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Palais de Justice de Tunis Banniere

Dans la chaîne de la corruption liée au processus judiciaire, les huissiers de justice – ou certains d'entre eux – occupent une place de choix. Là aussi, une réforme s'impose.

Par Ezzeddine Ben Hamida*

Après la révolution, la lutte contre la corruption est devenue un leitmotiv dans le discours de certains partis politiques. On s'en rappelle encore: le corps de la magistrature, tout particulièrement, a fait l'objet, en ce sens, d'une campagne bien ciblée. Et une poignée de magistrats en a payé d'ailleurs le prix fort; quelques uns ont été même radiés. Ennahdha et le Congrès pour la république (CpR) en ont fait leur fer de lance.

Le zèle de l'ex-ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, a atteint son paroxysme quand il a publié, dans un temps record et contre toute attente, une liste nominative des juges révoqués.

On se rappelle aussi de la liste des avocats dits «corrompus» qui a circulé, peu de temps après la chute du régime de Ben Ali. Une liste n'ayant d'ailleurs aucune valeur juridique: le qualificatif «corrompu» est une terminologie passible de poursuite pénale à défaut de preuve.

Le corps des huissiers de justice n'est pas en reste, même si on n'en parle pas ou peu. Ce métier est aussi la proie de cette calamité ou cette gangrène: la corruption. Hélas, certains de ces auxiliaires de justice – une minorité sans doute – portent atteinte à leur profession.

Une des fonctions, sans doute la plus sensible, des huissiers consiste dans l'exécution des décisions juridiques: ils appliquent dans les faits les droits concrets issus d'un jugement, d'un acte administratif ou d'un acte notarié. Ils vérifient la légalité des actes demandés mais ne portent pas d'appréciation sur leur opportunité.

Concrètement, la forme la plus courante de corruption dans ce métier consiste dans le remboursement des sommes perçues suite aux jugements sur plusieurs échéanciers, des mois, voire des années. Nous avons connu certaines affaires où le remboursement a été échelonné sur une dizaine d'années en parts insignifiantes.

L'indemnisation du préjudice, dans ce cas, perd tout son sens.

Ces huissiers malhonnêtes – une minorité, il faut le rappeler – comptent sur la lassitude de leurs clients, particulièrement les plus fragiles et vulnérables: vieilles personnes, femmes avec faible niveau d'instruction, les Tunisiens vivant à l'étranger, etc.

Le ministre de la Justice doit s'attaquer sans tarder à cette forme de corruption voire d'escroquerie. En effet, un arrêt est un jugement qui intervient à la fin du maillon de la chaîne du processus judiciaire. Son exécution est l'acte suprême de la justice. Celle-ci n'a de sens que lorsque ses décisions sont exécutées conformément à son esprit.

Autrement, le contrôle social perd ses effets et le risque de tomber dans une république en «faillite» est réel: un arrêt non exécuté est un jugement sans valeur, un Etat sans autorité.

* Universitaire.

Blog de l'auteur. 

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