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Beji-Caid-Essebsi-et-Rached-Ghannouchi-Banniere

En enlevant le pouvoir aux islamistes pour le donner aux laïcs, les Tunisiens ont démontré que l'islam n'est pas incompatible avec la démocratie.

Par Dr André Nahum*

En élisant avec une avance confortable, plus de 55% des voix, Béji Caid Essebsi, la Tunisie a renoué avec l'héritage de Habib Bourguiba, à la faveur d'un scrutin tout-à-fait régulier qui lui fait honneur et devrait servir d'exemple aux autres pays arabes. Mais, il s'agit d'un bourguibisme démocratique, car la nouvelle constitution limite fortement les pouvoirs du président.

A la différence du père de la Tunisie moderne, le nouveau président ne pourra plus gouverner seul et devra partager le pouvoir avec le futur gouvernement dont on ne sait pas encore comment il sera constitué.

Après la victoire du parti Nidaa Tounès aux dernières législatives, c'est donc une victoire incontestable de la mouvance laïque et anti-islamiste.

Nidaa Tounès aura le choix entre une alliance avec Ennahdha, arrivé second ou s'unir à des partis moins importants pour arriver à former une équipe laïque.

Mais, qu'il soit au pouvoir ou dans l'opposition, Ennahdha ne va pas brusquement disparaitre du paysage politique tunisien. Il ne faut pas oublier qu'il est bien implanté dans le pays et largement majoritaire dans le sud. Il fera tout pour s'infiltrer davantage au sein des masses par ses actions caritatives et ses activités religieuses.

En se pliant aux règles de la démocratie, son chef, Rached Ghannouchi, s'est montré un brillant stratège. Sa formation ayant montré son incompétence à diriger le pays pendant les trois années au cours desquelles elle a détenu la réalité du pouvoir, il a tiré la leçon de la désastreuse expérience des Frères musulmans en Egypte et a préféré faire profil bas face à la réaction populaire plutôt que de subir le sort de l'ex-président égyptien Mohamed Morsi et de ses compagnons.

Son avenir et celui de son parti vont dépendre de la place qui leur serait dévolue en cas de coalition avec Nidaa Tounès et des résultats qu'obtiendra le futur gouvernement dans la situation difficile dans laquelle se trouve le pays.

Il dépend aussi de l'action militante de ses membres et du soutien matériel que lui apporteront les pays du Golfe et surtout le Qatar, lequel, depuis son récent rapprochement avec l'Arabie Saoudite et l'Egypte, pourrait se montrer bien moins empressé à l'inonder de dollars.

De toutes façons, l'heure est à l'optimisme, mais un optimisme prudent, en notant que, dans ce pays arabe, l'islam n'a pas été incompatible avec la démocratie et en souhaitant bonne chance au nouveau président.

* Chroniqueur à Radio Judaïques FM, Paris.

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