Caid Essebsi Entretien avec Europe1 Banniere

Dans son entretien, hier, avec 3 médias français, le président Caïd Essebsi a affirmé que, lui vivant, la Tunisie ne régressera pas et restera tournée vers l'avenir.

Par Rachid Barnat

Dans la matinée du dimanche 22 mars 2015, le président de la république Béji Caïd Essebsi (BCE) a déposé une couronne de fleurs à la mémoire des victimes de l'attentat du musée du Bardo, survenu 4 jours auparavant, avant d'accorder une interview aux journalistes Jean-Pierre Elkabbach d'Europe 1, Michaël Darmon de iTélé et Christophe Ayad du journal ''Le Monde'', dans une salle du musée avec pour arrière plan une belle mosaïque romaine comme pour rappeler que le musée conserve la plus grande collection au monde de mosaïques antique.

Les Tunisiens resteront debout face au terrorisme

Les premières questions concernaient l'attentat meurtrier commis par les trois terroristes qui se sont introduits facilement, comme dans un moulin, dans le musée. BCE reconnaît qu'il y a eu défaillance dans la sécurité du lieu. Il assure qu'une enquête est en cours pour en connaître les causes et que des sanctions seront prises à l'encontre des responsables. Il félicite la brigade antiterroriste pour son intervention rapide pour libérer les otages en limitant les dégâts après avoir abattu deux des trois terroristes, le troisième étant en cavale mais activement recherché, BCE comptant sur la collaboration de la population pour aider la police.

Il réaffirme que la Tunisie est en guerre contre le terrorisme, par conséquent tous les moyens seront mis en oeuvre pour lutter contre ce fléau. Il précise que si le terrorisme est étranger aux Tunisiens. Il s'est déployé en Tunisie lors des deux gouvernements de la «troïka» (l'ex-coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, Ndlr). Il est devenu un problème régional qui touche les pays avoisinant le bassin méditerranéen... la France comprise! Mais insiste-il, les Tunisiens resteront debout face au terrorisme!

D'où son appel à une volonté politique commune des pays concernés pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Caid Essebsi dépose une couronne de fleurs à la memoire des victimes au Bardo

Caid Essebsi dépose une couronne de fleurs à la memoire des victimes de l'attentat du Bardo.

A la question si la Tunisie approuverait une intervention internationale en Libye, BCE rappelle que la Tunisie n'a pas vocation à l'ingérence dans les affaires libyennes, tout en rappelant que notre pays continue a accueillir l'exode massif des Libyens à cause du chaos qui règne en Libye que des groupes armés se disputent, l'un reconnu par la communauté internationale mais sans pouvoir et l'autre non reconnu mais qui est à nos frontières.

A la question relative aux aides financières promises par le G8 en 2011, BCE déplore qu'elles soient restées au stade de promesses. Quant à l'aide que pourraient apporter certains pays pour soutenir la Tunisie dans sa lutte contre le terrorisme, BCE rappelle que les Tunisiens comptent sur eux mêmes; et que s'il y a prise de conscience que le terrorisme touche tout le monde et que les pays concernés veulent s'investir dans la lutte contre le terrorisme, alors leurs aides sont les bienvenues. Ce que Jean-Pierre Elkabbach formulera autrement : la France a tout intérêt à contribuer activement en aidant la Tunisie dans sa lutte contre le terrorisme qui est à sa porte, Nice n'étant qu'à 1 h de vol de Tunis et Paris à 2 h.

Caid Essebsi Entretien avec Europe1Le président Caïd Essebsi répond aux questions de Jean-Pierre Elkabbach, Michaël Darmon et Christophe Ayad .

Une Tunisie moderne tournée vers l'avenir

Pourquoi les étudiants tunisiens préfèrent-ils d'autres pays à la France pour leurs études? A cette question, BCE répond qu'ils vont là où l'on veut bien d'eux, où ils sont biens accueillis et bien traités; et que les pays en question veulent bien leur accorder des bourses. Il rappelle qu'il a fait ses études en France à une époque où les Tunisiens constituaient l'effectif le plus important de tous les étrangers étudiant en France. Il déplore la politique de la France en la matière comme il déplore l'islamophobie qui se développe par ignorance, quand les Français et certains journalistes confondent islam et islamisme.

Christophe Ayad s'inquiète de l'intolérance de BCE envers les humoristes et les caricaturistes, et du sort réservé au journaliste Moez Ben Gharbia et son acolyte Migalo (Wassim Hérissi, Ndlr), BCE lui rappelle que ni l'humour ni la caricature ne le gênent. Il le rassure qu'il n'y est pour rien dans les poursuites judiciaires contre eux, bien qu'il reconnaisse la gravité de ce que certains voudraient prendre pour une farce.

A la question de sa filiation avec Bourguiba, il reconnaît en être l'élève mais que l'un et l'autre ont du s'adapter à leur époque et au contexte. Michaël Darmon lui rappelle que Bourguiba a eu le courage de faire des gestes symboliques forts pour faire entrer les Tunisiens dans la modernité : tels que le dévoilement en public de femmes voilées... et lui demande quel geste fort pourrait-il faire?

La réponse de BCE, qu'on sent excédé par les islamistes et leur terrorisme, a été une pirouette langagière sans le geste, que tout le monde a compris sur le plateau: «Un bras d'honneur à tous les islamistes».

Un journaliste lui rappelle que Nidaa Tounes s'est allié à Ennahdha, dont il considère l'islamisme comme étant «modéré» et compatible avec la démocratie. BCE lui répond qu'il est tenu de respecter les dires de Rached Ghannouchi, qui affirme publiquement que son parti s'est départi de la violence et du terrorisme. Ghannouchi dit-il vrai, se demande BCE? Mais en tant que président de tous les Tunisiens il se doit d'en prendre acte, dit-il. Le croit-il pour autant? Il semble en douter.

Pour conclure, il assure que lui vivant, il empêchera la Tunisie de régresser et veillera sur la jeune démocratie car il veut d'une Tunisie moderne tournée vers l'avenir.

Blog de l'auteur. 

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