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Yasmine-Hammamet-Banniere

Le tourisme tunisien n'est pas affecté par le terrorisme et l'insécurité, mais par la dégradation des services dans les hôtels et l'environnement malsain.

Par Abdallah Fatnassi*

Ce récit représente le résumé d'un voyage que j'ai conseillé à mon fils avec sa femme ainsi qu'à des amis suisses dans un hôtel de renommée à Yasmine-Hammamet. Ayant passé des vacances en 2010 dans cette région, dans cet établissement en particulier, j'ai eu la bonne idée de le conseiller à plusieurs personnes qui sont revenues ulcérées et désabusées autant par la prestation de l'hôtel que par le comportement de certains commerçants de la région.

Pauvre voyageur, pauvre touriste

Programmer une semaine de vacances dans un hôtel de luxe pour 1.500 dinars par personne n'est pas gage d'une semaine de tout repos ni une garantie de qualité des services même dans un cinq étoiles. C'est ce qui arrive malheureusement aujourd'hui dans certains de nos hôtels en Tunisie. Voyageurs de passage et touristes continuent de croire en ce pays mais la chute est dure.

Nous sommes fin avril 2014 à Yasmine-Hammamet et le VTS (on ne le nommera pas pour éviter d'être accusé de vouloir nuire à sa réputation) nous donne actuellement une image de déconfiture d'un outil de travail essentiel au tourisme tunisien alors qu'il est sensé l'aider à sortir du marasme économique.

Image pitoyable donnée par un hôtel de luxe devenu une référence dans le dysfonctionnement pour ne pas dire dans le laisser-aller au point que la réception est transformée en comptoir des doléances au quotidien.

Un des éléments essentiels qui fidélise les touristes reste l'hygiène des lieux. Visitez actuellement une chambre au Taj Sultan à Hammamet et vous partirez en courant! Le touriste qui se déplace en avion et pense trouver le repos n'a pas d'autre choix que passer son temps à réclamer. Au fait, de quels types de réclamations s'agit-il ?

Non! Non! Rassurez-vous on ne parle ni de nourriture, ni de boisson, ni de serviette mal pliée non plus. Pus grave : il s'agit de non respect des règles d'hygiène essentielles dans un hôtel se parant du sigle 5 étoiles mais aussi du non-respect du contrat de prestations garantissant aux clients ce pourquoi ils ont payé. Cela s'appelle de la tromperie et suivez le guide...

Deux heures d'avions pour arriver dans un hôtel où les prospectus vous promettent une semaine de rêve. Jusqu'à la réception de la clef de la chambre, vous êtes encore dans le monde du rêve mais le réveil est brutal au moment où vous y entrez.

Les désagréments en série

Le sol de la chambre, tout écorché, semble avoir subi le passage d'un marteau piqueur. Les murs sales n'ont, en tout cas, pas eu droit depuis longtemps à un petit coup de rafraichissement, même pas à un simple lavage pour enlever les marques des mains laissées comme des œuvres d'art lyriques par de multiples clients. Le lit est plein de cheveux, les draps tachés de sang et les oreillers tachés de fonds de maquillage. Les coussins ne sont pas passés par le lavage depuis un moment et la poubelle de salle de bain avec un couvercle cassé a fait son temps. Après réclamation à la réception, le faux étonnement des réceptionnistes semblait nous faire comprendre que ça n'était que le début des ennuis.

En effet si on voulait se reposer rapidement, il fallait mettre la main à la pate et aider à refaire le lit et nettoyer la chambre. Il fallait encore retourner réclamer le lendemain avec le représentant de l'agence de voyage pour qu'on daigne prendre au sérieux le problème et refaire la chambre correctement.

Ce qui nous semblait être une déconvenue isolée est loin d'en être le cas. La présence de beaucoup de touristes à la réception pour réclamer, en hurlant leur mécontentement, nous conforte dans l'idée que la qualité du séjour allait tourner au vinaigre et l'absence de volonté et de dynamisme de la part des responsables de l'établissement nous a sidéré au point d'abandonner toute réclamation car l'agressivité des employés à notre encontre devenait constante. A l'exemple d'un employé du restaurant à qui vous demandez de l'eau et qui vous répond en détournant son regard: ici, il n'y a que les chameaux qui boivent de l'eau. Il se permet même de vous lancer son carnet, presque dans l'assiette, en vous sommant d'inscrire le numéro de votre chambre.

