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Houcine Abassi et Habib Essid Banniere

Il est du droit des enseignants et autres corps de métiers de discuter des augmentations salariales, mais ils doivent éviter de recourir à la surenchère des grèves.

Par Wided Ben Driss*

Les Tunisiens sont connus par l'importante qu'ils accordent à l'éducation de leurs enfants, ce qui se explique leur vive réaction contre les grèves successives des enseignants, étant donné les répercussions négatives qu'elles pourraient avoir sur la formation des élèves.

Le rôle de l'enseignant est respecté malgré l'apparente dégradation de son statut, résultat de plusieurs décennies d'une éducation au rabais, dont l'élève est la principale victime. Aussi est-il inadmissible d'impliquer les élèves dans un différend qui, au fond, ne les concerne pas, et malhonnête de prendre l'avenir des enfants en otage.

Malgré les conditions difficiles dans lesquelles elle s'exerce, la mission sacrée de l'enseignant l'oblige à faire encore des concessions et à donner une bonne image à ses élèves. Mais en raison des grèves successives et du boycottage des conseils de classes et, peut-être, prochainement, des examens, la situation du secteur de l'éducation va s'aggraver, dans la mesure où elle fera perdre à la nouvelle génération tout enthousiasme et toute croyance dans l'utilité des études pour son avenir.

Les enseignants doivent, aujourd'hui, faire des sacrifices pour former cette génération et l'histoire leur rendra hommage.

Ni solutions miracles ni chantage à la grève

Les négociations pour la révision des statuts, l'augmentation des salaires et des primes et de baisse de l'âge de la retraite pour les enseignants se poursuivent depuis deux années, avec les gouvernements successifs, mais en vain.

En 2015, il semble que le syndicat des enseignants est décidé d'user d'un bras-de-fer avec le gouvernement qui vient d'être installé et qui n'a à offrir, pour le moment, que ses bonnes intentions de mettre en route des réformes, car il n'a pas de solutions miracles à tous les problème ni de marge financière pour répondre aux revendications salariales de toutes les corporations en même temps.

En ce qui concerne les revendications des enseignants, il est impératif que le ministère de l'Education leur paye le reliquat de leurs primes de correction des examens.

Pour ce qui est la demande de la retraite volontaire à 55 ans, après avoir effectué 30 années de service, elle ne concernera que les enseignants recrutés après 1984, car, après l'instauration du concours du Capes en 2003, il est devenu quasi-impossible de faire 30 ans de service avant la retraite prévue à 60 ans. Le ministère a donc intérêt à bien étudier cette demande, dont la satisfaction pourrait constituer une solution pour aider à résoudre le problème du chômage des diplômés (Lire ''La retraite des enseignants n'est pas un problème mais une solution'').

Si on laisse de côté la question du déficit financier des caisses sociales, l'enseignement peut être considéré comme un métier difficile et il est recommandé de réaliser une étude sur le nombre des enseignants répondant aux conditions requises pour la retraite anticipée (30 ans de service et 55 ans d'âge) et d'élaborer une simulation du coût de leur mise en retraite, en contrepartie du recrutement de nouveaux diplômés.

C'est sur la base d'une pareille que les discussions entre syndicat et ministère pourraient reprendre avec de bonnes chances d'aboutir à des solutions satisfaisantes pour les deux parties.

Les négociations ont normalement pour but de classer et de prioriser les demandes, d'établir un plan pour résoudre les points de discorde en tenant compte des solutions et des procédures préconisées par le syndicat et le ministère de l'Education. Elles prendront sûrement du temps car il n'est pas facile de réformer un secteur aussi vital que celui de l'enseignement. Mais, entretemps, les cours et les examens doivent continuer normalement, car les élèves ne sont pas une partie du conflit entre les enseignants et leur département de tutelle.

Révision de la grille des salaires du secteur public

Au regard des demandes d'augmentations salariales des enseignants et sachant que les négociations sociales entre le gouvernement et l'UGTT viennent d'être à peine entamées, il est recommandé de bien étudier ces augmentations afin de garantir une harmonie dans la grille des salaires de tous les secteurs étatiques.

A titre de comparaison avec nos voisins, l'Algérie et le Maroc, il est à noter que le salaire de base d'un enseignant (début de carrière) est équivalent à 1.720 dinars au Maroc et de 1.042 dinars en Algérie, alors qu'il ne dépasse pas 700 dinars en Tunisie.

Après la révolution et avec la succession des gouvernements provisoires, il y a eu des augmentations salariales anarchiques visant à éviter les grèves dans les secteurs de la santé, de l'enseignement supérieur et autres.

Les salaires étaient, parait-il, attribués au cas par cas et selon les humeurs des ministres et il en ressort des écarts injustifiables. En examinant les salaires des différents corps de métiers en Tunisie en rapport avec les diplômes obtenus et les années d'études passées après le baccalauréat, certains écarts n'ont plus raison d'être et les secteurs lésés devraient être compensés.

Des disparités existent même au sein du même secteur et des écarts inéquitables entre les salaires des professeurs agrégés et ceux des inspecteurs.

Métiers versus salaires

Le nouveau gouvernement est appelé à rétablir la justice et à redéfinir les salaires des employés de l'Etat sur une base équitable et en toute transparence, suivant une grille de salaires harmonieuse établie suivant des critères scientifiques standards.

L'harmonisation des salaires du secteur étatique, suivi par celle des salaires dans les secteurs privés sera la première étape pour une optimisation des impôts et une homogénéisation des caisses sociales et du système des retraites.

Avec les institutions élues en place et le gouvernement qui en est issu et qui semble animé par une volonté constructive, les enseignants et autres corps de métiers sont appelés à proposer des réformes et à discuter des augmentations salariales ou des avantages, mais ils doivent éviter de recourir à la surenchère des grèves.
Un accord de paix sociale devrait être co-signé concomitamment avec le lancement des négociations sociales entre l'UGTT et le gouvernement.

* Onshore Exploration Manager.

Illustration: Le chef du gouvernement, Habib Essid, et le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abassi, ont signé, lundi 23 février 2015, au palais du gouvernement à la Kasbah, le communiqué commun sur l’ouverture des négociations générales dans le secteur public.

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