Sihem-Bensedrine-Archives-Banniere-

Le traitement des archives nationales suppose compétence et prérequis que l'Instance Vérité et Dignité (IVD) et sa présidente n'ont visiblement pas.

Par Abderrazak Lejri*

Suite au refus de la garde présidentielle de laisser Mme Ben Sédrine de déménager les archives du palais de Carthage quelques jours avant la passation de pouvoir entre les présidents sortant et élu, je suis interpellé au-delà des problématiques juridique et politique, par le strict aspect technique, dans l'ignorance de l 'état et lieu de conservation actuel et de celui de la destination, et sans préjuger de l'agenda ou des intentions d'instrumentalisation et le climat douteux qui entoure depuis sa constitution l'IVD avec les aléas et les dysfonctionnements.

Il est bon de rappeler à Mme Bensedrine les spécifications minimales de gestion des archives quant aux cycles de vie (archives actives ou courantes, archives intermédiaires, archives définitives, gestion des traces), aux mouvements (gestion des plans de conservation, de classement, des entrées et des sorties, des accès et consultations), gestion des archives définitives (gestion des destructions et des classements définitifs) et enfin de gestion des archives électroniques (gestion électronique des documents, GED): réception, préparation des supports originaux, acquisition, indexation, validation, protection, classement, et enfin gestion des accès).

La mise en œuvre d'une solution d'archivage suppose plusieurs compétences et phases : 1- effectuer, en interne, l'analyse et l'optimisation des processus de gestion des archives (tout type de support et format), avec prise en compte des règles de classement et de conservation et élaborer le cahier des charges de la solution GED à acquérir;

2 - choisir et mettre en œuvre la solution : étude de cadrage, paramétrage, élaboration des adaptations spécifiques, installation, formation, tests d'intégration, avec l'assistance d'experts fonctionnels en archivage et en gestion informatisée des archives et;

3 - mettre en production la solution en considérant trois volets: prise en charge des archives courantes (papier et électroniques sur tous supports existants), gestion des archives elles-mêmes (classement physique, codifications, scannage et indexation), et enfin l'exploitation (entrée-sortie, consultation et sécurités d'accès, destruction).

L'IVD a-t-elle préparé les prérequis matériels et humains?

Compte tenu des courts délais de mise en place de sa logistique, je mets au défi l'IVD de décliner aux médias et aux citoyens :

- la configuration des bâtiments destinés à loger ces archives et leur niveau d'aménagement en matière de sécurité d'accès et contre les intrusions sans parler des conditions optimales de conservation;

- la disponibilité d'armoires blindées et ignifuges pour la de protection contre l'incendie;

- le manuel de procédures régissant la conservation, le classement, le scannage, l'indexation, la manipulation, la transmission externe et enfin les habilitations d'accès avec un niveau de sécurité élevé;

- la disposition d'un organigramme avec des fiches de postes des cadres devant gérer ce fond documentaire on ne peut plus vital et précieux – pas uniquement pour la justice transitionnelle – quand on sait que l'IVD vient juste d'émettre des appels à candidature pour intégrer le personnel devant être chargé de cette tâche;

- la solution informatique appropriée qui est un préalable sur les plans logiciel de GED (gestion électronique des documents) et équipements de scannage professionnel et de restitution et dont la mise en œuvre nécessite au bas mot six mois;

- la nécessaire saisie et numérisation préalable dans le cadre d'un atelier sécurisé de montée en charge car on ne peut de nos jours permettre l'accès aux originaux qu'en extrême limite, la copie électronique étant la règle pour les manipulations courantes.

En conclusion, suite aux rumeurs selon lesquelles l'empêchement de disposer de ces archives sera levé dès la passation de pouvoir, je conseillerais au nouveau pouvoir de ne pas céder, dans la précipitation, les archives de Carthage et de ne faire qu'après qu'on ait procédé, au préalable, à un audit externe par des entités spécialisées qui confirmerait l'adéquation du nouveau lieu d'entreposage et de gestion de ce fond documentaire représentant un patrimoine mémorial de tout un peuple.

* Ingénieur informaticien-sénior, consultant.

Blog de l'auteur. 

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