Imprimer

Habib Essid Banniere

Dans la situation de crise généralisée où est aujourd'hui leur pays, les Tunisiens doivent entendre les 4 vérités qu'ils ne sauraient ignorer plus longtemps.

Par Mohamed Rebai*

Je rêve d'un chef de gouvernement qui dira la première vérité aux Tunisiens: «Les trois quarts du pain que vous mangez provient de l'étranger. C'est le cas pour pas mal d'autres produits alimentaires. Je ne suis pas disposé à faire la manche auprès des institutions financières internationales pour vous donner à manger.

Je vous demande solennellement de revenir aux sources en travaillant dans l'agriculture. Dans ce cas notre pays serait capable de nourrir vingt, trente voire quarante millions d'habitants.

Du moment que nous sommes dépendants de l'étranger pour manger, je vous dis la vérité amère qu'on n'est pas tout simplement souverain dans nos décisions. Les autres, qui connaissent parfaitement la précarité de notre situation, seraient tentés de nous mettre le couteau sur la gorge pour nous soutirer encore plus d'argent et de ressources naturelles, quitte à nous embourber dans le chaos et nous faire revenir à l'âge de pierre.»

Je rêve d'un chef de gouvernement qui dira la deuxième vérité aux Tunisiens: «Les recettes fiscales (18 milliards de dinars) suffisent à peine à couvrir les salaires exorbitants dans l'administration (10 milliards de dinars) et la Caisse de compensation, qui finance l'importable et non l'exportable (8 milliards de dinars).

Pour arrêter l'hémorragie et comprimer les coûts, je suis dans l'obligation de booster les recettes fiscales pour au moins le double car il n'est pas normal que toutes les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, que les contrebandiers et certaines professions libérales, comme les experts, les avocats et les médecins, ne paient presque rien au fisc.

Côté dépenses, et pour garder un bon ratio emploi/chômage, je suis dans l'obligation de faire des coupes sur vos salaires ou supprimer certains emplois fictifs qui ne servent à rien sauf à grever le budget de l'État.»

Je rêve d'un chef de gouvernement qui dira la troisième vérité aux Tunisiens: «Vous allez vite constater qu'il ne reste plus rien pour le développement. Si certains responsables vous disent qu'ils vont créer des projets de développement dans les zones défavorisées, ne les croyez pas, car c'est un leurre.

En effet, ni l'Etat ni les privés ne sont disposés pour le moment à investir à l'intérieur du pays. Ils ont peur que des jeunes casseurs s'amusent à tout démolir et à tout brûler.

D'ailleurs, depuis quatre ans de révolution, on n'a fait que mettre la clef sous le paillasson de pas mal d'entreprises tunisiennes et étrangères.

Au lieu de quémander des crédits pour des projets qui sont voués d'avance à l'échec, je vais arrêter de payer les crédits «odieux». Je ne vais pas non plus contracter de nouveaux crédits pour payer les anciens. Je vais tout arrêter pour sortir une bonne fois pour toutes de ce cercle vicieux, s'endetter pour payer des crédits.»

Je rêve d'un chef de gouvernement qui dira la quatrième vérité aux Tunisiens : «Si les grèves tournantes «en boucle» continuent dans les secteurs névralgiques de l'Etat (transport, enseignement et ressources minières), je vais opter pour des solutions radicales et définitives.

Pour ce qui est du secteur du transport, il n'est pas normal que l'Etat compense l'achat des équipements, ils sortent perdants (1,4 milliard de dinars) et font la grève en plus en pénalisant les usagers. La solution est toute simple : privatiser le secteur comme aux premières années de l'indépendance. Aux Etats-Unis et au Japon, tout le secteur du transport routier, aérien, ferroviaire et maritime est entièrement géré par des privés.

Il en est de même pour l'enseignement, dont la situation est similaire au foot en matière de professionnalisme «déguisé». Je vais décréter une année sabbatique durant laquelle les enseignants, les parents et les élèves vont réfléchir sur un mode d'enseignement en phase avec l'emploi et non une fabrique de chômeurs comme c'est le cas actuellement. Mahatir Mohamed, ex-premier ministre de Malaisie, l'a fait dans le temps et ça a donné des résultats surprenants.

Enfin, je vais mettre à l'abri les richesses du pays comme le phosphate actuellement à l'arrêt sous autorité militaire. D'autres pays l'ont fait dans des situations comparables.

Pour faire face à une situation économique durablement dégradée ni l'actuel Premier ministre en voyage d'agrément à Davos, ni le Premier ministre nommé qui prend son temps pour désigner une armada de ministres, ni même Bajbouj en qui on a mis tous les espoirs ne semble sortir de sa longue léthargie en prenant courageusement le taureau par les cornes.

Enfin, si le pays ne se relève pas dans une année, je partirai et je laisserai le pays aux prédateurs qui ne cherchent qu'à se remplir les poches en annonçant toujours des promesses sans lendemain.»

Illustration: Le chef du gouvernement désigné Habib Essid.

* Economiste.

{flike}