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S'il est difficile, aujourd'hui, en Tunisie, d'instaurer la laïcité, l'urgence serait de réhabiliter la méritocratie, l'autre pilier de la république, et l'image d'ascenseur social qu'elle véhicule.

Par Hichem Chérif

La liberté d'expression et le respect des croyances ont soulevé, ces derniers temps, beaucoup de questions sur la laïcité et la place de la religion dans notre société.

Au-delà de cette question, comment se positionner lorsque l'on est athée dans un pays comme la Tunisie? Et comment vivre son athéisme? Reste-t-il une place pour la spiritualité lorsque l'on ne croit pas en Dieu?

Être athée, c'est avant tout être convaincu que Dieu n'existe pas, mais un athée a d'autres convictions que son seul athéisme.

Qu'est-ce qu'un Etat laïque?

L'athéisme n'est ni une philosophie, ni une religion. Certains athées sont humanistes. D'autres non. Certains sont de droite, d'autres de gauche... Par principe, les athées n'ont pas à être d'accord entre eux sur des convictions positives.

Alors que les chrétiens sont d'accord sur les dogmes du christianisme et les musulmans sur les grandes bases de l'islam, ce qui unit les athées, c'est uniquement cette conviction purement négative de ne croire en aucun Dieu.

L'athéisme et la laïcité sont deux attitudes totalement différentes. C'est justement parce que la république française, par exemple, est laïque qu'elle n'est pas athée. La laïcité est un type d'organisation de la cité, de la société. Elle interdit à l'Etat de prendre position en matière religieuse.

Un Etat est laïc quand l'Etat ne prétend pas régenter les églises/mosquées/synagogues et que les églises/mosquées/synagogues ne prétendent pas gouverner l'Etat.

Un Etat laïque garantit le droit d'avoir la religion que l'on veut, le droit de n'avoir aucune religion ou de changer de religion.

Islamistes anti laicite

"Ni communiste, ni laïque. Ma consitution, c'est le Coran", dit cette banderole brandie par les jeunes du mouvement  islamiste Ennahdha à Menzel Bourguina.

Le fanatisme existe aussi bien au sein des sociétés laïques que religieuses?

On est tenté de dire qu'il suffit qu'un gouvernement annonce qu'il va instaurer des enseignements moraux laïcs et/ou religieux pour endiguer ce fléau. Ceci ne me semble pas le bon chemin.

Apprenons plutôt à nos enfants à lire et à écrire correctement au lieu de leur faire des cours de morale ou de religion. Il est plus important qu'un élève du lycée arrive à lire Pascal, Spinoza, Montaigne, Descartes, en même temps qu'Al-Jahedh, Al-Moutanebbi... sans oublier les écrits des divers rites religieux (malékite, hanafite...) plutôt que de recevoir des cours sur le fait religieux ou la morale religieuse.

Réhabiliter le rôle de l'école 

L'école est là pour transmettre et donner accès à la culture de tous bords. Le problème, c'est qu'elle y arrive de moins en moins. Mieux vaut faire de la philosophie que compter sur deux heures de cours mal bricolés de morale ou de fait religieux. Ce n'est pas un cours de morale laïque ou religieuse qui remplacera la lecture des chefs-d'œuvre passés de divers bords pour apprendre la tolérance. Il faut donner aux enfants une formation intellectuelle, de telle sorte qu'ils puissent former leur propre jugement. La morale n'est pas de l'ordre du savoir, elle ne s'apprend pas comme l'on apprend combien font deux plus deux.

Ceux qui pensent qu'il suffit d'ajouter quelques heures d'éducation morale ou civique pour faire reculer les tentations communautaristes ou réduire le fléau du fanatisme se racontent des histoires. Arrêtons de demander perpétuellement à l'école de régler les problèmes de la société.

On se trompe quand on pense au retour du religieux aussi bien dans le monde «arabe» qu'ailleurs, et que la laïcité et l'athéisme sont morts?

Michel Houellebecq a tort de penser qu'il y a un retour massif du religieux et que c'est la fin de la laïcité. Il perçoit un processus de retour à la spiritualité, mais l'analyse mal. Ce que l'on appelle le retour du religieux est en réalité un retour à une spiritualité plus revendiquée, plus affirmée voire parfois plus spectaculaire, comme c'est le cas pour certains mouvements islamistes radicaux. Mais l'intégrisme catholique n'est pas en reste. Nous avons pu le constater lors des manifestations contre le mariage pour tous, où certains groupes catholiques réactionnaires ont retrouvé un peu de visibilité.

