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La comparaison entre le coût et l'apport des Libyens et des Européens qui viennent en touristes en Tunisie plaide pour l'ouverture des frontières à nos voisins du sud.

Par Mohamed Chawki Abid*

Les experts tunisiens, qui se produisent sur nos écrans ou s'expriment dans les médias s'ingénient à descendre les ménages libyens fuyant la guerre civile chez eux, prétextant un soi-disant surcoût économique tant au niveau de la «caisse de compensation» qu'à celui du couple «inflation/pénurie».

Les Libyens : un niveau de dépense élevé

Dommage que les analyses subjectives dominent nos débats économiques. Pourtant, nos voisins du sud arrivent avec des réserves raisonnables en devises et bijoux, pour financer correctement leurs séjours, soit dans des hôtels de ville ou balnéaires, soit dans des habitations acquises en location auprès de particuliers tunisiens.

Une bonne partie de ces passagers libyens reçoivent des transferts de fonds de l'étranger pour nourrir leurs réserves et couvrir des dépenses élevées: hospitalisation de malades, séjour hôtelier, etc...

Le panier du Libyen est diversifié, et on y trouve de l'alimentation, du carburant, de l'électricité, mais aussi des services de santé (consultations, cliniques...), des médicaments, des articles d'habillement et cuir, des petits métiers (mécaniciens, artisans...), des petits commerces et des services divers.

Cependant, la part des produits subventionnés (alimentation, électricité) est relativement faible eu égard à la structure moyenne des consommations du citoyen tunisien.

Certes, le cours d'hébergement en location a connu une hausse pendant les premiers jours de l'Aïd, en raison de l'importance du flux d'arrivées face à l'indisponibilité des propriétaires. Toutefois, une correction baissière commence à être constatée de par l'activation de l'offre.

Les Européens: smicards, chômeurs ou retraités

En revanche, nos experts évitent de faire un scoop sur le tourisme européen. Alors que la plupart des ressortissants européens arrivent en smicards, chômeurs ou retraités, bénéficiant de tarifs de groupe à raison de 250-300 € la semaine/pax, billet d'avion compris (40-50 €).

Il n'est pas à démontrer qu'un tel tourisme est non seulement non rentable, mais encore génère des déficits d'exploitation généralement couverts par les banques de la place.

En outre, le panier de consommation d'un touriste de bas-de-gamme est dominé par l'alimentation et l'électricité (éclairage, climatisation, cuisine...), produits pesant lourdement dans le budget de compensation.

Pire encore, leur argent de poche est tellement maigre qu'ils évitent de sortir souvent de l'hôtel, tout en limitant leurs achats à de simples articles de souvenir ne dépassant guère les 50 dinars/pax.

Par conséquent, leur nuisance est au moins double: pompage de la caisse de compensation et production d'un faible niveau de revenus par rapport au seuil de rentabilité, sans compter l'insignifiante consommation de produits et services extra-hôteliers.

La Tunisie était et restera toujours une terre d'accueil. Au-delà du risque de terrorisme, rien ne justifiera une fermeture des frontières avec les deux pays voisins.

Le défi étant sécuritaire par excellence, plutôt qu'économique ou social, j'invite mes chers experts à changer d'angle d'analyse, ce qui les conduira à être moins dissuasifs et plus constructifs.

* Ingénieur économiste.

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