Mehdi-Jomaa-Banniere-Nouveau

La manière avec laquelle le chef du gouvernement provisoire a géré l'épisode de son «renoncement» à la présidentielle a beaucoup terni son image.

Par Tarak Arfaoui

Le Premier ministre provisoire Mehdi Jomaa, manager de renom, parfait technochrate, parachuté à l'insu de son plein gré ou par un concours de circonstances exceptionnel dans la poudrière politique tunisienne, semble s'être accommodé peu à peu de la médiocrité ambiante en naviguant dans les eaux saumâtres des manigances politiques caractérisant aujourd'hui la Tunisie. Son dernier discours, très maladroit et politiquement incorrect, en est l'illustration.

Il était clair, dès le départ, que l'une des recommandations fondamentales du Quartet du Dialogue national était que le Premier ministre désigné ne se présenterait pas aux élections. Sans cela il n'aurait jamais été nommé. M. Jomaa a accepté ce deal en connaissance de cause et l'a mainte fois répété dès les premiers mois de sa prise de fonction. Alors quelle mouche l'a piqué pour avoir laissé planer le doute sur ses ambitions présidentielles?

Il est vrai que le pouvoir aiguise l'appétit et il est encore plus vrai qu'entouré de laudateurs et de panégyristes de tous genres qui pullulent sur la scène politique, M. Jomaa a commencé à croire à sa bonne étoile, d'autant qu'en jetant un coup d'oeil sur le profil des autres candidats à la présidentielle, il n'en a été que plus conforté dans sa soudaine ambition de passer du palais de la Kasbah à celui de Carthage en moins d'un an et de réitérer ainsi l'exploit d'un certain... Zine El-Abidine Ben Ali, 27 ans auparavant. Il est vrai aussi que certains partis politiques de la place et non des moindres, ainsi que des chancelleries occidentales, lui ont mis également la puce à l'oreille.

La tentation pour M. Jomaa était vraiment grande, d'où le silence radio qu'il a observé sur la question de son éventuelle candidature à la présidentielle, et qui a duré au moins deux semaines, puis l'envoi de quelques éclaireurs pour sonder l'opinion générale, l'utilisation de certains lobbies médiatiques, l'appui de quelques personnalités, puis le recours à quelques pages facebookiennes pour mener une campagne en sa faveur .

Le désistement final était-t-il volontaire, conseillé ou imposé par certains? En tout état de cause, le show qu'il a savamment orchestré pour annoncer son renoncement – malgré l'insistance de certaines parties à l'intérieur et à l'extérieur, a-t-il expliqué – était bien le fruit d'un mauvais calcul politicien voire d'un amateurisme flagrant, qui a revelé au grand jour le fossé qui separe un technocrate d'un vrai politicien aspirant à être un homme d'Etat. M. Jomaa n'avait pas à affirmer son patriotisme ni à se complaire dans un discours autolaudateur ni à souligner le «sacrifice» qu'il aurait consenti à ne pas présenter à la présidentielle.

Tout ce cirque aurait pu être évité par un simple communiqué rappelent aux Tunisiens qu'il n'a jamais été question pour lui, dès le départ, d'une quelconque candidature, et ce conformément à la feuille de route, point barre. Il a préféré en rajouter, quitte à en faire trop, au point de laisser transparaitre son grand appétit de pouvoir (était-ce le moment?) au point d'en devenir carrément antipathique.

 

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