Arrêtons de faire comme si le fait religieux est entrain de prendre le pas sur l'athéisme ou la laïcité. Ce n'est pas vrai. Il suffit de se rendre dans une église catholique, un dimanche matin, pour constater qu'elle est aux trois quarts vide et que la moyenne d'âge est de 70 ans. En ce qui concerne les musulmans, leur nombre progresse, effectivement, en Europe. Mais c'est essentiellement du fait de l'immigration et de la démographie et non pas des conversions.

Idem dans le monde musulman où on a l'impression que la pratique de l'islam se développe alors que si on rapporte le nombre des pratiquants à la population globale, on a un ratio qui baisse et, contrairement à ce que l'on pense, l'athéisme ne cesse de se développer partout dans le monde.

Aux Etats-Unis, où il est encore extrêmement minoritaire il y a quelques années, la parole des athées s'est largement libérée. En quinze ans, le nombre d'athées a été multiplié par quatre.

Comment peut-on poser la question du développement de l'athéisme (réel dans la pratique) dans une société où les débats autour de la religion sont omniprésents?

Liberte democratie laicite

Les laïques tunisiens affichent de moins en moins leurs revendications.

La liberté contre le fanatisme

Les événements montrent que le débat porte moins sur la religion que sur la question de la liberté d'expression et du fanatisme. Il faut combattre le fanatisme, combattre ces gens qui veulent imposer par la violence quelque chose qui n'est finalement qu'une opinion.

«C'est mettre ses conjectures à bien haut prix, que d'en faire cuire un homme tout vif», disait Montaigne au XVIe siècle. A l'époque personne ne savait, non plus, ce qu'il en était du vrai Dieu, mais les hérétiques étaient brûlés au nom de «conjectures», c'est-à-dire au nom d'opinions parfaitement incertaines.

Ce qui valait du temps de Montaigne contre l'Inquisition catholique vaut aujourd'hui contre le fanatisme islamiste.

Nous devons nous mobiliser contre tous les fanatismes, contre tous ceux qui prétendent limiter notre liberté de ne pas croire, d'exprimer notre incroyance, voire de blasphémer.

Le débat n'est pas l'existence ou non de Dieu. Le débat, c'est la liberté contre le fanatisme.

Beaucoup considèrent que la religion répond à leur besoin de spiritualité. Existe-t-il une place pour la spiritualité sans être religieux?

Oui, il existe une spiritualité sans faire intervenir Dieu. La spiritualité, c'est la vie de l'esprit. Les athées n'ont pas moins d'esprit que les autres et s'intéressent tout autant à la vie spirituelle. Nous sommes tellement habitués depuis vingt siècles à ce que la seule spiritualité socialement disponible soit une religion que l'on a fini par croire que ces deux mots, religion et spiritualité, sont synonymes, et que de parler d'une spiritualité sans Dieu est contradictoire dans les termes. C'est faux.

La religion est une certaine espèce de spiritualité, mais il y a d'autres spiritualités non religieuses. Il suffit de regarder du côté de la Grèce antique avec le stoïcisme ou l'épicurisme, ou du côté de l'Orient, du bouddhisme, du taoïsme ou du confucianisme, pour découvrir qu'il a existé et qu'il existe encore d'immenses spiritualités qui ne sont en rien des religions ou des croyances en Dieu.

Devient-on athée seulement par rejet de la religion?

On devient athée lorsque l'on trouve que les arguments allant dans le sens de l'athéisme sont plus forts que les arguments allant dans le sens du théisme.

En réalité, personne ne sait si Dieu existe ou non, et c'est justement parce que nous ne savons pas que la question se pose d'y croire ou non. Si vous rencontrez quelqu'un qui vous dit : «Je sais que Dieu n'existe pas», ce n'est pas un athée, c'est un imbécile. De la même façon, celui qui vous dit : «Je sais que Dieu existe» est un imbécile qui a la foi.

Les athées sont généralement attachés à une série de valeurs morales, culturelles et spirituelles qui sont nées pour la plupart dans les trois grandes religions monothéistes et qui se sont transmises pendant des siècles par la religion.
Rien ne prouve que ces valeurs humaines aient besoin d'un Dieu pour subsister, mais tout prouve que nous avons besoin de ces valeurs pour subsister d'une façon qui nous paraisse humainement acceptable.

