Nida-Tounes-vainqueur-des-legislatives-2014-banniere

Avec une majorité fragile de 86 sièges au parlement, Nida Tounes ne pourra jamais imposer son hégémonie, dessein que lui prêtent ses adversaires avec une grossière mauvaise foi.

Par  Dhafer Charrad*

Au lendemain des élections du 23 octobre 2011, Ennahdha a créé la coalition gouvernementale appelée «troïka» en appâtant le Congrès pour la république (CpR) et Ettakatol, avec simplement deux sièges de présidents dociles, inoffensifs et sans aucune influence notable sur la scène politique, puisque tout se décidait au siège du parti islamiste au quartier de Montplaisir, à Tunis.

Dès le début, Ennahdha et tous ses dirigeants ne rataient aucune occasion pour faire part de leur volonté et leur certitude de rester au pouvoir pour toujours, et les autres étaient persuadés qu'ils ne plaisantaient pas et qu'ils le pensaient et y tenaient vraiment.

Cette volonté déclarée de confisquer et de monopoliser le pouvoir pour de longues décennies, ils ont tout fait pour l'illustrer en s'incrustant dans tous les rouages de l'Etat, et ce par le biais d'un flot incessant de nominations partisanes, à tous les niveaux de l'administration publique et dans tous les ministères, les plus sensibles et les moins sensibles.

Malgré la majorité large de 138 sièges à l'ANC, malgré le cumul des 3 présidences (de l'Assemblée, du Gouvernement et de la République) et malgré une volonté déclarée d'imposer sa dictature, Ennahdha n'y a pas réussi et a dû céder le pouvoir au terme de 3 années chaotiques.

Pour ne pas avouer son échec, le parti islamiste a eu beau déclaré avoir accepté de participer au dialogue national et avoir cédé le pouvoir de son plein gré, personne ne l'a cru et nous savons tous que la vérité est autre.
En fait, Ennahdha, dont on apprécie l'organisation, l'intelligence, le pragmatisme et la capacité de s'adapter aux réalités et de se rendre à l'évidence, s'est rendu compte que notre classe politique avec toutes ses composantes, la société civile et le fameux et merveilleux peuple tunisien, éveillé, conscient et intelligent, seront, à chaque instant, sur le qui vive, et ne pourront plus être bernés, n'accepteront jamais d'être menés là où il ne veulent pas et resteront à l'affût de la moindre tentative hégémonique d'un seul parti ou d'une seule coalition, quelle que soit son envergure.

Nombreux candidats, faute d'idées intelligentes et originales, n'ont pas trouvé mieux que de se copier les uns les autres, en cherchant tous à duper et à tromper le peuple tunisien, en criant au loup et en brandissant le spectre d'un retour de la dictature et des prétendues visées hégémoniques qu'aurait Nida Tounes, vainqueur des législatives du 26 octobre 2014, si son président Béji Caïd Essebsi venait à remporter aussi à la présidentielle du 23 novembre 2014.

A tous ces perdants d'avance, on répondra que le loup n'existe que dans leur imagination et que Nida Tounes, en supposant qu'il ait vraiment des ambitions hégémoniques, n'en aura jamais les moyens et ne pourra, en aucun cas, avec une majorité fragile de 85 sièges au parlement, réussir là où Ennahdha a échoué avec une majorité confortable de 138 sièges, 3 présidences, un redoutable appareil politique et une discipline à la soviétique.

Le peuple tunisien, qui a fait son choix et une première sélection lors des législatives, cherche maintenant à adjoindre au parti vainqueur le président qu'il croit le mieux indiqué pour accompagner le prochain gouvernement qui aura à faire face à des chantiers gigantesques avec l'ambition légitime de remettre sur pied le pays dans des délais raisonnables.

Les travaux d'hercules à venir nécessitent une cohésion et une harmonie parfaites entre tous les futurs dirigeants du pays en plus d'une opposition positive et objective.

Le peuple tunisien, qui ne cherche que l'amélioration de son pouvoir d'achat et de ses conditions de vie, ne prendra pas le risque d'opter pour un inconnu sans expérience, pour un président qui ne sera pas en phase avec le gouvernement et surtout pas pour un président trop farouche opposant au parti vainqueur des législatives, qui ne cherchera qu'à mettre les bâtons dans les roues du gouvernement et n'aura qu'un seul objectif: créer les conditions qui l'autoriserait à dissoudre le parlement et à ramener le pays au point zéro. Et là, ce serait la catastrophe dont tout le monde sortirait perdant, et pour de nombreuses décennies.

Espérons que le peuple tunisien sera lucide, intelligent et raisonnable et ne fera pas un choix simplement partisan, quand il remplira et mettra son bulletin de vote dans l'urne, lors de la prochaine présidentielle, car, dans ce geste, il jouera son avenir et celui de ses enfants.

A bon entendeur...

* Diplômé en sciences économiques et planification.

 

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