Rached-Ghannouchi-Beji-Caid-Essebsi-Banniere

Nida Tounes et Béji Caïd Essebsi seraient bien inspirés de ne pas céder au chant de la sirène Ghannouchi et à celui de ses soutiens: le Qatar et les Etats-Unis!

Par Rachid Barnat

La Constitution a été votée, les recours rejetés et les élections se préparent. Il a été décidé que les législatives précéderaient l'élection présidentielle et cela me parait rendre encore plus nécessaire l'élaboration, la diffusion et la défense d'un programme clair et précis car autant Béji Caïd Essebsi est connu et peut, même si cela n'est pas suffisant jouer sur sa personnalité, autant les candidats de Nida Tounes seront, pour certains, beaucoup moins connus et il faut, dès lors, que le programme qu'ils présenteront et développeront soit clair et attractif.

C'est un moment crucial pour le pays avec un choix principal absolument essentiel :

- rejeter clairement hors du champ politique les Frères musulmans nahdhaouis dont on a vu les ravages commis avec l'arrogance d'assoiffés de pouvoir et de richesse;

- ou transiger avec eux et se compromettre pour éviter de trancher, en leur laissant une place plus ou moins grande;

- donner au pays et aux Tunisiens, jeunes et moins jeunes, un projet pour l'avenir.

Aujourd'hui, malgré les polémiques inévitables, Nida Tounes et Béji Caïd Essebsi sont en tête des sondages. C'est un bien pour le pays, mais à condition que ce candidat et ce parti soient absolument clairs sur ces choix.

Gare aux marchandages!

Les Tunisiens sont maintenant assez mûrs pour ne pas donner un blanc-seing à un chef. Ils veulent un programme pour l'avenir avec une perspective à long terme. Ils sont assez sages pour savoir que tout ne se fera pas en un jour.

La première question, qui doit être très clairement tranchée, c'est celle de la position de ce parti vis-à-vis des islamistes. Dans diverses interventions, Béji Caïd Essebsi a été clair sur un point: il ne fera pas d'alliance avec les islamistes. C'est essentiel et, dans le cas contraire, il aurait sans doute perdu beaucoup d'électeurs.

Mais cette affirmation n'est pas suffisante! Il est impératif que le candidat et son parti précisent aussi de manière claire qu'ils ne céderont pas aux islamistes des secteurs de la société comme le social, les œuvres caritatives dont on sait parfaitement qu'elles ont été le moyen de développement des Frères musulmans.

En clair, que Béji Caïd Essebsi ne pactisera pas avec Ghannouchi dans un marchandage «donnant/donnant», sous pression étrangère (Etats-Unis et Union Européenne). Il ne faut pas céder aux menaces ni au chantage au terrorisme dont use Ghannouchi conformément à la doctrine des Frères musulmans.

C'est ce qu'a fait, à tort, l'Algérie, quand les militaires se réservant le «politique», avaient abandonné le «social» au Front islamique du salut (FIS), en permettant aux Frères musulmans d'islamiser la société en profondeur. C'est une solution à courte vue par crainte des islamistes mais cela crée le terreau pour un développement futur de ces partis obscurantistes. Car si, à court terme, on obtient une paix passagère, on crée, à long terme, les conditions d'un retour en force de ces partis islamistes.

Or Béji Caid Essebsi rassure ceux qui en douteraient qu'il n'y aura aucune coalition entre Nida Tounes et Ennahdha. Ça a le mérite d'être clair! Mais pactisera-t-il avec Ghannouchi pour lui concéder le «social» contre le «pouvoir»? Rien n'est moins sûr! Car depuis que les Frères musulmans sont mis à l'index par la communauté internationale, menacés par les foudres des Ibn Saoud, qui ont chargé Abdelfattah Sissi de les neutraliser en Egypte, ils tentent de changer de stratégie, du moins en Tunisie, en faisant un profil bas pour permettre au groupe de perdurer. Ce qui explique les discours ahurissants de Ghannouchi, membre notoire du «politburo» des Frères, qui va jusqu'à renier son appartenance à cette organisation! Alors que, sur le terrain «social», ses hommes poursuivent la stratégie qui a permis aux «Frères» d'occuper le terrain.