Ce n'est pas parce qu'on est athée qu'on va renier 3.000 ans de civilisation monothéiste (judéo-chrétienne et musulmane) ou refuser de voir la grandeur du message humain des «révélations».

Croire en Dieu apparaît rassurant sur de nombreuses questions, telles que la mort ou le sens de la vie.

La vie apparaît plus facile si on pense qu'un Dieu d'amour veille sur nous, que nous irons tous au paradis et que nous retrouverons les êtres chers qu'on a perdus.

L'athéisme amène effectivement à affronter le tragique, à la prise en compte inconsolée de ce qu'il y a d'effrayant, de décevant et de désespérant dans la condition humaine.

Mais ce n'est pas une raison pour cesser d'aimer la vie. Au contraire, c'est parce que la vie aura une fin, et que c'est la seule vie qui nous soit donnée, qu'il importe de la vivre le plus intensément et le plus joyeusement possible.

Camus disait : «On ne peut penser l'absurde (ou le tragique) sans rêver d'écrire un traité du bonheur».

Quels sont aujourd'hui les éléments permettant de trouver un sen profond à la vie?

L'islamisme est un produit d'importation

Il ne faut pas se tromper dans la généalogie de l'islamisme radical. Ce n'est pas un produit purement «arabe». Ces monstres, soit par l'effet d'un déterminisme social (la relégation sociale, voire le «racisme structurel» dont seraient victimes les jeunes des «régions»), soit par celui d'un déterminisme culturel (le dogmatisme de la laïcité, le règne de la dérision et le vide spirituel).

Ce type de diagnostics fait fi de l'essentiel: l'islamisme est un produit d'importation, une idéologie politico-religieuse qui peut certes séduire quelques adolescents tunisiens en quête d'absolu, de reconnaissance ou d'héroïsme guerrier, mais qui constitue avant tout, selon l'expression du regretté Abdelwahab Medded, la «maladie de l'islam».

Si la Tunisie produit des islamistes, cela tient au fait que l'islam est devenu, au cours du dernier demi-siècle, une composante «multinationale». Si l'Amérique intègre mieux ses musulmans, ainsi que l'affirme Obama, c'est parce qu'elle n'en a pas, ou si peu (moins de 1% de la population contre 7% en France).

On constate de nos jours qu'il n'y a qu'une «famille spirituelle» qui engendre du terrorisme, c'est l'islam. II y a certes de nombreux convertis parmi les jihadistes, mais c'est un sort qui n'affecte pas les convertis au bouddhisme ou au christianisme. Il faut donc partir de cette donnée : le terrorisme «tunisien» est un terrorisme islamiste qui procède de la crise spirituelle, intellectuelle et politique de l'islam, et non pas d'un pseudo vide spirituel de la Tunisie (laissons ce discours aux islamistes).

La société tunisienne, extrêmement sécularisée, a-t-elle sous-estimé le besoin de religieux, de sacré ? Qu'est-ce qui aujourd'hui motive particulièrement ce besoin?

Le grand évènement spirituel de ces derniers temps est la naissance d'un concept qu'on ne trouve qu'au Maghreb, c'est celui du «musulman non pratiquant».

La société tunisienne est, en vérité, plus laïque que jamais. La Tunisie est un petit coin de paradis terrestre où l'on respire l'air de la liberté comme nulle part ailleurs par rapport au monde «arabe». La grande manifestation du 14 janvier 2014 que je n'appelle pas «révolution» (car elle n'a rien d'une «révolution» classique) n'était pas motivée par le besoin d'un retour du sacré ou du religieux mais par l'effroi devant la perte d'un acquis de la civilisation que constitue la liberté de vivre et d'exprimer ses convictions dans une atmosphère de tolérance.

