Rachid Barnat écrit – Après l’expérience des dictateurs laïcs, les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite vont-ils imposer aux Arabes des dictateurs religieux ?


Si le réseau terroriste Al Qaida, excroissance du salafisme wahhabite saoudien, s’est attaqué ponctuellement à l’Occident, ce sont surtout les peuples musulmans qui subiront dramatiquement leur présence sur leur territoire et payeront le plus lourd tribut à leurs exactions (les Algériens en savent quelque chose).

Le drame des musulmans, c’est que l’obédience la plus rétrograde et la plus violente (puisqu’elle veut s’imposer par la violence) est appuyée et soutenue par la monarchie la plus riche du monde musulman, grâce aux pétrodollars.

L’Arabie saoudite pousse ses pions

Profitant des révoltes des peuples arabophones, l’Arabie Saoudite essaye de placer ses pions en la personne de certains hommes politiques qu’elle soutient et finance pour instaurer un régime islamiste en remplacement des régimes contestés, pour qu’ils convertissent ces peuples à l’obédience salafiste-saoudienne du futur grand Calife de l’Islam.

Faisant d’une pierre deux coup : l’hégémonie politique saoudienne sur les pays musulmans et le prosélytisme au wahhabisme pour respecter le deal passé entre Mohamed Ibn Abd el-Wahhab et l’ancêtre du roi Ibn Séoud.

Le roi Ibn Saoud fait tout son possible pour faire avorter les révolutions tunisienne et égyptienne en s’appuyant et en finançant Ennahdha en Tunisie mais aussi les Frères Musulmans d’Egypte. Car, à tort ou à raison, l’installation d’une démocratie dans ces pays signera pour lui le début de la fin des monarchies arabes et donc de la sienne.

Ces islamistes avancent comme argument l’échec des régimes laïcs arrivés au pouvoir au lendemain de la décolonisation. Car les leaders qui ont libéré leur peuple ont fini par se prendre pour les pères de la nation. Leur ego démesuré les a fait dévier vers la dictature. Dictature dont ceux qui prenaient la relève voulaient pérenniser, sauf qu’ils n’étaient pas auréolés de la «légitimité» de leur prédécesseur. Ils instaureront à leur tour un régime de dictature policière encore plus perverse, sous couvert de rempart à l’islamisme devenus la hantise de l’Occident. Raison pour laquelle les gouvernements occidentaux fermeront les yeux sur les atteintes aux «droits de l’homme» par les dictateurs qu’ils soutiennent.

Faut-il passer par la case «islamiste» ?

Faut-il pour autant passer par la case «islamistes» pour pallier aux défaillances des dictateurs «laïcs» ? Ne pourrons-nous tirer les leçons des pays qui ont déjà expérimenté la théocratie : Iran, Pakistan, Afghanistan, Soudan, Somalie... sans parler des pays du Golfe ?

Serait-ce une fatalité pour ces peuples de passer par la case «islamiste», comme d’autre auront subi le communisme pour réaliser 70 ans après que ce n’était qu’une utopie ?

La Tunisie mérite mieux que ces aventuriers passéistes pour la plonger dans l’obscurantisme où se trouvent les peuples des pays sous régime islamiste et théocratique !

Ghannouchi n’est animé que par sa revanche à prendre sur Ben Ali et Bourguiba. Il ne cesse de dire ses ressentiments envers Ben Ali qui l’avait persécuté. Ce dont il tire une «légitimité» qu’il rappelle comme un leitmotiv comme si tout un pays doit être l’exutoire de ses ressentiments envers Ben Ali ! N’hésitant pas pour cela, à précipiter la Tunisie dans un salafisme saoudien.

Les Tunisiens accepteront-ils d’être toujours pris en otage par les idéologues ?

Voici ce qu’en dit le premier ministre Béji Caid Essebsi, en réplique à la boutade de Ghannouchi qui dit être sorti d’une boîte d’archive, pour rappeler le lien qu’il avait avec le régime de Ben Ali : «Je suis certes sorti des archives, mais Rached Ghannouchi aussi. On n’était juste pas dans la même boîte».

Mais comment résister au pouvoir de l’argent ? Pourtant il faut résister à l’hégémonie de l’Arabie Saoudite et au salafisme saoudien !

Car ce qui est arrivé au Pakistan, peut arriver aussi en Tunisie si les Tunisiens ne résistent pas au salafisme saoudien envahissant qui cherche à effacer leur malékisme traditionnel !

Quid de la stratégie américaine ?

A moins que les Etats-Unis d’Amérique n’aient changé de stratégie envers les pays appartenant au monde dit «arabo-musulman». (Le discours du Caire). En effet, après avoir réveillé la bête (le wahhabisme) qui sommeillait en Arabie Saoudite pour l’utiliser contre l’ex-Urss, et devant le terrorisme qu’engendreront ces apprenti-sorciers, les Américains, devant la vague du terrorisme islamiste et devant leur impuissance à le juguler, auraient-ils fini par le reconnaître et traiter avec ses chefs ?

En somme, la paix pour l’Occident, contre l’acceptation d’une prise du pouvoir par les islamistes dans les pays musulmans ? En d’autres termes «permettre l’émergence des religieux» pour les Arabes contre le pétrole pour l’Occident. Acceptant une fois de plus que ces peuples soient soumis à des régimes autoritaires, et que les révolutions arabes n’aient d’autres choix que de remplacer une dictature par une autre.

Et que deviennent leurs beaux discours sur le désir de démocratie de ces peuples en révolte ? Une fois de plus la realpolitik prendra le dessus, et tant pis pour les martyrs des révolutions du printemps arabe.

Ce qu’ignore peut-être l’Oncle Sam, c’est que les salafistes accepteront cette solution provisoirement, comme ils l’ont acceptée pour collaborer avec lui pour libérer l’Afghanistan, en attendant de se préparer à la revendication d’après : «l’islamisation de l’Occident» de gré ou de force, après la conversion du monde musulman au salafisme saoudien.

Les révolutions arabes vont-elles être dévoyées ?

Est-ce que l’Occident va rééditer la première erreur quand il aidait au maintien des dictateurs laïcs des républiques arabophones, qui le préserveraient des islamistes ; en aidant cette fois-ci à l’arrivée au pouvoir les partis islamistes dont ils ne voulaient pas avant le printemps arabe ?

Les peuples arabophones et musulmans qui, héroïquement, veulent se libérer, se battraient-ils enfin de compte contre Goliath l’Américain ? Toutes ces révolutions du printemps arabe, sont-elles vouées à l’échec pour préserver les intérêts des Américains qui leur permettront tout au plus de changer de dictateur ?

Après l’expérience des dictateurs laïcs, leur proposeraient-ils des dictateurs religieux ? Car il est plus facile de faire des affaires avec des dictateurs qu’avec des régimes démocratiques. Les dés seraient-ils pipés une fois de plus pour ce monde dit «arabo musulman» ? Obama trahira-t-il ces peuples qui ont tant espéré de lui ? Il a pourtant trahi les Palestiniens en leur opposant son veto pour la création de leur Etat ! Pourquoi se gênerait-il avec les autres ?

Donc, aux peuples de prendre leur destinée en main ! Aux Tunisiens d’exprimer massivement leur désir de démocratie par un «vote utile» au cas où ils n’auraient pas encore fait leur choix.

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