Beji-Caid-Essebsi-Presidentielle-Banniere

Elire un président issu d'un autre parti que Nida Tounes, c'est vouloir la paralysie du pays. Il convient donc que les Tunisiens fassent preuve de clairvoyance.

Par Rachid Barnat

Nous connaissons maintenant les résultats des élections législatives du 26 octobre 2014 et nous allons voter pour un président de la Tunisie le 23 novembre 2014. Certains pourraient ou se désintéresser de cette élection en considérant que le président est moins important que l'assemblée; ou se dire qu'il est maintenant possible d'éparpiller leurs voix entre tous les candidats, le vote utile étant moins nécessaire; ou enfin qu'il faut éviter de donner la présidence au parti qui est arrivé en tête des législatives, au risque d'une dérive autoritaire.

Candidats, comparses et leurres politiques

Il faut donc que les Tunisiens réfléchissent bien à ces questions et se déterminent en connaissance de cause mais avec efficacité.

Une première réflexion doit être faite: le président va jouer un rôle essentiel, et même s'il n'a pas tous les pouvoirs, c'est lui qui va inspirer et diriger la politique du pays tant à l'intérieur qu'à l'étranger.

On a vu pendant ces dernières années les dégâts considérables que peut faire un président incompétent et qui développe des idées d'un autre âge, nuisible à l'image du pays et à la cohésion nationale. Il faut donc absolument éviter de refaire une telle erreur et éviter un deuxième «tartour» (guignol) à Carthage.

Par ailleurs, le président aura un rôle d'autant plus important qu'aucune majorité absolue ne s'est dégagée aux législatives et qu'il devra aider à des alliances pour le bien du pays.

N'oublions pas que le président a un pouvoir de dissolution et que c'est entre certaines mains un pouvoir de nuisance considérable. Imaginez un seul instant un président issu d'Ennahdha ou ayant l'appui des obscurantistes et imaginez le pouvoir de nuisance qu'il aura, avec la possibilité de dissoudre l'assemblée que nous avons élue!

Dès lors, il faut que les Tunisiens vérifient bien l'«appartenance» des candidats qui, ouvertement ou de manière cachée, seront soutenus par les obscurantistes. Si l'on veut être conséquent, il faut leur barrer la route.

Les Tunisiens pourraient aussi se demander, au passage, pourquoi les islamistes ne présentent pas directement un candidat et préfèrent en soutenir un plus ou moins ouvertement! C'est tout simplement parce qu'ils savent très bien qu'ils n'ont absolument aucune chance; et que se présenter directement, ce serait montrer que l'on a affaire à un colosse au pied d'argile, à une idéologie néfaste qui ne dispose que de peu de voix en réalité (800.000 tout au plus sur 11 millions de Tunisiens).

Voilà donc leur conception du combat démocratique: courage fuyons; et essayons de tromper sur la force du mouvement!

Une deuxième réflexion doit amener chaque Tunisien à se demander ce que représente tel ou tel candidat. De nombreux candidats ne représentent rien. Ils n'ont strictement aucune chance de l'emporter; et leur candidature n'est qu'un enfantillage de leur part, une façon de se montrer, de laisser parler leur ego. C'est une attitude complètement immature et infantile. Il faut que les Tunisiens les renvoient avec fermeté au néant d'où ils n'auraient jamais dû sortir.

Par exemple, Kalthoum Kannou, candidate indépendante, que représente-t-elle? Ce n'est pas parce qu'elle a été un juge courageux qu'elle peut, tout d'un coup, prétendre à être président de la République; et sa qualité de femme n'est pas, à elle seule, une raison de voter pour elle. Par ailleurs, elle aurait déclaré : «Aujourd'hui, je conserve une hargne envers les membres de l'ancien régime». Elle affirme qu'elle ne travaillera pas avec eux, donc qu'elle ne pourrait pas travailler avec le parti Nida Tounes, qui en a fédéré plusieurs.

Kalthoum Kennou aurait-elle la mémoire courte? Est-ce une déclaration responsable? Et comment, présidente de la République, pourrait-elle ignorer le parti élu en tête? Une telle déclaration la disqualifie totalement.