Depuis deux siècles, depuis sa rencontre avec l'Europe des Lumières, le monde musulman est confronté à un dilemme. Il n'a plus en face de lui une sorte d'alter ego susceptible de lui paraître inférieur, la Chrétienté, mais un monde qui lui est désormais en tous points supérieur, à tout le moins sur les plans scientifique, économique et militaire. Face à cette modernité qui n'est pas née en son sein et qui lui est par conséquent étrangère, il oscille entre fascination et répulsion, entre désir d'appropriation et tentation fondamentaliste de revenir à la pureté des origines de l'islam. Si l'on ne revient pas à ce problème matriciel, on ne peut à mon sens comprendre la genèse de l'islamisme. Il n'y a plus de «vrai islam», d'islam traditionnel dont on pourrait saisir l'essence une fois pour toutes, mais une multitude d'interprétations qui sont autant de postures relatives à la modernité occidentales, notamment à ces deux dimensions de la modernité que sont la démocratie et la laïcité.

Or ce qui est frappant, c'est que, depuis quelques décennies (la Révolution iranienne est un bon marqueur, mais le mouvement était initié depuis longtemps dans l'ensemble du monde musulman), le balancier va dans le sens du fondamentalisme, alors même que, dans le même temps, l'Europe achevait son parcours de sécularisation.

Le jeune musulman tunisien qui puise, aujourd'hui, dans les eaux du fondamentalisme évolue dans une société qui vient de connaître l'émancipation des femmes et l'émergence de l'homoparentalité entre autres éléments qui ont changé notre société par rapport à celle où a émergé l'islam. On conçoit aisément que certains en deviennent fous et considèrent notre pays comme étant sur la voie de la perdition.

Il faut aussi avouer que notre idéal «républicain» est en un sens profondément individualiste. Il tient tout entier dans le célèbre propos de Clermont-Tonnerre exprimant l'approche révolutionnaire de la question juive: «Il faut refuser tout aux Juifs comme nation et tout leur accorder comme citoyens».

C'est un peu radical comme formule, mais le sens me semble toujours valable aussi dans notre pays: il faut détacher l'individu de sa communauté particulière pour en faire un membre de la maison commune. D'où l'importance que nous accordons à l'école : elle a pour fonction d'arracher l'individu de ses particularismes pour le mettre en relation avec des valeurs universelles, la vérité scientifique en premier lieu, et les conditions de la vie en commun (la langue, les règles de civilité, les principes républicains).

Le revers de la médaille est sans doute la sous-estimation du rôle joué par les liens familiaux, culturels et religieux, dans la formation de l'individu. Le modèle alternatif, proposé par les «islamistes», me paraît cependant lourd de dangers dans une société de plus en plus ouverte pour ne pas dire «multiculturelle».

Le politique a-t-il délaissé cette question du sens de la vie au moment où les sociétés en avaient peut-être le plus besoin? Quelle responsabilité l'Etat porte-t-il dans ce phénomène, en désinvestissant les cadres (autorité, école, famille) dans lesquels la vie peut trouver son sens?

Le mouvement de sécularisation s'est achevé par le déclin des «religions séculières», les grandes idéologies politiques du 20e siècle. Si l'on définit le sacré comme ce pour quoi l'on peut vouloir se sacrifier, la «Nation» a tenté de représenter ce visage du sacré. Cette source de sacrifice est aujourd'hui asséchée.

La séparation de la politique et du sens de la vie s'est avérée le stade ultime de la laïcité et c'est un heureux événement à mon sens.

Nous découvrons le sens de la vie dans notre vie personnelle, notamment dans l'intimité des liens familiaux et amicaux. S'il est une vacuité spirituelle que dévoile l'adhésion à une idéologie telle que l'islamisme, il s'agit de la pauvreté ou des ratés de la vie personnelle ou familiale. Une vie privée réussie dispense de la recherche du martyr.

Si l'on est disposé au sacrifice, ce ne peut être que pour les êtres que l'on aime, et l'amour n'exige que rarement le sacrifice de la vie.

Ce primat spirituel de la vie privée n'implique pas nécessairement le désinvestissement du politique. Encore une fois, la «manifestation» (à mon sens et pas «une révolution») du 14 janvier 2011 témoigne du fait qu'une mobilisation de la nation est possible dans une société que l'on décrit par ailleurs comme hyper individualiste. Mais la politique dans les démocraties modernes n'a de sens que si elle se met au service de l'individu et de ses liens.

