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Malgré l'apparente «amitié» qui lie les Etats-Unis à l'Arabie saoudite, les Américains ont élaboré des plans pour se débarrasser des Al-Saoud.

Par Béchir Turki*

L'hégémonie des Etats-Unis sur le monde apparait tellement forte, puissante et excessive, à l'image de ces drones téléguidés par le Pentagone et qui, tels des cow-boys, sèment la mort en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Somalie et, peut-être demain, en Libye, et souvent parmi des innocents. Cette hégémonie s'exprime aussi par la volonté de la Maison Blanche de détruire et de retracer les frontières de l'ensemble des pays musulmans.

Le «chaos créateur» de Condoleeza Rice

Cette volonté s'inscrit dans le projet intitulé "Grand Moyen-Orient", qui est contraire au droit international et à la charte des Nations-Unis, car il vise à induire une recomposition profonde des territoires s'étendant du Maroc au Pakistan habités majoritairement par des musulmans. Il vise aussi à réaliser les ambitions démesurées des Etats-Unis et d'Israël de dominer la région et de prendre possession de ses richesses naturelles d'une part, et d'autre part, d'assurer à long terme la sécurité et la paix de l'Etat juif, et ceci en maintenant les peuples de la région dans l'anarchie, la violence, la souffrance, la désolation et la détresse. C'est la fameuse thèse du «chaos créateur» ("creative chaos") développée par l'ex-secrétaire d'Etat Condoleeza Rice de George W. Bush au lendemain de l'occupation américaine de l'Irak.

Le hic de l'histoire est que les Etats-Unis n'interviennent pas toujours dans notre région directement par l'envoi de leurs forces et en puisant dans leurs budgets, mais par l'utilisation de mercenaires barbares, recrutés, formés et financés par des acteurs locaux, comme l'Arabie Saoudite et le Qatar. C'est aussi une façon de diviser les Arabes et les musulmans, de les opposer les uns aux autres et de les pousser à s'entretuer, au motif de leurs différends politiques ou de leurs différentes interprétations de l'islam.

Le projet du "Grand Moyen-Orient" part du principe qu'il faut lever le tabou des frontières inamovibles, lesquelles doivent se moduler désormais en fonction de critères ethniques et confessionnels.

En observant la carte du Moyen-Orient, on note, en ce qui concerne l'Arabie Saoudite, que cette monarchie d'un autre âge, qui bénéficie de la protection américaine suite aux accords entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud III le 14 février 1945 à bord du croiseur USS Quincy, pourrait bien passer bientôt à la trappe.

Carte-Arabie-saoudite

Carte de l'Arabie saoudite.

L'Arabie saoudite en point de mire

En effet, les architectes autoproclamés du "Grand Moyen-Orient" prévoient :

- de créer, sur la côte ouest de l'Arabie saoudite, un "Etat sacré islamique" entourant La Mecque et Médine, dirigé par un conseil représentatif tournant, issu des principales écoles ou rites de l'islam, où l'avenir de la foi serait débattu au lieu d'être arbitrairement fixé par la secte wahhabite au pouvoir actuellement à Riyad;

- la province d'Al-Hassa, située sur le Golfe persique et dont la population est majoritairement chiite, sera détachée de l'Arabie saoudite pour être intégrée à un nouvel Etat chiite, vestige d'un Irak en décomposition (région de Bassora). Cette manoeuvre vise à spolier le royaume des Al-Saoud de sa meilleure source de richesse, car c'est dans le triangle Dammam-Dhahran-Al Khobar que se concentrent les réserves des hydrocarbures;

- au sud, Riyad perdrait ses provinces Jizan, Najran et l'Assir au profit du Yémen (retour à la situation d'avant le traité de Taef en 1934);

- au nord, c'est l'annexion de Tabouk et une partie de la province d'Al-Jouf, pour permettre à la Jordanie d'avoir une façade maritime.

Toutes ces informations sont diffusées par divers sources, et notamment David Rigoulet-Rose, spécialiste du Moyen-Orient, dans son ouvrage ''Géopolitique de l'Arabie Saoudite''.

Il y a aussi la publication par le ''Washington Post'' d'un briefing de juillet 2002 au Defence Policy Board (DPB), organisme de planification stratégique créé en 1985 par Donald Rumsfeld, alors dirigé par Richard Perle, qui officiait au Pentagone entre 1981 et 1987 sous l'administration Reagan.

Au cours de ce briefing, Laurent Murawiec avait évoqué la légitimité des sanctions, dont le gel des avoirs saoudiens, alors soupçonnés de financer les réseaux du terrorisme.

Hudson Institute, un think-tank proche des Néoconservateurs reprend et développe ces idées avancées par le DBP, et indique que le plan de démantèlement de l'Arabie saoudite existe en réalité depuis la fin des années 1970, à l'initiative d'Henry Kissinger, alors Secrétaire d'Etat de l'Administration Nixon.

Divers articles traitant du même sujet sont parus dans diverses revues militaires dont ''Armed Forces Journal'', ''The Military Times Media Group'', ''The Defence News Media Group'', sous la plume de Ralph Peters, ancien colonel ayant poursuivi ses activités, à la fin de sa carrière de 1980 à 1999, dans le renseignement militaire.

Si ces projets se réaliseront, tôt ou tard, il ne restera aux membres de la famille des Ibn Saoud que leurs yeux pour pleurer leur ancêtre Abdelaziz III qui, avant de fonder le royaume en 1932, avec le conseil et l'appui des Anglais pour saper l'empire Ottoman décadent, était, comme sa lignée d'aïeux, un bandit de grands chemins écumant la région de Nedjd.

Les gendarmes du monde

Pourquoi les Etats-Unis veulent-ils punir si sévèrement la famille des Al-Saoud, alors que celle-ci a toujours été à leur service et obéi à leurs directives, et qu'ils peuvent:

- profiter de leur pétrole à très bas prix;

- contrôler en permanence toutes les activités publiques du royaume, y compris les services de police et ceux du renseignement, et s'installer à leur guise sur l'ensemble du territoire;

- bénéficier d'armées de mercenaires barbares, recrutés et payés par les Saoudiens, et combattant dans divers pays, comme actuellement en Syrie, pour détruire leurs structures et y semer le chaos, en lieu et place des GI.

La question mérite d'être posée, et la réponse se trouve dans la soif de puissance des Etats-Unis qui, cherchent à rester les gendarmes du monde. Les seuls...

* Ecrivain.

Illustration: Barack Obama reçu à Ryad par le Roi Abdallah.

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