Que représente Ahmed Néjib Chebbi, candidat d'Al-Jomhouri? Voilà quelqu'un qui n'a réussi à faire élire qu'un seul député et qui prétend représenter le pays ! Avec qui pense-t-il gouverner? Poser la question, c'est y répondre : avec les islamistes dont il quémande le soutien.

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Béji Caïd Essebsi et Hamma Hammami ont intérêt à marcher ensemble. 

Pour une alliance entre Nida Tounes etle Front populaire

Il faut que les Tunisiens soient logiques avec eux-mêmes. Ils ont rejeté les islamistes est-ce pour les voir revenir à travers un comparse qui sera leur «tartour» n° 2, puisqu'il leur devra tout? Je trouve même que ce monsieur est indigne. Quand on a pris une telle veste à des élections on se retire, au moins quelque temps et on a la décence de se taire.

Les autres candidats se contentent de se présenter sans avoir fait l'effort, comme l'a fait Beji Caïd Essebsi de réunir un parti, de fédérer les bonnes volontés. Ils ont, pour certains des qualités de techniciens mais ils n'ont pas de parti derrière eux; et c'est essentiel en démocratie.

Maintenant, il faut faire un choix entre ceux qui ont obtenu un nombre de voix conséquents aux législatives : Nida, l'UPL de l'homme d'affaires Slim Riahi et le Front populaire de Hamma Hammami.

Le parti de M. Riahi me parait particulièrement inquiétant car ce n'est pas un parti d'idées mais d'argent et qu'à mon point de vue, l'argent n'ayant pas d'odeur pour ce genre de personnage, il est prêt à se vendre au plus offrant. Donc prêt à tomber de tous les côtés. Autrement dit, il manque de fiabilité ! C'est quelqu'un qui continuerait une des plaies des pouvoirs qui se sont succédés : la corruption et l'argent d'une «propreté» douteuse seront ses seuls contributions au parlement!

Je ne crois vraiment pas que c'est ce que veulent les Tunisiens.

Quant à Nida Tounes et au Front populaire, j'ai toujours rêvé qu'il y ait une alliance entre eux sur une base possible. Il me semble, en effet, que Nida, qui se présente comme un parti du centre-droite, ne doit pas être un parti de droite libérale mais qu'il est dans son propre intérêt de favoriser des mesures sociales, d'inspiration de gauche, pour diminuer au cours des années à venir la fracture sociale qui existe entre les Tunisiens et entre certaines régions; qui constituent un vivier pour les Frères musulmans nahdhaouis.

Mon vœu est donc que Beji Caïd Essebsi l'emporte mais que Hamma Hammami fasse aussi un bon score et qu'ainsi un équilibre puisse se faire.

Pour conclure je dis donc aux Tunisiens qu'ils doivent de toute évidence confirmer leur vote aux législatives et élire Beji Caïd Essebsi. Échouer sur cette voie serait la porte ouverte à toutes sortes d'aventures dangereuses pour le pays.

Si Nida avait obtenu la majorité absolue et avait pu décider seule à l'assemblée alors, oui, il aurait fallu élire un président issu d'un autre parti pour équilibrer les pouvoirs, mais c'est loin d'être le cas.

On ne doit pas craindre une dérive autoritaire, que dénoncent les Frères musulmans nahdhaouis – ce qui est le comble de la part d'un parti qui a dominé les 3 pouvoirs, en dominant ses partenaires («tartour» alias Moncef Marzouki et le «groggy du perchoir» alias Mustapha Ben Jaafar), car la composition de l'assemblée ne permettra aucune dérive de ce type; et surtout la société civile tunisienne qui a montré sa maturité et sa grande efficacité, ne permettra plus jamais une telle dérive.

Bien au contraire il faut absolument un président bien élu (l'idéal serait même qu'il le soit au premier tour) pour qu'il ait la force et l'autorité nécessaires et indiscutables pour être un moteur de la politique du pays face à une assemblée, qui, quelle que soit la majorité qui s'en dégagera, sera par sa grande division, plus un frein qu'autre chose... ce dont rêvent Ghannouchi et ses frères !

Vouloir la paralysie du pays serait d'élire un président issu d'un autre parti que Nida Tounes !

Il convient donc que les Tunisiens fassent preuve de clairvoyance, de maturité politique et se comportent, de manière logique et efficace en votant pour Caïd Essebsi.

Blog de l'auteur. 


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