Laicité dégage

La famille et l'école sont d'excellentes illustrations de la nature de la relation entre la politique moderne et la vie privée. L'enfant est, aujourd'hui, plus que dans aucune époque du passé, une valeur et une fin. S'il risque de devenir un «enfant-roi», c'est d'abord parce qu'il règne dans nos cœurs. C'est pour lui que nous nous interrogeons avec anxiété sur le devenir de l'école, sur la solidité de la cellule familiale ou sur la nécessité de l'autorité. Rien n'est plus faux, à cet égard, que l'idée selon laquelle l'école et la famille auraient été désinvesties: ce sont plus que jamais des valeurs en tant qu'elles représentent des «cadres» indispensables à la réalisation des individus.

Le développement de système de protection sociale et l'ouverture de droits qui les accompagnent envers le citoyen ont conduit la création de société où la qualité de vie et l'accès à des services (santé, protection du travail, culture, etc.) permettant de «mieux vivre» n'a cessé tendanciellement d'augmenter.

Ce mouvement s'est également accompagné par l'augmentation des libertés publiques et de la quête d'une égalité entre les individus. De ce point de vue, la Tunisie est un modèle du genre dans le monde arabo-musulman. Mais c'est une lubie de statisticien que d'évaluer le caractère «vivable» d'une société par ce type de contingences matérielles. Nombre de classements du «bonheur» sont biaisés par leurs propres limites, celles des variables mesurables.

Car l'effet induit de cette modernisation politique a été la déconstruction de la légitimité de certains «piliers» de l'ordre social inventé par les fondateurs de la «République»: l'autorité, l'école et la famille. Le problème réside en ce que la responsabilité de ce processus général incombe tout autant aux élites qu'aux citoyens.

En effet, si l'on peut reprocher aux élites gouvernantes d'avoir «lâché» l'autorité de l'Etat, on ne peut pas leur reprocher d'avoir sapé le rôle de l'école (parents d'élèves, pédagogue en tout genre, etc.) et obligé les familles à se décomposer et recomposer au gré des acteurs qui les composent.

Redonner un sens au roman national

Dans un contexte d'atomisation des sociétés, dans un univers où les structures traditionnelles ont été dissoutes laissant les individus livrés à eux-mêmes, qu'attend-on du politique? Que projette-t-on sur lui?

Certes les sociétés sont atomisées, et cela ne risque pas d'être remis en cause par la mondialisation. Mais il ne faudrait non plus en raison de l'actualité sombrer dans le «c'était mieux avant» dans les sociétés dites traditionnelles où le communautarisme, old fashion, était la règle, liberticide et souvent belliciste. Pourquoi assimiler le besoin d'autorité actuel avec un passé révolu et opposer l'individualisme à l'autorité. Les Etats moderne ont tout à fait les moyens de rétablir l'autorité, mais ils ont pour cela besoin du relais de la majorité des citoyens.

A cette fin, l'école mais pas seulement elle, mais tout le système éducatif de la maternelle à l'université doit tirer dans le même sens. Et sur ce point, il ne faut pas hésiter à développer des politiques publiques transversales notamment pour cibler la petite enfance pour que le minimum d'enfants se trouve trop rapidement en situation d'exclusion des formes d'apprentissage et d'exclusion.

Il faut également revoir la politique familiale sur ce point, et ne pas hésiter à inventer les institutions qui permettront aux jeunes d'apprendre la langue et ensuite l'histoire du pays qui les aura vus grandir.

Comment le politique peut-il répondre à ces attentes tout en respectant la liberté de conscience, de pensée et de comportement?

Il faudrait que les politiques se mettent à redonner un sens au roman national. Il serait souhaitable de redéfinir et adapter les grands mots «totem» de la République qu'on veut instaurer et qui sont la laïcité (ce qui sera la «vraie» réussite de cette «révolution» si vraiment les Tunisiens veulent être des «vrais révolutionnaires» et la méritocratie.

Si, pour la laïcité, ça va demander du temps afin de créer un climat apaisant pour instaurer une nouvelle loi qui permettrait d'avoir d'abord de vrai débat et ensuite définir un choix sur la place du religieux dans la société tunisienne au 21e siècle, quant aux fondements de la méritocratie, et l'image d'ascenseur social qu'elle véhicule, c'est uniquement en remettant à plat la question de l'ouverture de notre système de formation des élites que l'on y arrivera.

Il est clair qu'en période de crise économique et de chômage structurel la croyance d'une réussite possible par la reconnaissance de compétence acquise reste une valeur sociale forte. Faut-il encore qu'elle réussisse pour entamer ensuite le débat sur la laïcité.

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