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Moncef Marzouki, homme de rupture au passé militant, est un président suffisamment crédible pour incarner le changement dont la Tunisie.

Par Tarak Khezami

L'histoire est là qui nous éclaire sur la valeur intrinsèque des hommes. Dans quelques jours, les Tunisiens iront aux urnes pour élire le nouveau président du nouveau pays qui se fait désormais un point d'honneur d'avoir une nouvelle Constitution et de nouvelles institutions.

Les deux hommes en lice ont chacun un passé. Ce passé peut les crédibiliser ou les décrédibiliser aux yeux des électeurs dans leur extraordinaire diversité par rapport à la fonction à laquelle ils aspirent: la magistrature suprême. Mais, objectivement, lequel des deux pourrait incarner véritablement le changement tant attendu?

Moncef Marzouki est connu pour son militantisme de bon teint contre la dictature, la confusion des pouvoirs et les abus. Même ses détracteurs les plus virulents savent que c'est un intellectuel véritable au caractère bien trempé. A ce titre, il a souvent été incompris et notamment dans sa démarche parce que faire preuve d'originalité est difficile surtout pendant les périodes transitoires.

De fait, un dirigeant politique qui prend les rênes du pouvoir après une révolution se doit de rompre hardiment avec tout ce qui précède pour tourner définitivement la page du passé et entamer une nouvelle ère, quitte à choquer.

La rupture avec le passé a commencé par déconstruire le concept même de président et les codes sur lesquels il repose: point de cravate, point de costumes onéreux et personnalisé, point de fard, point de discours écrits à plusieurs mains, appris bêtement et régurgités tout aussi bêtement devant des médias transformés en véritable machine à désinformer le peuple et à chloroformer son esprit. Bien des fois, convenons-en, le président est allé un peu loin en abusant de l'improvisation.

Dans le même ordre d'idées, il nous tarde de voir nos ministres conduire leurs propres voitures et pourquoi pas prendre les transports en commun. Nous croyons avoir sonné définitivement le glas de la déification des gouvernants. Tout cela était à l'évidence fait exprès et visait in fine à démythifier la fonction. Ce tour de force a été réussi nous semble-t-il malgré tous les pas de clerc que tout le monde connaît. L'expérience aidant, cela finira par s'arranger.

Que ce côté brut de décoffrage du président nouveau de la République nouvelle puisse choquer ses adversaires politiques, soit; qu'il choque par ailleurs le simple citoyen non averti, passe encore; mais de là à ce qu'il choque certains universitaires comme nous l'avons lu et entendu ici et ailleurs nous ne pouvons pas ne pas nous inquiéter pour l'université tunisienne déjà très affaiblie (cf. classements internationaux de l'université tunisienne).

Une partie de nos élites serait-elle réfractaire au changement. Serait-elle sans le savoir à ce point réactionnaire? Toujours est-il qu'elle donne l'impression de suivre le mouvement avec des attitudes suivistes et un comportement moutonnier. Il serait de bon ton de dénigrer Marzouki et le faire passer lui et ses partisans pour des ringards...

De plus, l'homme est parfaitement trilingue (arabe, français et anglais). Par rapport aux attributions qui seraient les siennes, s'il était élu (politique étrangère notamment), cela serait un avantage certain. Nous ne sommes pas sans savoir par ailleurs qu'il maîtrise l'outil informatique. Il est donc un homme de son temps. Est-ce le cas de son concurrent?

Une bonne partie des Tunisiens compte sur lui pour neutraliser les sangsues qui continuent à se goberger au détriment des petites gens. Une bonne partie de Tunisiens compte sur lui pour être le gardien sourcilleux de la Constitution.

Gardons-nous bien donc de nous diaboliser les uns les autres et apprenons à juger sur pièces. En jugeant sur pièce, nous ne pouvons pas ne pas mettre nos mains en porte-voix et crier haut et fort: nous voulons un président suffisamment crédible pour incarner le changement dont le pays a besoin.

 

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