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La bipolarisation de la vie politique tunisienne entre Nida Tounes et Ennahdha ne devrait pas cacher la place qu'y occupent désormais le Front populaire et Hamma Hammami.

Par Hatem Mliki*

Taxée de «zéro virgule» au lendemain des élections de l'Assemblée nationale constituante (ANC), le 23 octobre 2011, la gauche tunisienne, divisée et affaiblie, a eu beaucoup de mal à se positionner sur une scène politique marquée par la montée en puissance du parti islamiste Ennahdha.

La renaissance de la gauche tunisienne

Les «camarades» ont pris conscience des enjeux et défis, auxquels ils font face et les diverses fractions de gauche ont fini par s'unir dans le Front Populaire, en octobre 2012, quelques mois, avant le lâche assassinat politique de son célèbre leader, Chokri Belaid.

Cette mutation a été également accompagnée par un discours plus équilibré, profitant notamment des multiples erreurs commises par la troïka au pouvoir le long des 3 dernières années. Mieux encore, un réalisme politique vient succéder aux radicalisme et populisme, qui ont toujours marqué le comportement de la gauche tunisienne.

La gestion de la relation avec le parti de Béji Caïd Essebsi (BCE), la participation au sit-in du Bardo ayant suivi le second assassinat, aussi lâche que le premier, de Mohamed Brahmi, le rôle joué durant le Dialogue national, la campagne électorale aux législatives du 26 octobre 2014 et les résultats obtenus montrent une certaine maturité du comportement politique de la gauche tunisienne «unifiée».

Quoique le nouveau paysage politique tunisien, issu des résultats des législatives, confirme la tendance à la bipolarisation entre Ennahdha et Nida Tounes, le rôle et la place du Front populaire sont loin d'être négligés. Le tout sans oublier la candidature de Hamma Hammami, porte-parole et figure historique de la gauche communément appelé par le diminutif «Hamma».

En attendant qu'Ennahdha se décide sur l'identité de son candidat pour l'élection présidentielle du 23 novembre 2014, BCE reste le grand favori du premier tour. Cependant, les pronostics sont plutôt indécis pour le deuxième.

Hamma à Carthage : pourquoi pas ?

Quoi qu'il en soit, la candidature de Hamma est loin d'être symbolique et ses chances sont de plus en plus réelles, surtout après son dernier passage télévisé sur la chaine privée Nessma TV.

La «transformation» de Hamma était plus que visible et n'a pas laissé indifférent un large auditoire ayant trouvé unanimement le candidat du Front populaire raisonnable, posé et surtout sincère.

Perdus entre des calculs politiques bas de gamme, une bipolarisation à la fois rassurante et inquiétante et des candidatures folkloriques, les électeurs semblent revisiter ce personnage pourtant connu de tous. Partagés entre l'envie de voir à Carthage celui qui a pu arracher la Tunisie d'une troïka mal conçue, en l'occurrence BCE, et la crainte du retour en force des opportunistes qui l'entourent et qui se cachent derrière sa grande posture, les électeurs commencent à s'intéresser timidement à Hamma.

Mais loin des jugements émotionnels et des sympathies individuelles, allant des bourgeoises qui le trouvent «mignon» et des démunis animés par l'envie de voir un fils du peuple gouverner la Tunisie, la victoire de Hamma aux présidentielles peut être assez intéressante pour le processus de transition démocratique.

Il est clair que pour réussir sa transition et en attendant l'émergence de nouvelles forces politiques, la Tunisie ne peut compter que sur une transformation positive de ses fractions politiques et courants idéologiques classiques, à savoir la gauche, les islamistes et la «cinquième génération du mouvement réformiste national» de BCE.

Alors que Nida Tounès est officiellement désigné pour composer le prochain gouvernement (quelle que soit la structure qu'il va lui donner) et que le mouvement islamiste Ennahdha a pu s'arracher une place confortable d'allié/opposant, la victoire de Hamma à la présidentielle mettra ce trio face à une situation historique, l'obligeant à sortir du comportement victime/sauveteur/persécuteur, qui empêche jusque là la Tunisie de s'attaquer aux vrais enjeux et défis de la transition démocratique, et surtout d'engager des réformes structurelles profondes ouvrant la voie à un développement économique et social durable.

La seule condition pour que ce scénario puisse aboutir aux résultats escomptés est que la victoire présidentielle de Hamma soit le résultat d'un effort personnel du Front populaire et non le fruit d'une tractation politique.

Enfin l'idée de voir un jour BCE, Ghannouchi et Hamma réunis pour discuter des affaires de la Tunisie n'est pas si mal que ça.

* Consultant en développement.

 

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