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Ordures-Djerba-Banniere

Le spectacle est désolant. La scène est cauchemardesque. On frôle le drame. Ne cherchez pas loin, on parle bel et bien de cette île agonisante qu'est Djerba.

Par Ali Gana*

Mobilisation de la société civile, grèves générales, mouvements de protestation... Jamais cette île n'a connu un tel niveau de frustration. Tout ou presque a été essayé pour faire entendre un cri de détresse. Et pourtant on est loin de voir le bout de tunnel.

Décrire cette vie vie infernale à laquelle on est contraint me paraît futile tellement les articles fusent pour en rendre compte et les réactions s'enchaînent pour exprimer le ras-le-bol des habitants. Ce qui, par contre, mérite réflexion c'est cette attitude à la limite de l'indifférence des responsables aux niveaux régional et central.

Une délégation spéciale démissionnaire, un gouverneur fantomatique, un secrétaire d'Etat rabâchant un discours usé jusqu'à la corde, un ministre de l'Intérieur et un Premier ministre qui ne voient même pas l'intérêt de s'exprimer sur le sujet, voilà où nous en sommes.

L'observateur averti peut certainement déchiffrer le message sans appel des autotrités: nos agents et nos moyens de transport sont disponibles, à vous, Djerbiens, de régler vos différends et de nous faire signe de votre choix de la décharge publique que vous comptez utiliser. Le reste on n'en à cure. C'est un problème Djerbo-Djerbien pour le règlement duquel on ne peut rien.

Djerba-Ordures

Le citoyen, payeur d'impôt, à droit pour lui et pour ses enfants à un environnement sain.

Simpliste comme raisonnement, avouez-le. Car ces mêmes responsables semblent oublier une évidence: le citoyen, payeur d'impôt, à droit pour lui et pour ses enfants à un environnement sain. Un droit des plus élémentaires du reste. L'autorité qui, par définition, est détentrice du pouvoir à l'obligation d'y répondre. Se soustraire à cette obligation revient à exprimer une passivité inadmissible pour ne pas dire une faillite inexcusable.

En écoutant le secrétaire d'Etat Ben Khalifa, avec un air arrogant et un sourire narquois, s'exprimer sur un plateau télé, on aurait envié de lui lancer que ni la société civile ni les organisations syndicales ne sont censés trouver une solution, mais c'est bien à ceux qui incarnent le pouvoir exécutif d'en trouver une. S' y dérober revient à s'approprier le pouvoir et à ne pas l'exercer, à vouloir gouverner sans prendre de décision, à faire semblant se s'activer à trouber un dénouement alors que la volonté n'y est pas.

Assez d'hypocrisie, assez de mensonges, assez de disours creux. Honte à vous autant que vous êtes. Ayez au moins le courage de dire simplement que nous, institutions de l'Etat, avons échoué à vous assurer une vie saine.

J'en suis sûr. Si les experts de l'OMS débarqueent demain à Djerba, ils nous serviraient un communiqué alarmant auquel les autorités tunisiennes ne tarderaient pas à donner suite en mobilisant tous les moyens pour éradiquer tous les foyers de menaces environnementales. Ça a été toujours comme ça, on 'nagit que sous pression d'organisations internationales. La conception devoir/droit paraît une réalité inaccessible.

La solution? Ça se résume en une phrase: élevons la barre des revendications plus haut pour assurer le minimum. Cette tutelle administrative asphyxiante et cette désolidarisation des autres délégations méritent une réaction qui frappe les esprits et dont le spectre risque de faire trembler plus d'un et, à ce moment-là, la problématique environnementale deviendra facile à résoudre.

* Enseignant à l'Iset de Djerba.

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