institutions démocratiques sont en train de se développer sans violence. Les Marocains seront appelés aux urnes le 25 novembre ; l’Egypte organisera des élections au cours de l’automne. Mais la Tunisie est un pionnier pour la région.

Reconnaissant l’importance de cet événement, je suis extrêmement fier de mener la mission d’observation électorale mise en place par l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce). Plus de 70 parlementaires, élus de 21 pays différents seront en Tunisie pour observer ces élections historiques.

Ces élections ne sont pas seulement passionnantes parce que la Tunisie est un pionnier du changement et un modèle pour le reste de la région. Du fait de sa proximité géographique et de ses liens historiques forts, l’Italie souhaite la stabilité politique de la région. De bonnes relations économiques et une coopération politique sont vitales pour notre propre économie, mais également nécessaires pour contrôler les flux migratoires. Il est important de noter que le Pib tunisien s’est considérablement accru au cours des dernières années, faisant de la Tunisie un partenaire stratégique en matière de coopération politique et économique, pour l’Italie et le reste de l’Europe.

 

Les Italiens présents en force

L’Italie et l’Europe ont toutes les raisons de s’intéresser de près aux élections tunisiennes, afin de partager notre expérience et pour s’assurer que les élections seront libres et transparentes, mais également afin de forger de nouvelles relations entre nos parlementaires et les futurs dirigeants de cette nouvelle démocratie.

Compte-tenu de la proximité géographique de l’Italie – pratiquement un pont entre l’Europe et le Maghreb – il n’est pas surprenant qu’avec dix parlementaires, la délégation italienne forme le plus grand groupe dans l’équipe d’observateurs que je réunirai à Tunis ce weekend.

L’Osce est la plus grande organisation régionale de sécurité au monde et est une référence en matière d’observations électorales internationales. Pour la première fois, l’Assemblée parlementaire de l’Osce observera des élections en Tunisie. Ayant moi-même participé à plusieurs missions d’observation électorale de l’Assemblée parlementaire de l’Osce en Serbie, en Géorgie, dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine et en Moldavie, je suis témoin de nos standards très élevés. Je peux assurer au peuple tunisien que nous ne venons pas pour juger de ce scrutin à l’avance, mais pour forger un partenariat avec lui, afin d’assurer le changement démocratique.

Des observateurs strictement neutres

En tant qu’observateurs, nous demeurons strictement neutres quant au résultat des élections. Nous évaluerons en détail la conduite du scrutin et nous ferons de notre mieux pour montrer à quel point ces élections répondent aux engagements internationaux pris par la Tunisie. Nous visiterons de nombreux bureaux de vote à Tunis, Sfax, Nabeul, Ben Arous, Sousse, Djerba, Tozeur et Gafsa, et nous irons à la rencontre des autorités électorales et des responsables d’Ong locales. Se souvenant que la Tunisie fut parmi la poignée de pays présents lors de la signature des accords d’Helsinki en 1975, il est aujourd’hui d’autant plus significatif que les autorités tunisiennes aient convié des observateurs internationaux pour témoigner de leur transition historique.

Je me suis rendu à deux reprises en Tunisie cette année, et de nombreuses raisons me poussent à l’optimisme. La richesse de la campagne électorale et les extraordinaires histoires personnelles des protagonistes politiques – parmi lesquels de nombreux exilés et d’anciens prisonniers politiques – démontrent un profond enthousiasme civique.

Lorsque le rideau de fer est tombé, l’Europe s’est focalisée vers l’Est. Désormais, avec la démocratisation imminente du Maghreb, un autre mur est sur le point de tomber – le mur séparant les rives Nord et Sud de la mer Méditerranée.

Un dénouement heureux en Tunisie pourrait être le premier pas dans cette direction.

* Riccardo Migliori est un élu du Parlement italien et vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce). Il est également président de la délégation italienne auprès de l’Assemblée parlementaire de l’Osce.