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Nida-Tounes-Banniere

La bourgeoisie d'affaires, actuellement marginalisée, espère revenir en force dans le prochain parlement, la principale source du pouvoir lors des 5 prochaines années.

Par Dr Abdelmajid Mselmi

Certains disent qu'ils sont une vingtaine de têtes de listes d'autres jurent qu'ils seront une trentaine. En tous cas ce qui est presque sûr c'est que la majorité des tête de listes de Nida Tounes pour les élection législatives seront des hommes ou des femmes d'affaires.

De quoi la bourgeoisie tunisienne a-t-elle peur?

La bourgeoisie a saisi que le prochain parlement va constituer l'instance principale de la gouvernance du pays pendant les 5 prochaines années. Par réflexe politique, elle compte y avoir un poids considérable pour défendre ses intérêts.

En effet, cette classe sociale n'était pas bien représentée dans l'actuelle Assemblée constituante. Le dernier revers qu'elle a subi sur la loi de la levée du secret bancaire l'a certainement fait réfléchir à plusieurs fois.

Tout le monde se rappelle le travail de lobbying qu'a exercée la présidente de l'Utica, qui a rencontré la majorité des présidents des partis pour essayer de faire capoter cette loi. Elle a eu une demi-réussite puisque la version définitive, consensuelle, a coupé la poire en deux

Dans les pays démocratiques, la bourgeoisie essaie toujours d'avoir ses relais dans toutes les instances du pouvoir que ce soit législatif ou exécutif. Souvent, elle fait avec discrétion et par des moyens indirects.

La ruée des hommes d'affaires tunisiens vers le parlement et leur tentative d'entrée en force constitue un cas clinique. Est-ce que c'est le soif pouvoir? Ou est-ce la peur pour ses intérêts? Ou est-ce le regain d'intérêt pour la politique qui devient une passion remise à l'honneur par la révolution?

Le capitalisme ne pourra pas diriger le pays

Le choix des candidats aux élections est une tâche fondamentale de la direction d'un parti et particulièrement de son leader qui joue le rôle de sélectionneur national.

En effet, le groupe parlementaire constitue la vitrine du parti, sa frange la plus visible et la plus influente dans la gouvernance du pays. Il faut certes des hommes d'affaire dans le parlement mais il n'en faut pas trop. Car l'opinion publique en Tunisie est plutôt méfiante et parfois même sceptique vis-à-vis des milieux des affaires. Et pour causes...

La bourgeoise tunisienne n'a pas assumé pleinement le rôle de moteur de développement économique qui lui a tété attribué après l'indépendance malgré les le soutien financier généreux de l'Etat dont elle a bénéficié durant un demi-siècle.

Elle n'a pas non plus brillé par l'acquittement de ses charges légales telles que les cotisations sociales, le devoir fiscal et le respect des droits des travailleurs.

En outre, la bourgeoisie tunisienne a souvent soutenu la dictature rarement par conviction souvent par obligation et par intérêt. C'est ainsi qu'elle a du pain sur la planche pour les années à venir pour jouer pleinement son rôle économique et social et établir une relation de confiance avec l'opinion publique.

Le Front populaire: une force de progrès

La Tunisie post-révolutionnaire ne peut pas être dirigée par le capitalisme. Elle gagne à être dirigée par la pensée sociale et démocrate qui a d'ailleurs jalonné son histoire moderne.

N'oublions pas que la quasi-totalité des partis politiques fondateurs ont porté le socialisme dans leur nom et/ou dans leur programme. Même les islamistes ont, par moment, adopté la pensée socialiste.

Le rôle historique joué par l'UGTT et le poids politique et culturel de la gauche tunisienne réconfortent cette orientation sociale et démocratique de notre pays dans l'avenir.

Le Front populaire, quant à lui, va présenter dans ses listes des cadres politiques aguerris et formés dans la lutte politique contre la dictature de Ben Ali et contre la troika, l'ancienne coalition gouvernementale. Ils y figurent aussi des technocrates qui ne répugnent pas la qualification d'«expert et rouge», utilisée par un grand révolutionnaire.

Ces derniers ambitionnent de jouer pleinement leur rôle dans le nouveau parlement pour défendre un mode de société tunisienne basée sur le respect des libertés individuelles et collectives, l'égalité entre les citoyens et particulièrement entre les hommes et les femmes, et, bien sûr, la justice sociale.

* Membre du Front populaire.

 

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