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L'exercice consensuel du pouvoir, auquel les Tunisiens semblent condamnés, risque de subir les faiblesses de la dynamique du groupe sans profiter de ses points forts.

Par Hatem Mliki*

La Tunisie postrévolutionnaire invite, pour la 2e fois, ses citoyens aux urnes pour élire, cette fois, la nouvelle assemblée et, par conséquent, le nouveau gouvernement.

En dehors des candidatures des vaniteux, opportunistes et curieux qui continuent d'acclamer, sous plusieurs prétextes, le droit au pouvoir, les analystes politiques sont quasi-unanimes sur le fait qu'aucun parti ne sera en mesure d'obtenir la majorité et, par conséquent, gouverner seul pendant les 5 prochaines années.

L'exercice consensuel du pouvoir

Certes, les résultats définitifs ne seront connus qu'une fois le scrutin achevé et que des coalitions sont en vue. Cependant, et quel que soit le résultat, le pays restera divisé. Une situation que les principaux prétendants semblent avoir digérée et à laquelle ils croient avoir trouvé la solution miracle: l'exercice consensuel du pouvoir. Cette formule magique cache des retombées assez négatives sur l'avenir de la Tunisie.

L'exercice participatif ou consensuel du pouvoir ne peut être considéré comme étant avantageux que sous conditions. Cela nous renvoie essentiellement à deux conditions préalables sans lesquelles ce mode de gouvernance ne peut être que catastrophique.

Ceux qui sont familiarisés avec la notion de dynamique de groupe savent qu'avant de prétendre à une participation significative permettant de profiter pleinement de la dynamique positive du groupe sans se perdre dans des conflits dévastateurs, chaque membre doit, en premier lieu, se sentir en sécurité au sein du groupe et dans un second temps accorder sa confiance aux autres membres.

Deux conditions préalables qui sont très, pour ne pas dire trop, loin de se réaliser au regard de la classe politique actuelle et plus particulièrement des personnes qui la dirigent, la composent ou l'influencent. A défaut de ces deux conditions, l'exercice consensuel du pouvoir va subir les faiblesses de la dynamique du groupe sans profiter de ses points forts.

Habituellement, on relève trois principales faiblesses, à savoir la lenteur, la stérilité et l'irresponsabilité.

Rached-Ghannouchi-Beji-Caid-Essebsi-Consensus

Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi: "Je t'aime, moi non plus". 

Le rythme lent du consensus

Un exercice consensuel, désorganisé et ne remplissant pas les conditions de sécurité et de confiance mutuelle signifie que les décisions à prendre seront difficile à concevoir, systématiquement entachées de soupçons de complot et de mauvaise foi et assez souvent retardées jusqu'à ce qu'un compromis soit trouvé.

Face aux difficultés pratiques et l'urgence de certaines décisions, l'exercice du pouvoir par l'appareil exécutif va obéir au rythme, assez lent, du consensus et ne pourra pas ainsi satisfaire aux exigences d'efficacité et de pertinence qui doivent marquer les actes de gestion surtout courante.

La Tunisie n'a pas seulement besoin d'engager des réformes urgentes à tous les niveaux mais aussi pouvoir les mettre en œuvre. La lenteur décisionnelle du processus consensuel entre alliés/ennemis implique que les décisions prises seront non seulement de mauvaise qualité mais peuvent également être prises dans un contexte substantiellement différent de celui à leur origine.

Faute de confiance et face aux difficultés pratiques de gestion des affaires publiques, la classe politique finira par se perdre dans un débat idéologique stérile remettant systématiquement en cause toutes les initiatives qualifiées d'un côté de solution miracle et de haute trahison de l'autre.

Et rebonjour les débats télévisés bas de gamme, les articles et publications haineuses et violentes et les discussions interminables. En l'absence de faits objectifs, chiffres à l'appui, répartition claire des attributions et, dans le cas d'une recherche de consensus, la notion d'optimisation qui caractérise tout acte de gestion cédera la place à un débat stérile inversant les priorités et l'ordre d'importance en avantageant les détails inutiles et favorisant les points de désaccords tant réels qu'inventés.

Ce cadre favorisera également l'irresponsabilité. Un jeu victime/persécuteur s'installera et tous les malheurs des Tunisiens seront perdus dans la seule réplique «c'est la faute aux autres». Bien évidemment s'ajoutera la passivité et la démission des cadres de l'administration publique qui n'en peuvent plus avec ce cirque.

Pour que les élections du 26 octobre 2014 ne se transforment pas en cauchemar, la société civile a un rôle assez important à jouer. Un plaidoyer fort et urgent doit être engagé prioritairement en vue de :

- mettre les postes clés de l'Etat (sécurité, défense, affaires étrangères, économie, justice, finances...) à l'abri des querelles politiques en fixant des règles transparents de nomination qui mettent à l'abri les personnes en charge de l'humeur de la classe politique;

- organiser, le plus tôt possible, des élections municipales et engager les réformes en vue d'une gestion locale décentralisée et démocratique. Il s'agit là d'une garantie importante pour que les conflits politiques ne viennent pas à bout des services de proximité aux citoyens ;

- faire pression pour que le programme du nouveau gouvernement, quelle que soit sa nature, soit un engagement non seulement envers l'assemblée en vue du vote de confiance mais aussi un engagement envers les citoyens.

* Consultant en développement.

 

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