Mehdi-Jomaa-CP

Il est temps pour les acteurs politiques tunisiens de considérer les journalistes comme partenaires du projet démocratique et non pas comme de simples faire-valoir.

Par Mehdi Jendoubi*

 

L’annonce par Mehdi Jomaa, mercredi 17 septembre 2014, qu’il ne se portera pas candidat à la présidentielle m’interpelle en tant que citoyen et formateur de journalistes.

En tant que citoyen, je ne peux qu’être satisfait et rassuré de voir le chef du gouvernement provisoire réaffirmer sa fidélité aux engagements pris dans le cadre du dialogue national, qui est à la base de la légitimité de son gouvernement dont aucun membre n’est autorisé à se porter candidat aux élections de 2014.

Par contre, en tant que formateur de journalistes, j’ai été étonné et même choqué de voir les dignes représentants de notre corporation traités comme un élément de décor et un faire-valoir dans une mise en scène de communication politique.

Faire appel à des journalistes, venus en masse malgré une actualité préélectorale surchargée, pour assister à un événement annoncé comme important en cours de journée et les priver de poser des questions, c’est tout simplement les empêcher d’exercer convenablement leur métier, un peu comme si on appelait un médecin en lui interdisant de nous tâter le pouls ou de poser son stéthoscope pour nous ausculter.

Poser des questions est un acte journalistique de base auquel les manuels de journalisme consacrent un chapitre et pour lequel les étudiants s’exercent dans les écoles de journalisme. Il est, bien sûr, du droit des acteurs politiques de ne pas vouloir répondre à des questions, mais dans ce cas ils se doivent de choisir d’autres formes de communication comme prononcer un discours devant un parterre de responsables ou de partisans ou s’adresser directement aux citoyens par voie de radio et de télévision ou tout simplement par un communiqué de presse repris par l’agence Tap.

Les journalistes privés de poser des questions sont réduits à de simples porteurs de micros, et la première victime s’en trouve être le citoyen qui a droit à une information complète, vérifiée et enrichie et non pas à un discours officiel, qui, en refusant de se soumettre aux questions des journalistes, ne peut être considéré que comme une propagande, comme il est du droit de tout acteur politique institutionnel ou non de le pratiquer.

De par leur métier, les journalistes sont appelés à recevoir ce discours, à le traiter dans le respect mais avec rigueur et les questions sont un des instruments de cette rigueur.

Bien entendu, nous construisons depuis trois ans, en Tunisie, un nouveau système politique démocratique et nous tentons de mettre les bases de traditions de travail entre acteurs publics et médias. Le flou et les erreurs sont inévitables des deux côtés, mais réparables à condition de considérer les journalistes comme partenaires du projet démocratique et non pas comme de simples faire-valoir.

* Journaliste formateur.

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