Encore récemment, Ennahdha a décidé d'aider les élèves pour à leur «philosophie». Croyez vous que ce soit pour l'amour de la philosophie, eux qui détestent la raison et l'étude! Non, c'est pour diffuser leur venin auprès de la jeunesse. N'est-ce pas ce que préconisait Abdelfattah Mourou, le «modéré de service» qui, pour rassurer Wajdi Ghanim, prédicateur des Frères musulmans, lui dira la stratégie des islamistes vis-à-vis des «athées et les mécréants», entendez les laïcs, leurs adversaires, auxquels les Frères musulmans ne doivent pas afficher leur inimité, puisqu'ils visent leurs enfants qu'ils prendront en charge pour préparer la société «idéale» des Frères, les parents «mécréants» étant «perdus» pour eux!

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Dialoguer oui, pactiser non et encore moins céder du terrain.

Ne pas pactiser avec le diable Ghannouchi

C'est contre ce genre d'agissement que l'Etat doit préserver les Tunisiens.

Qui Ghannouchi pense-t-il duper: les Tunisiens ou les Occidentaux?

Il ne dupera ni les uns ni les autres: les Tunisiens pour l'avoir vu à l'action depuis son retour de son exil doré londonien, et les Occidentaux dont les chancelleries n'ignorent rien de l'idéologie qui l'anime, celle des Frères musulmans telle que l'avait codifiée Sayid Qotb!

C'est pourquoi il faut que BCE soit clair là-dessus aussi: pactisera-t-il, oui ou non avec le diable Ghannouchi?

Un consensus mou ne réglera rien et chacune des parties (les islamistes et les progressistes) tirera de son côté et le pays n'avancera pas.

Il y a, en Tunisie, comme dans d'autres pays arabes, une question fondamentale à régler: c'est la place de la religion en politique. Ou on accepte de continuer à voir la religion instrumentalisée et cela ne peut que conduire aux pires excès; ou on stoppe cette dérive meurtrière une bonne fois pour toute.

Voilà la question qui ne peut être tranchée par un consensus mou et qui pourrira le futur du pays. Comment voulez vous qu'un pays aille vraiment de l'avant, alors qu'il est tiraillé entre deux conceptions diamétralement opposées de son futur?

Autrement dit, peut-on marier la carpe avec le lapin? Les progressistes n'ont rien à faire avec les Frères musulmans! C'est comme si les socialistes s'alliaient au Front national... en pire, puisque les «Frères» détiennent leur vérité, en tout, d'Allah lui-même!!

Par ailleurs, faut-il rééditer la triste expérience du mariage du Tartour (Moncef Marzouki, NDLR) et du groggy du perchoir (Mustapha Ben Jaâfar, NDLR) avec Ghannouchi? C'est pactiser à nouveau avec le diable !

Or on entend çà et là que Ghannouchi courtiserait Béji Caïd Essebsi, qui se laisserait tenter par une telle union... parce que bénie par l'oncle Sam.

Les Tunisiens sont étonnés depuis quelque temps par les déclarations des «Frères» nahdhaouis disant tout le bien qu'ils pensent de Nida Tounes et de Béji Caïd Essebsi. Ils poufferaient de rire d'entendre Lotfi Zitoun encenser celui qu'il n'y a pas si longtemps, il traitait de tous les noms! Grotesque.

Nida Tounes serait bien inspiré de ne pas céder au chant de la sirène Ghannouchi et à celui de ceux qui le soutiennent: le Qatar et les Etats-Unis!

Il faut donc que le parti dise clairement qu'il fera tout pour interdire le prosélytisme politique des islamistes que ce soit en politique ou dans la société ou dans les mosquées. Et ses hommes cessent leur flirt avec les Frères musulmans nahdhaouis. C'est vraiment un engagement fondamental et clair qui doit être pris.

Par contre, il est clair aussi que dès l'instant où l'Etat contrôlera les actions caritatives, il doit aussi avoir une politique sociale à l'égard des pauvres et des régions jusque-là délaissées, qui furent le point de départ de la révolution tunisienne. C'est fondamental car l'islamisme ne se nourrit que d'ignorance et de pauvreté. L'intérêt du pays est donc d'œuvrer à plus de justice sociale et, sur ce point, l'aile gauche de Nida Tounes devra être entendue.

Par ailleurs il est impératif de donner un cap au pays.

 

Blog de l'auteur. 

 

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