Au bord de la piscine, les animateurs sont à la recherche de candidats pour participer à leurs jeux et ils viennent vous y inviter. Vous expliquez calmement que vous êtes là pour vous reposer et que vous aimeriez rester un peu tranquille. On vous fusille du regard pour vous faire comprendre que vous êtes un fainéant et que vous devez bouger. Un touriste français, lassé par les multiples sollicitations, monte le ton et qualifie certains animateurs d'emmerdeurs.

Au bord de la plage, cela devient infernal de prendre un peu de soleil en couple. Les vendeurs à la sauvette ainsi que les badauds vous harcèlent pour vous vendre quelque chose et ne manque pas de tourner autour de votre femme en l'ennuyant avec insistance.

Et pour compléter le tableau, une promenade à Yasmine-Hammamet vous enlève carrément l'envie d'y retourner le lendemain. Et pourtant la beauté du coin ne demande qu'à être explorée. Mais que faire quant vous êtes harcelés par les vendeurs des magasins qui agrippent votre femme par le bras en pratiquant un enlèvement en bonne et due forme et tout ça pour vous obliger à entrer dans leurs magasins sous prétexte que c'est juste pour regarder. Et gare au refus. On vous jette un regard assassin en vous invectivant en arabe.

Finalement, vous décidez de rentrer à l'hôtel et au diable la découverte du quotidien des autochtones.

On n'oubliera pas non plus l'avidité de certains chauffeurs de taxi qui exigent jusqu'à 10 dinars pour un km de trajet. Je dis bien certains car tous ne sont pas malhonnêtes et je prends pour témoin ce chauffeur de taxi qui a rapporté à l'hôtel un sac à main oublié dans son véhicule par des clients.

Tous ces incidents nous mènent à nous poser des questions dont une essentielle: Est-il encore possible de passer des vrais vacances à Hammamet ou ailleurs en Tunisie?

Hôtels sont en friches et agressivité des commerçants

Après cette mauvaise expérience d'une semaine, il est aujourd'hui difficile de songer y retourner. De l'avis de plusieurs amis étrangers, la Tunisie c'est beau, ce n'est pas cher, le soleil est garanti mais la plupart des hôtels sont en friches et il y en marre de l'agressivité des commerçants ainsi que des badauds qui vous gâchent l'ambiance. Vacances c'est synonyme de repos et tranquillité et aujourd'hui être en couple à la plage ou simplement en promenade en Tunisie, c'est gage de tranquillité perdue!

Pour invoquer ce mécontentement, et sans tirer de conclusion hâtive, il est à observer qu'à aucun moment il n'a été question de terrorisme ou d'insécurité. Ces arguments qu'on évoque souvent pour justifier la baisse du tourisme tunisien sont aujourd'hui infondés car le calme règne et la majorité des Tunisiens sont pacifiques.

Par contre il y aurait beaucoup à faire pour améliorer la qualité de nos établissements hôteliers et surtout entreprendre d'améliorer l'hygiène et la formation des employés. Il serait utile de faire des contrôles anonymes dans les hôtels auprès des touristes pour prendre en considération leurs remarques qui sont souvent pertinentes.

Quant à l'insistance et l'agressivité des employés des magasins qui longent les avenues touristiques, il est vraiment grand temps d'entreprendre une sensibilisation générale pour leur expliquer l'incidence négative que cela a sur la fidélisation des touristes. C'est un désagrément majeur rapporté par beaucoup de visiteurs de notre pays et reste un élément négatif empêchant un redressement d'une mamelle de l'économie Tunisienne qu'est le tourisme.

Ces dysfonctionnements ainsi que les propositions d'actions doivent être prises au sérieux par les responsables des établissements touristiques mais aussi par le ministère du Tourisme.

Prospecter pour le tourisme tunisien c'est une bonne chose. Garantir les prestations promises est la meilleure façon de l'aider à se relever. Plus que ça, c'est assurer la survie d'un secteur indispensable à notre économie et cela dépend de tous les acteurs. Le changement de comportement et la prise de conscience de tous ces acteurs qui vivent du tourisme est un élément indispensable au redressement de ce secteur. A moins qu'ils n'y croient pas?

Ceci est un cri du cœur et non un dénigrement gratuit. «Est aveugle celui qui ne veut pas voir».

* Citoyen.

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